Arnold Schwarzenneger lors de sa campagne en 2003
Lors d’un discours ou d’une conférence, l’utilisation d’un objet est une excellente technique pour capter l’attention du public.
Attention toutefois aux objets que l’on veut utiliser, aux symboles qu’ils peuvent véhiculer. Dans les discours politiques, le fait d’utiliser un objet oscille toujours entre symbole et preuve matérielle.
Par exemple, lors des meetings pendant sa campagne électorale de 2003, Schwarzenneger brandissait un balai en clamant qu’il voulait « nettoyer » la politique en Californie : il passait alors pour l’homme fort de la situation, prêt à retrousser ses manches et à « mettre les mains dans le cambouis ».
Par contre, lorsque Ségolène Royal déclarait, en vue des primaires socialistes en 2011 : « Il y aura du ménage à faire. Et ce n’est pas plus mal que ce soit une femme qui soit élue pour faire le ménage. Un bon coup de balai, et hop ! », il aurait été malvenu qu’elle s’empare à son tour réellement d’un balai : l’image l’aurait faite passer pour une femme docile et soumise, assignée aux tâches ménagères, tout le contraire de ce que les électeurs attendent d’un(e) leader en politique. La formule même fut jugée sexiste par nombre de commentateurs…
L’objet que l’on choisit a toujours une dimension symbolique, ou renvoie toujours à un certain imaginaire. Un même objet peut avoir un sens très différent selon qui s’en sert.
La grande force de l’objet est cependant de nous rattacher directement au réel. Il peut même avoir valeur de « preuve matérielle » par rapport aux idées que l’on défend (voir par exemple Alain Madelin dans l’émission Ce soir ou jamais du 11 octobre 2011).
A ce titre, il faut donc distinguer l’objet utilisé comme preuve, exemple ou illustration, de l’objet utilisé uniquement comme symbole ou signe distinctif pour fédérer les militants de tel parti politique ou tel mouvement social à travers une identité visuelle forte.
Cela dit cette technique de l’objet est finalement assez peu utilisée en communication politique, en tout cas dans notre pays. L’essentiel du travail de nos spin doctors et autre communicants institutionnels porte le plus souvent sur les argumentaires, les éléments de langage, les formules et « petites phrases », c’est-à-dire sur l’impact verbal de la communication.
Le travail sur l’impact visuel, par le media training notamment, se limite généralement à corriger certains défauts, gestes parasites ou mouvements gênants. La plupart des hommes et des femmes politiques cherchent d’abord à se mettre en scène eux-mêmes, à mettre en scène leur corps. Ils se concentrent davantage sur une posture, une gestuelle qui leur serait propre, leur permettant d’affirmer un « style », une personnalité.
Par ailleurs leurs slogans et leurs « petites phrases » sont plus facilement répétés telles quelles, tandis que les images sont davantage sujettes au détournement (montages photoshop etc). C’est pourquoi l’utilisation d’objets ou même d’accessoires reste secondaire, considérée avant tout comme une gêne ou un risque dans leur communication.
Enfin, miser sur le visuel et le côté spectacle est un mode de communication très « à l’américaine », dénigré dans la conception politique française. C’est sans surprise de voir que la technique est le mieux maîtrisée outre-Atlantique.
Al Gore utilise à perfection ces techniques visuelles : objets, photos, dessins, films d’animation, jusqu’à l’utilisation d’un élévateur pour suivre la courbe d’un schéma… Sans cela, faire un film de sa conférence sur le changement climatique aurait été difficilement envisageable.
En France, le discours est encore trop souvent envisagé comme un exercice essentiellement « littéraire » : on se concentre sur la rédaction d’un texte avant de penser à sa mise en scène, au jeu de l’orateur qui devra prononcer ce discours. Certes, il ne faut pas sacrifier le fond à la forme : la parole doit demeurer au service d’une idée. Mais une approche plus « théâtrale » est souhaitable. C’est tout l’enjeu de l’art oratoire.
Toutefois, à l’ère de youtube et du tout vidéo, cette technique devrait davantage se développer, au risque des détournements que cela pourra susciter (comme dans le cas de Nétanyahou) – ou précisément pour provoquer ces détournements et faire le buzz sur internet…