Rhétorique

Qu’est-ce qu’un « sophiste » ?

A celles et ceux qui se targuent « d’appeler un chat un chat« , posons-leur la question de l’usage des termes « rhéteur » et « sophiste ». En dépit de toutes les précautions quant aux préjugés concernant la rhétorique, le terme même de « rhéteur » est quasiment toujours employé de façon péjorative, entendu comme synonyme de beau parleur, bonimenteur, voire menteur ou arnaqueur !, autrement dit d’un individu usant du langage pour embrouiller les esprits et abuser des gens plutôt que les élever et les amener à réfléchir par eux-mêmes…

De même pour les « sophistes », terme par lequel étaient désignés les orateurs et professeurs d’éloquence de la Grèce antique, que Platon accusait de ne chercher que l’efficacité persuasive de la parole, quelque soit la cause à défendre, indépendamment de la vérité.

En réalité, nous sommes tous rhéteurs. D’une certaine manière nous faisons tous de la rhétorique sans y réfléchir, un peu comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir.

Lorsque nous parlons, nous avons toujours un objectif, conscient ou inconscient : convaincre, intéresser, informer ou s’informer, plaire, séduire, amuser, passer le temps, entretenir de bonnes relations, se faire remarquer, passer pour quelqu’un d’intelligent ou de cool… Chaque mot que nous employons, chaque formule ou expression que nous utilisons vise donc à produire un certain effet sur les personnes auxquelles nous nous adressons.

Dans cette perspective, la rhétorique consiste en premier lieu à étudier, à analyser et à répertorier les techniques d’expression les plus efficaces en vue de produire l’effet désiré. Être reconnu comme bon rhéteur ou même sophiste devrait finalement être flatteur, et non perçu comme une forme d’ironie ou de péjoration. Paul Valéry : « Si quelqu’un traite quelqu’un de sophiste, c’est qu’il se sait plus sot. Qui ne peut attaquer le raisonnement, attaque le raisonneur. C’est ici une loi analogue à celle qui fait que l’on se détruit tout entier pour supprimer un mal particulier enchevêtré dans le bien : Loi de l’expédient. »

Par extension, de la même façon que nous faisons de la rhétorique sans le savoir, tout énoncé ou structure de mots – à l’oral ou à l’écrit – peut s’analyser d’un point de vue rhétorique. Une certaine façon de s’exprimer, par l’usage d’un certain vocabulaire et de certaines expressions, permet de montrer son appartenance à une communauté ou de s’en démarquer. Dans cette perspective, la rhétorique vise aussi à identifier les caractéristiques langagières de telle ou telle communauté, tel ou tel groupe d’individus, telle ou telle tendance… On peut ainsi parler d’une rhétorique révolutionnaire, d’une rhétorique de gauche, de droite, d’une rhétorique scientifique… Il convient d’identifier le public cible pour verser dans le registre qu’il entend le mieux.

Evoquons aussi ici la rhétorique comme art du débat, ou « dialectique éristique ». La dialectique correspond à la discussion et au dialogue, par lequel deux interlocuteurs au moins, défendant des thèses apparemment contradictoires ou opposées, cherchent à établir la vérité. La dialectique est donc à une méthode de réflexion – et la confrontation d’une thèse et de son anti-thèse ne mène pas nécessairement à la victoire de l’une sur l’autre, mais à la victoire des deux au travers d’une synthèse.

« Eristique » vient du grec eristikos, qui signifie « qui aime la controverse ». Par extension, le qualificatif « éristique » peut désigner toute personne cherchant toujours à discuter, chicaner, contester, douter, ergoter, s’opposer par principe, se faire l’avocat du diable… Tout le contraire de dialectique.

La « dialectique éristique » est donc une sorte d’oxymore, désignant un certain type de rapport entre deux personnes au moins cherchant à se convaincre mutuellement, et étant prêtes pour cela à user de tous les moyens possibles. La dialectique éristique est d’ailleurs le titre d’un célèbre ouvrage de Schopenhauer, également traduit en français par… L’art d’avoir toujours raison !

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La théorie des trois styles oratoires selon Cicéron

Techniques d'art oratoire Cicéron éloquence manuel

Immense orateur et référence en matière d’éloquence, Cicéron a rédigé de nombreux ouvrages et manuels de rhétorique. Dans son ouvrage majeur sur l’« orateur idéal », De oratore, il expose les grands principes de l’art oratoire, poursuivant ainsi l’effort de théorisation de la rhétorique trois siècles après Aristote.

La théorie des trois styles oratoires

Parmi les trois genres de discours distingués par Aristote (que sont le discours judiciaire, le discours démonstratif et le discours délibératif, lire l’article Aristote, premier grand théoricien de la rhétorique), Cicéron s’attache avant tout au genre judiciaire, forme d’éloquence qu’il a lui-même pratiquée avec un immense succès lors de ses plaidoyers devant les tribunaux. Mais il identifie à son tour trois styles, qui traversent tous les genres de discours.

Dans n’importe quelle cause, explique-t-il, l’orateur doit renseigner son auditoire, l’instruire (docere), éveiller en lui la sympathie (placere), et savoir l’émouvoir en faisant appel au pathétique (movere). Le movere s’attache au style sublime, le placere au style tempéré et le docere au style simple.

On ne vient au style sublime que progressivement, graduellement. Un orateur qui démarrerait son intervention dans un style « sublime » serait en réalité grandiloquent, et non éloquent. Il faut commencer en douceur, de façon simple, prendre délicatement en main le public, pour l’amener à un style plus vivant (modéré), et enfin basculer complètement dans le pathos, l’émotionnel, le sublime.

Attention également à la cause pour laquelle on plaide. Cicéron prévient : « Rien n’est plus inconvenant que de plaider avec grandiloquence une affaire de gouttière devant un seul juge, et d’évoquer avec réserve et simplicité la grandeur du peuple romain ! » et il n’a pas de mots assez durs pour disqualifier l’orateur qui serait « exclusivement orienté vers le sublime » :

« …S’il n’a pas tempéré sa faconde par les deux autres styles, il mérite le plus grand mépris. L’orateur du style simple passe pour un sage par la finesse et la pertinence de ses propos de vieux routier ; celui du style moyen est agréable ; mais l’orateur sublime, s’il ne connaît pas d’autres tons, passe presque pour un fou. Celui qui se met à embraser les esprits sans y avoir préparer l’auditoire, qui ne peut rien dire tranquillement, posément, qui ne sait distribuer, définir, nuancer, plaisanter – à plus forte raison quand certaines causes l’exigent, totalement ou partiellement – fait l’effet d’un aliéné parmi des gens sensés, d’un frénétique pris de vin parmi des gens à jeun. »

Pourtant, en matière d’éloquence, semble s’être répandu le préjugé qui consiste à tenir pour « grand orateur » celui qui s’agite et donne de la voix. La Bruyère fit remarquer dans ses Caractères : « Le peuple appelle éloquence la facilité que quelques-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l’emportement du geste, à l’éclat de la voix et à la force des poumons. » Autrement dit, le peuple se fait duper par quelques effets de manches ; non pas qu’il se laisse aisément convaincre, mais prêtera à tel tribun des qualités oratoires et d’esprit qu’il n’a pas.

La frontière est mince entre éloquence et grandiloquence, comme on peut le voir par exemple avec un orateur de la trempe de Mélenchon : particulièrement brillant et éloquent la plupart du temps, il bascule parfois malgré tout dans une forme de grandiloquence, c’est le risque de tout grand orateur. Mais attention, les tribuns et politiciens chez qui l’on veut reconnaître un « style » sont souvent ceux qui en ont le moins… Exemple typique d’orateur « à style » : Villepin. L’orateur n’est pas un acteur de théâtre, et tout surjeu doit être démasqué. Un style trop léché, trop travaillé, trop cultivé, masque finalement l’absence de style véritable, autrement dit d’individualité, ou de caractère… (voir l’article 8 principes pour rester authentique lors d’une prise de parole en public)

Dans l’idéal, les trois styles de discours définis par Cicéron doivent être utilisés successivement. Mais, même si la cause justifie de verser dans le pathétique, il n’est pas toujours possible de parvenir jusqu’à ce stade – le stade du style modéré étant parfois lui-même difficile à atteindre. Cela dépend des prédispositions de l’auditoire (pathos), de la sincérité ou de l’authenticité dans l’émotion que celui-ci perçoit chez l’orateur (son ethos), mais aussi du timing : a-t-on ou non le temps de progresser chronologiquement jusqu’à ce stade dans le discours ?

Cela dépend aussi de l’orateur en lui-même, de ses capacités – comme nous l’avons vu avec Démosthène par exemple, qui excellait dans le style simple mais qui était cependant physiquement, physiologiquement, au niveau de son souffle et sa voix, limité à ce style et ne pouvait que très difficilement gronder ou élever le ton pour verser dans le sublime. Cicéron précise :

« Certains orateurs sont loquaces et déversent un flot de paroles ; l’éloquence, pour eux, est une question de volubilité. D’autres aiment les silences qui viennent ponctuer le discours, les pauses et les respirations. Quelle différence ! Et pourtant, ces deux styles ont chacun leur perfection. D’autres encore cultivent la douceur et l’uniformité, un style pur et limpide, en quelque sorte, tandis que certains recherchent des termes durs, sévères, et leur discours n’est pas exempt d’une sorte de tristesse. La distinction que nous avons opérée plus haut entre les discours simple, sublime et tempéré s’applique aussi aux orateurs : ils se répartissent en trois genres, de la même manière qu’il y a trois genres de style. »

Il reconnaît que « certains orateurs ont brillé dans l’un d’eux, mais très peu dans les trois à la fois », et tout en considérant Démosthène comme un modèle d’éloquence, il observe qu’il ne s’en tient qu’au style simple – malgré tout préférable à celui qui ne s’en tiendrait qu’au style sublime…

Pour Cicéron, l’orateur idéal est donc celui qui se révèle capable d’adopter chacun de ces trois styles, et qui a suffisamment d’à-propos pour savoir quand tel ou tel style est approprié, à la fois à quelle étape du discours et selon quelle cause défendue, quel message porté. C’est « celui qui sait employer le style simple pour disserter sur les sujets insignifiants, le sublime pour aborder les grands problèmes, et le tempéré pour traiter des questions moins élevées. » Retenons de même ce véritable mot d’ordre du bon communicant :

« L’homme éloquent que nous cherchons sera donc capable de prouver, de plaire et d’émouvoir, dans un plaidoyer comme dans un discours politique. Prouver est une nécessité, plaire une douceur et émouvoir une victoire. S’il émeut l’auditoire, sa cause est gagnée. A ces trois taches correspondent trois genres de styles : le simple pour prouver, le tempéré pour plaire et le véhément (ou sublime) pour émouvoir. C’est dans ce dernier genre que l’on trouve concentrée toute la puissance de l’orateur. »

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Aristote, premier grand théoricien de la rhétorique

Contemporain de Démosthène : Aristote. Comme nous l’avons vu avec le manuel de Corax, la rhétorique est véritablement née dans le champ judiciaire. Avec le développement des institutions démocratiques de la Grèce antique, elle entre rapidement dans la vie politique. Environ un siècle après Corax, Aristote consacre pleinement l’extension des champs d’application de la rhétorique.

Les trois genres de discours

Selon lui, le discours judiciaire n’est qu’un genre parmi d’autres, parmi trois genres avec le démonstratif et le délibératif :

– Le genre judiciaire, comme évoqué, a ceci de particulier qu’il prend forme dans le cadre d’un procès. Il s’agit alors non de convaincre la partie adverse, mais un tiers, le juge ou les jurés. Selon la partie que l’on représente ou que l’on constitue, il faut se défendre, ou accuser. Il s’agit de déterminer si l’accusé est bien responsable ou non du fait qui lui est reproché et, selon, lui attribuer ou non une certaine peine.

– Le genre démonstratif (aussi appelé épidictique, « qui sert à montrer ») a pour objet la louange ou le blâme. Par exemple, un éloge funèbre.

– Le genre délibératif est propre au débat démocratique. La délibération porte sur l’avenir, elle a pour enjeu une prise de décision sur la base d’un accord établi entre les protagonistes.

A retenir : le GENRE JUDICIAIRE prend forme dans le cadre d’un procès. Décide de ce qui est juste et injuste. Sa finalité est de Défendre / ou Accuser. Le GENRE DEMONSTRATIF vante les qualités et mérites d’une personne. Se rapporte au beau et au laid. Il a pour finalité de Louer / Blâmer. Le GENRE DELIBERATIF, quant à lui, vise un accord, en vue de prendre une décision. Envisage ce qui est utile. Sa finalité est de Conseiller / Déconseiller.

La relation ethos / pathos / logos

Comme le souligne Meyer dans son Histoire de la rhétorique, la distinction de ces trois genres de discours renvoie à la systématicité qui caractérise la Rhétorique d’Aristote. Dès l’introduction de la Rhétorique, Aristote critique les « technologues », ceux qui comme Corax se contentent de fournir, de lister, d’égrener de vulgaires techniques de discours. Son étude de la rhétorique ne se limite pas simplement à fournir quelques « recettes » pour s’attirer la faveur d’un juge, mais cherche à dégager les principes généraux de la persuasion. A ce titre, Aristote peut être considéré comme le premier grand théoricien de la rhétorique.

Son apport majeur tient dans sa façon d’intégrer et de combiner tous les éléments fondamentaux de toute sorte de discours. Ainsi qu’il l’établit, « Il y a trois éléments inhérents à tout discours : l’orateur, ce dont il parle, et l’auditoire » renvoyant respectivement à l’ethos, au logos et au pathos, auxquels se superposent à leur tour le genre judiciaire, le genre démonstratif (ou épidictique), et le genre délibératif :

– Le logos doit être le cœur de tout discours, c’est sa dimension logique rationnelle apte à convaincre (et non seulement à persuader, nous verrons la nuance plus tard). C’est la pensée qu’il s’agit de communiquer à proprement parler, sa vérité, sa véracité, ou la validité de l’argumentation qui y conduit.

– L’ethos désigne le caractère de l’orateur, les qualités morales qu’il révèle à travers son discours, son attitude, sa façon d’être… A la différence du logos qui correspond au message profond d’un acte de communication, l’ethos est l’image – réelle ou non – construite par cet acte.

– Le pathos relève des dispositions et caractéristiques de l’auditoire qu’il s’agit de toucher, de séduire ou d’impressionner. Ce sont les émotions que l’orateur peut chercher à réveiller ou avec lesquelles il doit jouer, l’empathie qu’il doit avoir avec ses auditeurs.

Nous pourrions ajouter le topos, entendu ici comme le lieu de réunion de l’ethos et du pathos permettant l’expression du logos. Le lieu, ou plus largement le « contexte » de diffusion d’un message, participe lui aussi du message à la fois en le redéfinissant tout en étant redéfini par lui. En rhétorique, le terme de topos a déjà une signification, et désignait dans la Grèce antique tout arsenal de stratagèmes et d’arguments dans lequel pouvait puiser un orateur. Par extension, le terme s’est mis à désigner tous les ressort typiques de la littérature, les thèmes, les situations, les ficelles fréquemment utilisés par les auteurs, scénaristes et autres conteurs. Cependant, le terme original traduit « lieu » ou « endroit » en grec, et c’est dans ce sens que nous voudrions l’utiliser, au risque d’une certaine confusion pour les lecteurs déjà sensibilisés à l’étude des topoï littéraires.

Matrice rhétorique Aristote schémas trois genres d'éloquence

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Corax et le premier manuel de rhétorique

A l’origine, la rhétorique désigne « l’art de bien parler ». Le terme vient du grec ancien rhêtorikos, qui signifie « oratoire », c’est-à-dire qui est propre à la technique du discours.

Le premier ouvrage de rhétorique date du Ve siècle avant J.C. : il s’agissait d’un manuel rédigé par Corax en -460 à destination des personnes devant intervenir devant les tribunaux. A cette époque, les citoyens se défendaient le plus souvent seuls face à un jury – les interventions d’avocats ne se généralisant à Rome que dans les derniers siècles de la République.

C’est en effet dans le cadre d’un procès que l’art de bien parler prend tout son sens : se défendre, ou accuser, c’est-à-dire trouver les bons arguments et la bonne façon de les présenter pour influencer et convaincre les jurés. L’efficacité d’une parole se mesure alors en fonction de sa capacité à persuader, ce qui conduit Corax à définir la rhétorique comme « ouvrière de la persuasion »

Corax fut l’un des premiers sophistes – l’un de tout premiers professeurs d’éloquence de l’époque, alors grassement rémunérés pour leurs enseignements, généralement sollicités comme précepteurs. Il eut pour élève Tisias de Syracuse. Mais ce dernier, si bien formé à la rhétorique par son maître, trouva le moyen de ne pas payer pour l’enseignement qu’il reçu. Ainsi, Tisias aurait déclaré à Corax : « Soit je suis un bon rhéteur et je peux donc te persuader que je ne te dois rien ; soit je ne le puis, c’est que je suis un mauvais rhéteur et cela implique que tu m’as mal formé, donc je ne te dois rien non plus ! »

Cette anecdote relève davantage de la légende, car l’existence de Tisias n’est pas attestée – ni même celle de Corax, le débat anime encore quelques historiens et hellénistes. Mais ce qu’elle nous montre, c’est une certaine façon de percevoir de la rhétorique, qui permettrait de soutenir tout et son contraire. Une discipline qui pulvériserait le souci de la vérité par le plaisir de la jonglerie verbale, dans le seul intérêt de celui qui sait la manier.

Dans un sens, c’est la prédominance de l’esprit sur le corps. Le rhéteur l’emporte sur le bagarreur. Preuve que les bons orateurs terrassent les meilleurs lutteurs ? On demandait qui était le plus fort à la lutte, de Périclès ou Thucydide. Ce dernier aurait répondu : « Quand je lutte avec Périclès et que je le jette à terre, il conteste en prétendant qu’il n’est pas tombé, et il remporte la victoire, car il fait changer d’avis même ceux qui l’ont vu tomber ! » Le débat est un combat ; parfois c’est le combat qui est un débat… La parole persuasive est décidément la plus puissante des armes.

Encore une fois, il semble se dessiner l’idée d’une rhétorique qui permettrait de soutenir n’importe quelle idée, de donner le cachet de la vérité même aux propos contredits par les faits… Le rhéteur ferait-il primer l’esprit sur le corps, étant lui-même d’une faible constitution physique, peu entraîné au véritable combat à mains nues ? Craintif à l’idée de se faire mal, la ruse serait-elle inversement proportionnel à sa couardise ? Ce serait se tromper sur la véritable spécificité de la rhétorique telle qu’elle se concevait dans la Grèce antique, à savoir comme un art dynamique, une authentique pratique, physique et corporelle… Lire : Comment Démosthène est devenu le plus grand orateur de son temps


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Ré-enchantez instantanément le quotidien grâce à la pratique de l’A-Nommeur

J’adore les bandes dessinées. Dans ma bibliothèque, coincées entre d’austères traités de philosophie et de poussiéreux manuels de sciences politiques, elles m’apparaissent comme de véritables friandises livresques, que je consomme avec gloutonnerie…

En voici une que j’ai redécouverte récemment en parcourant mes rayons : Oncle Gabby – « Sock Monkey ».

Par son style graphique et son univers fantastique, entre le Magicien d’Oz et Le Pays des Merveilles, Oncle gabby ressemble à un conte pour enfant. Mais il n’en est rien. On plonge immédiatement dans ce monde magique, séduit par la poésie du texte et des dessins, saisi par les dialogues surréalistes plein de non-sens et de questions faussement naïves.

Oncle Gabby, le personnage éponyme de ce drôle de petit ouvrage, est une sorte de singe en peluche confectionné à partir d’une vieille chaussette. Magie de la bande dessinée, comme dans les dessins animés où tout peut arriver, le « Sock Monkey » prend vie d’une case à l’autre – ainsi que ses compagnons, d’autres curieux jouets rafistolés de bric et de broc.

Oncle Gabby alias Sock Monkey est aussi appelé L’A-Nommeur. Celui qui « a-nomme »

Que signifie cette étrange expression ?

« A-nommer » une chose, c’est faire disparaître du langage le mot qui la désigne et, de là, s’obliger à la décrire d’une façon inhabituelle. L’un des personnages explique : « En ôtant les noms des objets les plus communs, [Oncle Gabby] les renvoie à leur originel et Ô combien magnifique état. Il est plus que tout impliqué dans la restauration de la beauté du monde. »

Oncle Gabby est conduit en calèche par ce même personnage et un autre acolyte. Au cours de leur voyage, tandis que la nuit tombe et qu’ils traversent une vaste plaine sous un faible clair de lune, ses deux compagnons d’infortune lui demande d’a-nommer quelque chose. Oncle Gabby s’éxécute aussitôt :

« Voyez-vous la lune par là-bas ? Bien que « lune » soit un nom charmant, je le retire à présent ! Maintenant, il nous reste un fin disque brillant qui embrasse les nuages nocturnes… « Nuages » que j’a-nomme également, les changeant en paradisiaques volutes de tulle… »

Changer le nom des choses change la façon dont nous les percevons. Désigner de manière poétique chaque élément du quotidien revient à ré-enchanter celui-ci, à redonner un peu de magie à tout ce qui nous semble désormais banal et sans vie.

Une simple route peut devenir « une longue et ondoyante bande de terre »… La fumée d’une cheminée devient « un serpent gris flottant dans les airs »… Les vagues de l’océan deviennent « des montagnes d’eau et de lumière »… Les livres et les BDs de ma bibliothèque deviennent « des briques de papier » avec lesquelles bâtir les murs du grand temple humaniste de la connaissance…

Pour Guillaume Apollinaire, dans son célèbre poème Zone, le soleil est un « cou coupé » (comme celui d’un géant décapité, et renversé dans le ciel, qui ferait ainsi apparaître un disque rougeoyant en guise de coucher de soleil…).

Tout autant d’images ou d’abstractions pleines de grâce et de beauté, parfois drôles ou dérangeantes, toujours surprenantes…

Et vous, comment percevez-vous ce qui vous entoure ?

Entraînez-vous à a-nommer les objets que vous connaissez. Où que vous soyez, chez vous ou à l’extérieur, prenez l’habitude de désigner différentes choses, même les plus communes, d’une façon inédite et poétique.

Faites-en un jeu, un défi quand vous êtes à deux ! Avec un ami, pointez quelque chose au hasard, et cherchez à l’a-nommer, le premier qui trouve une formule intéressante a gagné. Puis l’un de vous a-nomme quelque chose, et l’autre doit trouver de quoi il s’agit…

Pouvez-vous a-nommer… un oreiller ?

…une lampe de chevet ?

…une fourchette ?

…un arbuste ?

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Les 3 piliers de la rhétorique expliqués par ma fille

Aristote est le véritable fondateur de la rhétorique telle que nous l’entendons aujourd’hui. Développés au IVe siècle avant Jésus-Christ, ses principes prennent en compte à la fois le sens nodal et la périphérie et restent parfaitement opérationnels de nos jours. Aristote distingue trois types d’éléments dans tout discours : le logos, le pathos, l’ethos, qui peuvent correspondre à trois procédés argumentatifs ou persuasifs. Le logos est l’argument par logique (du type Si A alors B, A donc B) ; le pathos est l’argument par émotion (la peur, l’amour…) ; enfin, l’ethos est l’argument par personnalité, par réputation (l’honnêteté, les valeurs…). Le logos, le pathos et l’ethos fonctionnent habituellement ensemble pour convaincre.

Mise en situation avec ma fille de sept ans :

– Ma fillette chérie, tu dois mettre une pantalon avant de sortir parce que je t’ai dis qu’il faisait froid dehors…

– Papa, ce sont MES jambes, je sais ce que je dois mettre ! (ethos)

– Et un pantalon te permettra d’avoir chaud, n’est-ce pas…

– C’est pas grave si elles ont un peu la chaire de poule ! (logos)

– Regarde-moi, je n’aurais pas l’air idiot, là, dehors dans la rue, avec un short ?

– Si, tu aurais vraiment l’air idiot, mais pas moi ! (pathos)

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