Nous observons de nos jours une véritable crise de la parole politique, à laquelle est d’ailleurs liée la timidité ambiante de la société : les citoyens perdent confiance en eux en même temps qu’ils n’ont plus confiance en leurs représentants.
Cela est en partie dû à la mauvaise formation de nos orateurs.
En effet, le trac n’est pas naturel : il dépend en réalité d’un apprentissage culturel. A l’école comme au lycée, les jeunes Français ne sont pas incités à participer ; peu sollicités à l’oral, exclusivement évalués à l’écrit, ils développent une forme de glossophobie, ils deviennent timides et redoutent de prendre la parole en public… Le trac serait-il une maladie française ?
La solitude est en tout cas un fléau sociétal typiquement français, directement lié au malaise social et à la timidité généralisée…
L’Education nationale et nos méthodes d’enseignement jouent donc un rôle déterminant dans ce grand problème social. L’Ecole est la première responsable du malaise de notre jeunesse, petit malaise des écoliers devenu génération après génération le grand malaise de tous les citoyens.
Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. En France, nous sommes prisonniers de l’écrit : le culte du plan en deux ou trois parties conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser… Un moyen de contrecarrer le malaise social et la crise de confiance qui en découle serait donc de renverser ce rapport typiquement français de l’écrit contre l’oral.
Comment remédier à ce problème ? Comment vivifier le débat démocratique contre le malaise social ambiant ?
Notre culture met en avant les « hommes de lettres ». Pourtant, la parole en public, et plus largement l’expression orale, est constitutive d’une certaine tradition européenne – une tradition qui remonte jusqu’aux grands penseurs de la Grèce antique, à commencer par Socrate, fondateur de la philosophie politique en Occident. Pour reconstruire la parole politique, il faut réhabiliter celle-ci en tant que tradition européenne et même française !
Il faudrait par exemple remettre en place des cours de rhétorique au collège et au lycée, qui se révéleront certainement bien plus efficace sur le plan social et citoyen que nos « cours d’éducation civique ». Il faudrait pourquoi pas aussi mettre en place une formation spécifique en art oratoire, dès l’école primaire et pourquoi pas dès la maternelle, qui consisterait dans un premier en une simple « classe de conversation », et qui deviendrait au collège un entraînement à la prise de parole en public, pour se transformer au lycée en entraînement au débat public et à la négociation.
Des pistes à explorer, à tester, à expérimenter et à ajuster ! Certes, ça ne se fera pas en un jour, et les résultats ne se feront pas voir avant des années… Mais sur le long terme, choisir de ne rien changer n’est jamais une solution satisfaisante. A nous de réfléchir à l’avenir que nous voulons vraiment bâtir, pour notre jeunesse – et avec notre jeunesse !