Mercredi 3 octobre 2012 avait lieu à Denver (dans le Colorado) le premier débat entre les candidats à l’élection présidentielle américaine, opposant Barack Obama (démocrate) et Mitt Romney (républicain) :
Obama, président sortant, a pour lui la popularité, mais doit défendre son bilan. Romney, moins connu, profite à l’inverse d’une position lui permettant d’attaquer plus directement son rival.
Et ces deux positions d’attaque et de défense se sont clairement ressenties dans l’attitude générale des candidats : Romney était particulièrement combatif et incisif, prêt à « rentrer dedans », tandis qu’Obama semblait plus froid, plus distant, comme « en recul »…
Le Président se devait d’être technique dans ses propos, pour expliquer et justifier ce qui avait été fait pendant son mandat, alors que son opposant républicain, au risque d’être parfois approximatif, pouvait être plus virulent pour critiquer, ou plus ardent pour évoquer ses projets.
Regardez comme les réponses d’Obama semblent longues, notamment dans la deuxième partie du débat ! Au contraire, Romney joue la carte des petites phrases.
Ses approximations sont par ailleurs compensées par une présentation très claire de ses idées : il les présente en effet sous forme de listes de points, procédé rhétorique proche de l’énumération qui confère ici une certaine rigueur à ses propos. Voir par exemple, dès sa première prise de parole, vers 05’55 : « My plan has five basic parts. One… Number two… Number three… Number four… Number five… »
Puis, deuxième intervention, de 09’37 à 12’40, qu’il découpe ainsi : « First of all… The second area… The third area… »
Troisième intervention, de 15’06 à 16’47 : « That’s part one… Number two… Number three… » ; et ainsi de suite…
Quasiment toutes ses interventions se divisent en 3 points clairement établis !
En donnant de tels repères dans ses interventions, il donne aussi l’impression que son mode de pensée est particulièrement rigoureux, que ses idées sont très structurées et ordonnées. Et permet au public de le suivre plus facilement.
Cela dit, cette apparence de rigueur ne se fait pas au détriment de l’expression d’une certaine chaleur du personnage. Romney-le-mormon, habituellement dépeint dans les medias français comme un individu sec et austère, réussit plusieurs fois à dérider l’assemblée.
Dès son introduction, il ironise : « And congratulations to you, Mr. President, on your anniversary. I’m sure this was the most romantic place you could imagine here… here with me… » Ce qui amuse tout le monde – une bonne façon de se mettre les rieurs dans la poche !
Déclarant qu’il arrêterait de financer PBS, réseau de télévision public, il ajoute qu’il aime pourtant bien « Big Bird » (l’oiseau géant du programme pour enfants diffusé sur l’une des chaînes de ce réseau). « And I like you too », lance-t-il directement au présentateur, qu’il appelle par son prénom, Jim.
Tout autant de petites formules surprenantes qui ont marqué, et qui font parler.
Big Bird, la marionnette de l’émission « Sésame Street » – Un exemple parmi les nombreux détournements qui ont immédiatement circulé sur la toile après la déclaration de Mitt Romney.
Il verse également dans le registre émotionnel. Encore dans son introduction, il raconte qu’il était à Dayton, dans l’Ohio, « and a woman grabbed my arm, and she said, I’ve been out of work since May. Can you help me? » (05’20).
Il poursuit : « a woman came up to [Ann – sa femme] with a baby in her arms and said, Ann, my husband has had four jobs in three years, part-time jobs. He’s lost his most recent job, and we’ve now just lost our home. Can you help us? »
Dans le premier exemple, une femme attrape son bras : on imagine toute la détresse de cette pauvre dame qui s’agrippe comme elle peut à quelqu’un qui l’écoute… Dans le second exemple, il joue sur les valeurs familiales en impliquant son épouse, Ann, vers qui accourt une autre femme, un bébé dans les bras. A chaque fois, la même question désespérée : « Pouvez-vous nous aider ? » Et lui, Romney, apparaissant alors en sauveur, en héros, répond : « Oui… »
Ces sont des exemples très imagés, très visuels, et qui se veulent extrêmement poignants. Tous les éléments dramatiques sont réunis, son storytelling est parfaitement rôdé.
* * *Le débat est un combat. Et, de fait, celui qui attaque est généralement favorisé par rapport à celui qui doit se défendre. Mais d’un côté comme de l’autre, c’est aussi celui qui s’est le mieux préparé qui a le plus de chance de l’emporter.
Il en ressort un Romney jugé grand vainqueur du débat, face à un Obama affaibli, bien moins « dans le coup » que d’habitude…
* * *Deux autres débats auront lieu avant le jour de l’élection le 6 novembre 2012.
La suite le 16 octobre prochain !