Education

Pourquoi les études ne sont pas faites pour les gens brillants

« Utiles pour les jeunes gens ordinaires, les études universitaires s’avèrent inutiles pour les plus brillants. Nuisibles même. L’université leur inculque le conformisme, bride leur élan créatif, les incite à rester dans les sentiers battus. » Ces propos sont résolument provocateurs, mais pas dénués de fondement. Ils sont rapportées dans un passionnant article paru dans Le Monde sur les initiatives des milliardaires pour concurrencer le système scolaire et universitaire.

Le titre de l’article du Monde est d’ailleurs tout un programme : Start-up : faut-il un diplôme pour réussir ? Et la réponse semble s’imposer comme une évidence : non, et les plus grands innovateurs en témoignent (Steve Jobs, pour ne citer que lui…).

Lire l’article sur le site du Monde.fr : Start-up : faut-il un diplôme pour réussir ?

Certes, ce n’est pas parce qu’on quitte l’université qu’on devient multimillionnaire. Et l’erreur serait de vouloir entreprendre pour entreprendre, quel que soit le projet, quel que soit le domaine, en refusant par principe tout bagage universitaire. En réalité le succès dépend aussi de l’idée, des circonstances, bref, de la chance. Les stars de la Silicon Valley peuvent donc difficilement donner l’exemple.

Mais il y a bien un juste milieu entre le discours anti-universitaire radical d’un Peter Thiel, et le culte du diplôme typiquement français. La créativité, la liberté de penser, la passion et plus encore le génie ne s’enseignent pas dans une salle de classe. Notre société est sclérosée. L’école nous a rendu timide, elle est à l’origine du malaise social qui s’est généralisé en France et dans la plupart des sociétés modernes. Trop de professeurs, si suffisants et imbus d’eux-mêmes, mauvais pédagogues protégés par leurs titres, ne sont plus dignes du pouvoir qu’ils détiennent sur le destin de leurs élèves. Le système universitaire basé sur la cooptation et le léchage de bottes court à sa perte. Un nouveau rapport à l’autorité (morale et intellectuelle) est à inventer. De nouveaux modes d’apprentissage et d’éducation sont à explorer. L’école ne doit plus être envisagée comme la seule voie de salut, l’unique sésame pour réussir.

Pour rédiger un bon CV, si les diplômes et brevets occupent encore une place prédominante dans la mise en forme, c’est surtout l’expérience qu’il convient de mettre en avant, les projets que l’on a menés, les réussites mais aussi les échecs – en mettant habilement en lumière les leçons que l’on a pu en retirer… L’idée que l’on se fait de la réussite évolue, le profil des gens brillants ne correspond plus seulement aux étudiants modèles bardés de diplômes, et c’est une bonne chose pour la société toute entière.

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La difficulté d’enseigner (plus que d’apprendre) une nouvelle langue…

La langue n’est pas une « matière » comme les autres, et ne devrait pas être traitée comme telle dans l’enseignement primaire et secondaire, puis universitaire. Une langue n’est pas constituée d’un ensemble figé de règles et principes immuables. Aucune matière me direz-vous — mais une langue encore moins, car une langue n’a ni début ni fin.

Acquérir la langue

Comment acquiert-on une langue ? Il est formidable d’observer que nous pouvons tous potentiellement parler toutes les langues du monde ! Handicap mis à part, n’importe quel individu est disposé à acquérir la langue du milieu dans lequel il va évoluer dès la naissance. Il n’y a pas de disposition physiologique initiale, selon nos origines ethniques, qui limiterait l’acquisition d’une langue ou d’une autre. La délimitation géographique de notre milieu d’évolution peut avoir une incidence acoustique à la marge (cf. les travaux du docteur Alfred Tomatis), qui réduit à la fois les sons que l’ouïe peut distinguer, et donc que la voix pourrait volontairement tenter de (re)produire. Mais c’est la pratique de la langue elle-même qui fixe les phonèmes élémentaires pour lesquels nous adapterons alors au fil du temps notre diction et notre articulation — et qui nous empêchera de prononcer correctement les phonèmes qui lui échappe. Pour reprendre une formule de la sémioticienne Joëlle Cordesse, « nous sommes tous des polyglottes contrariés » !

Face à cette égalité fondamentale dans notre aptitude initiale à acquérir n’importe quelle langue, comment expliquer cette inégalité apparemment insurmontable dans l’apprentissage et la maîtrise d’une seconde langue ? Dans son livre Apprendre et enseigner l’intelligence des langues, Joëlle Cordesse observe que les « sociétés qui ne bénéficient pas d’une école pour tous sont généralement multilingues, où les individus sont volontiers polyglottes ». Le problème, éminemment paradoxal, est donc l’enseignement. C’est la logique même de l’enseignement dans nos sociétés modernes qui distingue les élèves jugés aptes à s’exprimer dans une nouvelle langue, et les autres élèves, jugés de fait inaptes, découragés et même dégoûtés par l’apprentissage et la pratique d’une langue autre que maternelle. De façon pernicieuse, l’école contribue à nous rendre timide, et de génération en génération elle devient un vecteur du malaise social de nos sociétés modernes.

L’enseignement traditionnel

Car l’enseignement tel que nous le concevons traditionnellement consiste à évaluer ce qui est “correct” et à dénigrer voire à punir ce qui est “incorrect”. Parmi les trentenaires aujourd’hui, qui garde un bon souvenir des classes d’anglais quand il était petit ? Si c’est le cas pour vous, c’est que vous étiez jugé apte et encouragé — tant mieux. Les autres comme moi étaient sans cesse repris, brimés dans leur expression spontanée jusqu’à être sommés de se taire, récoltaient mauvaises notes et désapprobation du professeur, quand ce n’était pas railleries ou moqueries. Tant et si bien que l’on finit par ironiser sur ce qui est ressenti comme une incapacité fondamentale pour laquelle on ne peut de toute façon rien faire. On ne cherche même plus à faire l’effort de corriger son accent, on exagère volontairement certaines fautes grossières, et on finit par délaisser la “matière”. Résultat généralisé pour les Français : un niveau d’anglais jugé faible par rapport au reste du monde (enquête EF EPI 2015 : la France occupe la 37ème place sur 70 pays testés).

Les méthodes traditionnelles d’enseignement des langues étrangères sont trop formelles, rigides et peu soucieuses des besoins et motivations véritables des apprenants. Une langue s’apprend par-delà la langue. Pour faire envie, pour donner envie de l’apprendre, une langue doit se raconter, à travers une histoire qui entre en résonance avec nos envies, nos désirs et nos espoirs.

Les manuels scolaires nous ont habitué au contraire : la langue est utilisée pour raconter des histoires, souvent sans queue ni tête, et c’est rarement “l’histoire de la langue” (de ceux qui la parlent, du ou des pays où elle se parle…) qui est racontée. L’approche de la culture, quand elle existe, fait trop souvent référence à une culture “classique” et néglige les aspects plus contemporains, les modes et les tendances, les us et coutumes des jeunes, les aspects plus “underground” ou “branché” (et même ce terme “branché” est déjà trop ringard pour désigner ce qui intéresse et attire vraiment les jeunes…).

La seule obligation d’une bonne note à l’école ou d’une compétence professionnelle de plus à afficher sur un CV n’est pas suffisante. C’est d’abord tel héros ou telle star — parlant cette langue — que nous décidons parfois secrètement de suivre, c’est pour des individus, des cultures et des histoires que nous pouvons nous passionner, et rarement pour la langue en tant que telle (à moins d’être linguiste dans l’âme). Ce qui nous motive, plus ou moins consciemment, ce sont les aptitudes et possibilités offertes par la connaissance de la langue, que nous “mettons en récit” en imaginant et en (ré)écrivant notre scénario de vie. Subordonner ces rêves et ces espoirs à la seule obtention d’une “bonne note” revient à les annihiler.

L’étrangeté de la langue

L’apprentissage doit pouvoir se faire dans un grand bain d’essais où l’erreur n’est pas seulement tolérée mais encouragée, comme passage obligé de tâtonnements et d’expérimentations avant de pouvoir formuler des phrases “correctes” (ou du moins compréhensibles) dans une nouvelle langue. Dans cette perspective, les exercices — de découverte de “l’étrangeté” d’une langue étrangère — proposés par Joëlle Cordesse sont fabuleux (Cf. Apprendre et enseigner l’intelligence des langues). L’approche neurolinguistique — qui élude notamment le bachotage stérile des règles grammaticales — développée et portée entre autres par Claude Germain et Michel Paradis mérite aussi d’être davantage expérimentée par les institutions scolaires et universitaires (ce qui impliquerait en partie de revoir les impératifs des programmes habituels, jusqu’aux modalités des examens).

L’enseignement des langues gagnerait à s’appuyer davantage sur la narration, le récit, le scénario de vie, et plus généralement la communication. Il est surprenant d’observer à quel point les spécialistes des langues (et les enseignants en général…) peuvent se révéler de bien piètres communicants.

Le contrôle strict des connaissances par régurgitation de listes de vocabulaire indigestes, de structures grammaticales figées, à restituer principalement à l’écrit, plombe l’apprentissage des langues étrangères et explique pour une large part la faiblesse des Français dans ce domaine. Les « cours de langue » tels que nous les avons longtemps conçus n’ont plus lieu d’être. La notion même de note pour évaluer la maîtrise d’une langue est une absurdité totale. Il faut ré-introduire le plaisir et les désirs de l’apprenant au cœur de son apprentissage, et lui offrir la possibilité de prolonger et d’élargir sa propre histoire, en la mêlant avec celle de la langue avec laquelle il veut essayer de la raconter.

Finalement, quand on envisage d’apprendre une langue en étant totalement en dehors d’une « école » ou disons hors du système éducatif traditionnel, on se rend compte qu’il existe énormément de moyens et d’astuces très efficaces et ludiques ! Découvrir par exemple : 5 conseils décisifs pour progresser rapidement en anglais. Pensez à ces méthodes alternatives pour vous remettre à l’apprentissage d’une langue : c’est une si bonne chose de pouvoir indiquer la maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères pour valoriser votre CV. D’autant plus si vous envisagez un jour de devenir formateur ou conférencier international, qui sait ?

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Qu’est-ce que la glossophobie ?

Voici une publicité qui met en scène un écolier apeuré à l’idée de présenter un exposé devant toute sa classe : de quoi nous remémorer de tout aussi inquiétants souvenirs…

Le clip démarre par une définition : qu’est-ce que la glossophobie ?

l’élément « gloss(o)- » vient du grec glôssa qui signifie langue. On retrouve cette racine dans de nombreux termes en rapport avec la parole, le langage et les mots. Par exemple : glossaire (ensemble des mots d’une langue), gloser (commenter), glotte (orifice du larynx, qui joue un rôle essentiel dans l’émission de la voix), glossème (la plus petite des unités linguistiques signifiantes), glossolalie (trouble du langage chez certains malades mentaux qui croient inventer un nouveau langage)…

Et glossophobie ? On trouve l’élément « -phobie », du grec phobos qui signifie crainte. La glossophobie est donc un nom savant pour parler du trac, du stress, de la trouille de parler en public.

Comment s’y prend notre écolier pour surmonter cette crainte ? En se préparant, ardemment. Pour cela, étudier à fond son sujet. Recueillir des citations, organiser ses idées. Mais s’intéresser également à l’art oratoire et à la rhétorique, aux techniques de communication. Comment poser sa voix ? Comment joindre le geste à la parole ? Visionner des films mettant en scène la formation de l’orateur, comme le Discours d’un roi.

L’art oratoire est une culture. Ce n’est pas un don ni quelque chose d’inné. Plus des trois quarts de la population redoute l’idée d’avoir à prendre la parole en public. Cela est dû à un manque de pratique, à une méconnaissance des techniques élémentaires en matière de communication.

Cette pub a le mérite de mettre en lumière ce problème et de donner quelques clefs pour y faire face. La « glossophobie » n’est pas une fatalité ! Quelques techniques simples permettent d’y remédier. Pour apprivoiser son image, le media training est un outil idéal. Pour savoir quoi raconter et comment le raconter, les méthodes de storytelling sont parfaitement appropriées.

Le trac lui-même peut devenir votre allié. Ne cherchez pas à l’éliminer, mais à l’utiliser comme une forme d’énergie. Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ?

Réagissez à cette glose sur twitter ! (Que veut dire « glose » ? Il s’agit de l’explication d’un terme rare ou spécialisé en termes simples ou communs…)

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Malaise social en France : comment l’Ecole nous a rendu timides…

Nous observons de nos jours une véritable crise de la parole politique, à laquelle est d’ailleurs liée la timidité ambiante de la société : les citoyens perdent confiance en eux en même temps qu’ils n’ont plus confiance en leurs représentants.

Cela est en partie dû à la mauvaise formation de nos orateurs.

En effet, le trac n’est pas naturel : il dépend en réalité d’un apprentissage culturel. A l’école comme au lycée, les jeunes Français ne sont pas incités à participer ; peu sollicités à l’oral, exclusivement évalués à l’écrit, ils développent une forme de glossophobie, ils deviennent timides et redoutent de prendre la parole en public… Le trac serait-il une maladie française ?

La solitude est en tout cas un fléau sociétal typiquement français, directement lié au malaise social et à la timidité généralisée…

L’Education nationale et nos méthodes d’enseignement jouent donc un rôle déterminant dans ce grand problème social. L’Ecole est la première responsable du malaise de notre jeunesse, petit malaise des écoliers devenu génération après génération le grand malaise de tous les citoyens.

Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. En France, nous sommes prisonniers de l’écrit : le culte du plan en deux ou trois parties conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser… Un moyen de contrecarrer le malaise social et la crise de confiance qui en découle serait donc de renverser ce rapport typiquement français de l’écrit contre l’oral.

Comment remédier à ce problème ? Comment vivifier le débat démocratique contre le malaise social ambiant ?

Notre culture met en avant les « hommes de lettres ». Pourtant, la parole en public, et plus largement l’expression orale, est constitutive d’une certaine tradition européenne – une tradition qui remonte jusqu’aux grands penseurs de la Grèce antique, à commencer par Socrate, fondateur de la philosophie politique en Occident. Pour reconstruire la parole politique, il faut réhabiliter celle-ci en tant que tradition européenne et même française !

Il faudrait par exemple remettre en place des cours de rhétorique au collège et au lycée, qui se révéleront certainement bien plus efficace sur le plan social et citoyen que nos « cours d’éducation civique ». Il faudrait pourquoi pas aussi mettre en place une formation spécifique en art oratoire, dès l’école primaire et pourquoi pas dès la maternelle, qui consisterait dans un premier en une simple « classe de conversation », et qui deviendrait au collège un entraînement à la prise de parole en public, pour se transformer au lycée en entraînement au débat public et à la négociation.

Des pistes à explorer, à tester, à expérimenter et à ajuster ! Certes, ça ne se fera pas en un jour, et les résultats ne se feront pas voir avant des années… Mais sur le long terme, choisir de ne rien changer n’est jamais une solution satisfaisante. A nous de réfléchir à l’avenir que nous voulons vraiment bâtir, pour notre jeunesse – et avec notre jeunesse !

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« Notre système éducatif ne peut produire qu’une génération de robots »

« Le rôle de l’enfant, c’est de vivre sa propre vie – et non celle qu’envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme la meilleure. Une telle interférence ou orientation de la part de l’adulte ne peut que produire une génération de robots. On ne peut pas faire apprendre la musique, ni aucune autre chose d’ailleurs, à un enfant sans le transformer plus ou moins en un adulte privé de volonté. On forme alors un être qui accepte tout statu quo – une bonne chose pour une société qui a besoin de mornes bureaucrates, de boutiquiers et d’habitués des trains de banlieue –, une société qui, pour tout dire, repose sur les épaules rabougries du pauvre petit conformiste apeuré. »

Cette citation est tirée d’un ouvrage de référence en matière de pédagogie libertaire : Libres enfants de Summerhill, d’Alexander S. Neill. Elle nous invite à interroger en profondeur le sens de nos choix, notamment les choix dont les conséquences seront subies par d’autres, nos enfants…

Pourquoi voulons-nous à tout prix que nos enfants aient des « bonnes notes » à l’école ? Pourquoi les forçons-nous à aller à l’école d’ailleurs ? L’école est à la source du malaise social de nos sociétés modernes. Ce n’est pas à l’école que l’on apprend à gérer son trac et à cultiver son leadership, bien au contraire. L’école rend nos jeunes timides, tandis que la plupart des gens brillants s’en sont souvent affranchis. Ivan Illitch a pourtant démontré avec brio dans son ouvrage Une société sans école que l’éducation pouvait passer par d’autres pratiques que les institutions que nous connaissons – et encore plus maintenant qu’à son époque, à l’ère d’Internet et des MOOCs

Pourquoi tentons-nous malgré tout de les orienter vers telle ou telle filière, tel ou tel cursus universitaire ? Certes, cela part d’une bonne intention : nous voulons certainement qu’ils « réussissent », c’est-à-dire qu’ils trouvent sans trop de difficultés un travail correctement payé afin de pouvoir faire face aux problèmes matériels de la vie. Mais eux, que veulent-ils vraiment ? Que décideraient-ils pour eux-mêmes si nous les formions à la liberté, plutôt que leur imposer une vie toute tracée ? Que voulions-nous vraiment, nous-mêmes, quand nous étions enfants ? Sommes-nous pleinement satisfaits de notre vie aujourd’hui ?

Dans ce monde sordide où nos vies s’organisent de plus en plus de façon mécanique, robotique, les trop rares plaisirs auxquels nous nous raccrochons sont souvent le fait d’actions hors système, non conventionnelles, dérangeantes, déroutantes, créatives, inattendues. Nous aimons les œuvres des vrais artistes, ces personnes qui sont prêtes à consacrer leur vie à réaliser leurs idées folles, à penser autrement, à nous provoquer, nous choquer, nous amuser… Que ce soit dans le cinéma, la littérature, la danse ou toute autre forme d’expression… L’art, l’absurde et la couleur mettent de la vie dans nos vies, c’est ce qui les rend tenables, pour ne pas dire appréciables… Alors pourquoi nous dirigeons-nous dans la direction exactement opposée lorsqu’il s’agit de faire des choix d’orientation personnelle ou professionnelle ? Surtout, pourquoi imposons-nous cela à nos enfants, qui ont encore toute leur vie, toute leur créativité, toutes leurs envies ? Les brisons-nous ainsi par jalousie, consciente ou inconsciente ? Comment pourra-t-on encore profiter de la vie dans un monde de robots ?

Sur la photo en illustration de l’article : l’un des personnages de la série d’anticipation Real Humans, qui met en scène des robots humanoïdes exploités par les humains.

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Paroles de femmes, langage des cités

L’école résume ses missions élémentaires dans le triptyque : lire, écrire, compter… Et parler ? En novembre 2011, la chaîne Public Sénat a diffusé un documentaire d’Hélène Milano intitulé Les roses noires. Cela fait déjà des années, et pourtant, malgré des évolutions indéniables dans l’Education nationale, ce documentaire semble ne pas avoir pris la moindre ride…

Toute personne se destinant à l’enseignement dans le primaire ou le secondaire devrait voir ce film. Avant d’aller plus loin, visionnez au moins la bande-annonce (en cherchant un peu sur le net, vous devriez facilement trouver le documentaire complet en streaming gratuit) :

La réalisatrice donne la parole à des adolescentes de 13 à 18 ans, ayant grandi et vivant dans les banlieues de Marseille ou Paris, et dont les parents sont pour la plupart d’origine immigrée. Elles expriment un véritable malaise par rapport à la langue « officielle » – autrement dit l’expression correcte du français -, et tente de justifier leur refuge dans une langue propre à leur cité, faite comme elles disent d’un « mix de langues » et de recomposition des mots (termes et racines d’origines étrangères, verlan, néologismes…).

Claudie, 18 ans (Le Blanc Mesnil), fait part de son ressenti : « Nous on arrive sur Paris, directement ils nous entendent ils savent qu’on vient du neuf trois (93)… Les gens de Paris, eux, ils ont plus un parlé… Ils parlent correctement. Parce que, voilà, ils ont une façon de parler, une façon de se tenir, ou quoi que ce soit… Qui n’est pas du tout la même que la nôtre ».

Sébé, 16 ans, de Montfermeil, revendique une langue propre à sa cité, mais en perçoit aussi les risques et les limites : « Je pense que la langue joue un grand rôle, elle nous unit. La langue qu’on a choisi aujourd’hui de parler dans la cité c’est bien qu’elle ne soit pas comprise par tout le monde, mais en fait des fois la manière dont on l’emploie, elle a l’air d’être agressive, les gens disent que c’est pas un bon langage, c’est pas du bon français… Et ça peut aussi être un inconvénient… » Elle explique un peu plus loin : « Pour moi un langage bourge c’est… Parler avec des mots soutenus. J’dirai c’est pas par les gens civilisés, parce que moi j’veux pas dire qu’on n’est pas civilisé, mais par les gens… Par les Français. Enfin non j’peux pas dire ça parce que je suis française aussi, mais… Par les gens qui ne viennent pas des banlieues en fait ».

Sarah, 17 ans, de Saint Denis, présente le périphérique comme un véritable barrage, une séparation entre deux mondes : « Les Parisiens et les Banlieusards, ils communiquent pas, ils ne peuvent pas se comprendre. Et puis c’est pire qu’une frontière, c’est un mur : il faut un code pour passer. Ouais c’est un langage soutenu, ceux de Paris ils parlent pas comme nous. On sent que… On sent que c’est des gens, des gens civilisés tu vois… Ils ont eu une éducation pas comme la nôtre tu vois. Ils sont bien, ils parlent bien… Moi j’aimerais bien savoir parler comme eux ».

« Pourtant, on était tous dans la même école », comme le fait remarquer une autre jeune marseillaise…

Dans l’idéal, l’école devrait fournir à chaque (futur) citoyen les pleins moyens de s’exprimer avec aisance – autrement dit l’éloquence. Cela désigne tout autant la richesse du vocabulaire, la possibilité de choisir le bon mot pour exprimer précisément ses idées, la faculté de les agencer correctement, de formuler des phrases harmonieuses, grammaticalement correctes et cohérentes, et d’être suffisamment certains de ses propres qualités d’expression pour oser prendre la parole chaque fois qu’il le faut.

D’une certaine façon,  l’école nous a rendu timides et de là découle aussi, au moins en partie, le malaise social que nous connaissons en France… L’aisance à l’oral pourrait-elle en être un remède ?

Documentaire les roses noires langage des cités

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