Education

Qu’est-ce que la glossophobie ?

Voici une publicité qui met en scène un écolier apeuré à l’idée de présenter un exposé devant toute sa classe : de quoi nous remémorer de tout aussi inquiétants souvenirs…

Le clip démarre par une définition : qu’est-ce que la glossophobie ?

l’élément « gloss(o)- » vient du grec glôssa qui signifie langue. On retrouve cette racine dans de nombreux termes en rapport avec la parole, le langage et les mots. Par exemple : glossaire (ensemble des mots d’une langue), gloser (commenter), glotte (orifice du larynx, qui joue un rôle essentiel dans l’émission de la voix), glossème (la plus petite des unités linguistiques signifiantes), glossolalie (trouble du langage chez certains malades mentaux qui croient inventer un nouveau langage)…

Et glossophobie ? On trouve l’élément « -phobie », du grec phobos qui signifie crainte. La glossophobie est donc un nom savant pour parler du trac, du stress, de la trouille de parler en public.

Comment s’y prend notre écolier pour surmonter cette crainte ? En se préparant, ardemment. Pour cela, étudier à fond son sujet. Recueillir des citations, organiser ses idées. Mais s’intéresser également à l’art oratoire et à la rhétorique, aux techniques de communication. Comment poser sa voix ? Comment joindre le geste à la parole ? Visionner des films mettant en scène la formation de l’orateur, comme le Discours d’un roi.

L’art oratoire est une culture. Ce n’est pas un don ni quelque chose d’inné. Plus des trois quarts de la population redoute l’idée d’avoir à prendre la parole en public. Cela est dû à un manque de pratique, à une méconnaissance des techniques élémentaires en matière de communication.

Cette pub a le mérite de mettre en lumière ce problème et de donner quelques clefs pour y faire face. La « glossophobie » n’est pas une fatalité ! Quelques techniques simples permettent d’y remédier. Pour apprivoiser son image, le media training est un outil idéal. Pour savoir quoi raconter et comment le raconter, les méthodes de storytelling sont parfaitement appropriées.

Le trac lui-même peut devenir votre allié. Ne cherchez pas à l’éliminer, mais à l’utiliser comme une forme d’énergie. Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ?

Réagissez à cette glose sur twitter ! (Que veut dire « glose » ? Il s’agit de l’explication d’un terme rare ou spécialisé en termes simples ou communs…)

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Malaise social en France : comment l’Ecole nous a rendu timides…

Nous observons de nos jours une véritable crise de la parole politique, à laquelle est d’ailleurs liée la timidité ambiante de la société : les citoyens perdent confiance en eux en même temps qu’ils n’ont plus confiance en leurs représentants.

Cela est en partie dû à la mauvaise formation de nos orateurs.

En effet, le trac n’est pas naturel : il dépend en réalité d’un apprentissage culturel. A l’école comme au lycée, les jeunes Français ne sont pas incités à participer ; peu sollicités à l’oral, exclusivement évalués à l’écrit, ils développent une forme de glossophobie, ils deviennent timides et redoutent de prendre la parole en public… Le trac serait-il une maladie française ?

La solitude est en tout cas un fléau sociétal typiquement français, directement lié au malaise social et à la timidité généralisée…

L’Education nationale et nos méthodes d’enseignement jouent donc un rôle déterminant dans ce grand problème social. L’Ecole est la première responsable du malaise de notre jeunesse, petit malaise des écoliers devenu génération après génération le grand malaise de tous les citoyens.

Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. En France, nous sommes prisonniers de l’écrit : le culte du plan en deux ou trois parties conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser… Un moyen de contrecarrer le malaise social et la crise de confiance qui en découle serait donc de renverser ce rapport typiquement français de l’écrit contre l’oral.

Comment remédier à ce problème ? Comment vivifier le débat démocratique contre le malaise social ambiant ?

Notre culture met en avant les « hommes de lettres ». Pourtant, la parole en public, et plus largement l’expression orale, est constitutive d’une certaine tradition européenne – une tradition qui remonte jusqu’aux grands penseurs de la Grèce antique, à commencer par Socrate, fondateur de la philosophie politique en Occident. Pour reconstruire la parole politique, il faut réhabiliter celle-ci en tant que tradition européenne et même française !

Il faudrait par exemple remettre en place des cours de rhétorique au collège et au lycée, qui se révéleront certainement bien plus efficace sur le plan social et citoyen que nos « cours d’éducation civique ». Il faudrait pourquoi pas aussi mettre en place une formation spécifique en art oratoire, dès l’école primaire et pourquoi pas dès la maternelle, qui consisterait dans un premier en une simple « classe de conversation », et qui deviendrait au collège un entraînement à la prise de parole en public, pour se transformer au lycée en entraînement au débat public et à la négociation.

Des pistes à explorer, à tester, à expérimenter et à ajuster ! Certes, ça ne se fera pas en un jour, et les résultats ne se feront pas voir avant des années… Mais sur le long terme, choisir de ne rien changer n’est jamais une solution satisfaisante. A nous de réfléchir à l’avenir que nous voulons vraiment bâtir, pour notre jeunesse – et avec notre jeunesse !

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« Notre système éducatif ne peut produire qu’une génération de robots »

« Le rôle de l’enfant, c’est de vivre sa propre vie – et non celle qu’envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme la meilleure. Une telle interférence ou orientation de la part de l’adulte ne peut que produire une génération de robots. On ne peut pas faire apprendre la musique, ni aucune autre chose d’ailleurs, à un enfant sans le transformer plus ou moins en un adulte privé de volonté. On forme alors un être qui accepte tout statu quo – une bonne chose pour une société qui a besoin de mornes bureaucrates, de boutiquiers et d’habitués des trains de banlieue –, une société qui, pour tout dire, repose sur les épaules rabougries du pauvre petit conformiste apeuré. »

Cette citation est tirée d’un ouvrage de référence en matière de pédagogie libertaire : Libres enfants de Summerhill, d’Alexander S. Neill. Elle nous invite à interroger en profondeur le sens de nos choix, notamment les choix dont les conséquences seront subies par d’autres, nos enfants…

Pourquoi voulons-nous à tout prix que nos enfants aient des « bonnes notes » à l’école ? Pourquoi les forçons-nous à aller à l’école d’ailleurs ? L’école est à la source du malaise social de nos sociétés modernes. Ce n’est pas à l’école que l’on apprend à gérer son trac et à cultiver son leadership, bien au contraire. L’école rend nos jeunes timides, tandis que la plupart des gens brillants s’en sont souvent affranchis. Ivan Illitch a pourtant démontré avec brio dans son ouvrage Une société sans école que l’éducation pouvait passer par d’autres pratiques que les institutions que nous connaissons – et encore plus maintenant qu’à son époque, à l’ère d’Internet et des MOOCs

Pourquoi tentons-nous malgré tout de les orienter vers telle ou telle filière, tel ou tel cursus universitaire ? Certes, cela part d’une bonne intention : nous voulons certainement qu’ils « réussissent », c’est-à-dire qu’ils trouvent sans trop de difficultés un travail correctement payé afin de pouvoir faire face aux problèmes matériels de la vie. Mais eux, que veulent-ils vraiment ? Que décideraient-ils pour eux-mêmes si nous les formions à la liberté, plutôt que leur imposer une vie toute tracée ? Que voulions-nous vraiment, nous-mêmes, quand nous étions enfants ? Sommes-nous pleinement satisfaits de notre vie aujourd’hui ?

Dans ce monde sordide où nos vies s’organisent de plus en plus de façon mécanique, robotique, les trop rares plaisirs auxquels nous nous raccrochons sont souvent le fait d’actions hors système, non conventionnelles, dérangeantes, déroutantes, créatives, inattendues. Nous aimons les œuvres des vrais artistes, ces personnes qui sont prêtes à consacrer leur vie à réaliser leurs idées folles, à penser autrement, à nous provoquer, nous choquer, nous amuser… Que ce soit dans le cinéma, la littérature, la danse ou toute autre forme d’expression… L’art, l’absurde et la couleur mettent de la vie dans nos vies, c’est ce qui les rend tenables, pour ne pas dire appréciables… Alors pourquoi nous dirigeons-nous dans la direction exactement opposée lorsqu’il s’agit de faire des choix d’orientation personnelle ou professionnelle ? Surtout, pourquoi imposons-nous cela à nos enfants, qui ont encore toute leur vie, toute leur créativité, toutes leurs envies ? Les brisons-nous ainsi par jalousie, consciente ou inconsciente ? Comment pourra-t-on encore profiter de la vie dans un monde de robots ?

Sur la photo en illustration de l’article : l’un des personnages de la série d’anticipation Real Humans, qui met en scène des robots humanoïdes exploités par les humains.

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Paroles de femmes, langage des cités

L’école résume ses missions élémentaires dans le triptyque : lire, écrire, compter… Et parler ? En novembre 2011, la chaîne Public Sénat a diffusé un documentaire d’Hélène Milano intitulé Les roses noires. Cela fait déjà des années, et pourtant, malgré des évolutions indéniables dans l’Education nationale, ce documentaire semble ne pas avoir pris la moindre ride…

Toute personne se destinant à l’enseignement dans le primaire ou le secondaire devrait voir ce film. Avant d’aller plus loin, visionnez au moins la bande-annonce (en cherchant un peu sur le net, vous devriez facilement trouver le documentaire complet en streaming gratuit) :

La réalisatrice donne la parole à des adolescentes de 13 à 18 ans, ayant grandi et vivant dans les banlieues de Marseille ou Paris, et dont les parents sont pour la plupart d’origine immigrée. Elles expriment un véritable malaise par rapport à la langue « officielle » – autrement dit l’expression correcte du français -, et tente de justifier leur refuge dans une langue propre à leur cité, faite comme elles disent d’un « mix de langues » et de recomposition des mots (termes et racines d’origines étrangères, verlan, néologismes…).

Claudie, 18 ans (Le Blanc Mesnil), fait part de son ressenti : « Nous on arrive sur Paris, directement ils nous entendent ils savent qu’on vient du neuf trois (93)… Les gens de Paris, eux, ils ont plus un parlé… Ils parlent correctement. Parce que, voilà, ils ont une façon de parler, une façon de se tenir, ou quoi que ce soit… Qui n’est pas du tout la même que la nôtre ».

Sébé, 16 ans, de Montfermeil, revendique une langue propre à sa cité, mais en perçoit aussi les risques et les limites : « Je pense que la langue joue un grand rôle, elle nous unit. La langue qu’on a choisi aujourd’hui de parler dans la cité c’est bien qu’elle ne soit pas comprise par tout le monde, mais en fait des fois la manière dont on l’emploie, elle a l’air d’être agressive, les gens disent que c’est pas un bon langage, c’est pas du bon français… Et ça peut aussi être un inconvénient… » Elle explique un peu plus loin : « Pour moi un langage bourge c’est… Parler avec des mots soutenus. J’dirai c’est pas par les gens civilisés, parce que moi j’veux pas dire qu’on n’est pas civilisé, mais par les gens… Par les Français. Enfin non j’peux pas dire ça parce que je suis française aussi, mais… Par les gens qui ne viennent pas des banlieues en fait ».

Sarah, 17 ans, de Saint Denis, présente le périphérique comme un véritable barrage, une séparation entre deux mondes : « Les Parisiens et les Banlieusards, ils communiquent pas, ils ne peuvent pas se comprendre. Et puis c’est pire qu’une frontière, c’est un mur : il faut un code pour passer. Ouais c’est un langage soutenu, ceux de Paris ils parlent pas comme nous. On sent que… On sent que c’est des gens, des gens civilisés tu vois… Ils ont eu une éducation pas comme la nôtre tu vois. Ils sont bien, ils parlent bien… Moi j’aimerais bien savoir parler comme eux ».

« Pourtant, on était tous dans la même école », comme le fait remarquer une autre jeune marseillaise…

Dans l’idéal, l’école devrait fournir à chaque (futur) citoyen les pleins moyens de s’exprimer avec aisance – autrement dit l’éloquence. Cela désigne tout autant la richesse du vocabulaire, la possibilité de choisir le bon mot pour exprimer précisément ses idées, la faculté de les agencer correctement, de formuler des phrases harmonieuses, grammaticalement correctes et cohérentes, et d’être suffisamment certains de ses propres qualités d’expression pour oser prendre la parole chaque fois qu’il le faut.

D’une certaine façon,  l’école nous a rendu timides et de là découle aussi, au moins en partie, le malaise social que nous connaissons en France… L’aisance à l’oral pourrait-elle en être un remède ?

Documentaire les roses noires langage des cités

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La nouvelle épreuve du Grand Oral du bac en France

Dès 2021, le Grand Oral du bac sera l’épreuve qui viendra conclure les années de lycée des jeunes Français. Plus qu’un simple test de contrôle de connaissances, celui-ci est conçu pour tester les capacités argumentatives et orales des futurs bacheliers. Pour mieux en appréhender le concept, focus sur son principe, son déroulement et ce qu’il faut faire pour s’y préparer. 

Qu’est-ce que cette nouvelle épreuve du bac ?

Il s’agit d’une épreuve faisant partie des nouvelles réformes du baccalauréat français. Celle-ci rentre en vigueur dès les sessions de 2021. Cette épreuve s’adresse tant aux terminales générales que technologiques. Son principe est simple : elle vise à inculquer l’art oratoire aux lycéens de dernière année. 

Durant 20 minutes, les candidats au Grand Oral Blanc du bac devront s’exprimer en public et argumenter sur 2 sujets de leur choix. Ces sujets auront un lien avec leurs spécialités et leurs centres d’intérêt. 

Ainsi, cette nouvelle épreuve consiste à évaluer, d’une part, les connaissances des élèves de terminales et, d’autre part, leur aisance à l’oral et leur capacité à convaincre. Elle fait partie des 5 épreuves finales du bac qui équivalent aux 3/5 de leur note finale au bac. Pour la voie générale, cette épreuve compte pour un coefficient 10. Pour la voie technologique, c’est un coefficient 14. Autant le dire tout de suite : cette épreuve peut être un moyen de gagner facilement de précieux points qui feront monter la moyenne ! A condition de s’y être correctement préparé, et de ne pas être surpris par son déroulement le jour J…

Bacheliers, ne vous inquiétez pas : avec la bonne méthode et les bonnes techniques d’art oratoire, et pourquoi pas avec l’aide d’un coach en éloquence pour préparer cette épreuve si particulière, il n’est pas déraisonnable de viser un 20 sur 20 au grand oral du bac !

Comment se déroule l’épreuve du Grand Oral blanc ?

Comme le site de l’Éducation nationale l’explique, cet examen se fait en 3 temps :

En amont, le candidat devra traiter 2 questions avec ses professeurs durant ses heures de cours. Ces questions se rapportent à 2 spécialités ou matières préalablement choisies par l’élève. Pour la voie générale, elles doivent se référer à l’une de ces spécialités ou aux 2 en même temps. Pour la voie technologique, ces questions renvoient à l’une des spécialités de la série de l’élève. Le jour J, le jury pourra choisir entre les 2 questions proposées. Par la suite, le candidat an20 minutes pour se préparer et créer un support de présentation. Ce support peut être une carte, un schéma ou un graphique. Passé ce délai, le candidat dispose de 5 minutes pour présenter la raison derrière le choix de la question. Il devra également y répondre et argumenter ses dires.

Dans un second temps, le jury se réservera 10 minutes pour interroger l’élève sur sa présentation. Celui-ci devra répondre sans notes. Il devra développer sa pensée de sorte à mettre en valeur ses connaissances sur les spécialités choisies ainsi que ses capacités à convaincre. 

Dans un dernier temps, le candidat aura 5 minutes pour exposer l’intérêt de sa question quant à ses projets de poursuite d’études et éventuellement, de ses orientations professionnelles. Ici, on jaugera sa motivation personnelle et sa manière d’exprimer un point de vue personnel. 

Comment s’y préparer en tant que lycéen ?

Pour garantir leur réussite au bac, les candidats devront s’exercer. Cela signifie apprendre les bonnes postures et gestuelles. Les terminales auront besoin de travailler leur élocution et surtout, d’être capable d’enchaîner les arguments de façon logique. Pour cela, ils doivent s’entrainer dès la classe de première. Ils auront à se documenter et à s’exercer en cours ou durant leur temps libre. Cette préparation peut se faire tant individuellement qu’en collectif. S’y mettre à plusieurs permettra toutefois de travailler son discours en public, de parfaire les détails de son exposé et de le mettre en scène. 

Grosso modo, cette épreuve teste les compétences orales, la capacité à prendre la parole en continu, la qualité des connaissances, la qualité des interactions et les aptitudes à argumenter de l’élève. Pour la réussir haut-la-main, il faut savoir captiver son auditoire et parler sans notes tout en maîtrisant son sujet. 

Comment suivre les progrès et accompagner son enfant en tant que parents ?

Pour accompagner son enfant dans cette nouvelle aventure, les parents doivent les mettre en confiance. Pour ce faire, ils peuvent l’aider à travailler ses capacités oratoires en lui servant d’auditoire. Sinon, ils peuvent se contenter de l’assister pour mieux faire face au stress. Ils peuvent aussi les stimuler de sorte à garder leur motivation. 

Et si votre jeune bachelier d’enfant prend du plaisir à préparer cette épreuve et que cela se révèle être un succès, alors qui sait, peut-être que cela suscitera une vocation comme devenir conférencier professionnel !

Ce que vous devez retenir :

Le Grand Oral blanc du bac se réalise en trois étapes : présentation, échanges avec le jury et intérêt des questions vis-à-vis des projets d’avenir de l’élève. Cette épreuve vise à évaluer les capacités oratoires du futur bachelier. Elle est rentrée en vigueur à partir des sessions de 2021. Cet examen oral se centre sur 2 questions établies par le candidat et gravitant autour 2 spécialités choisies par ses soins. L’épreuve se passe en 20 minutes d’évaluation et 20 minutes de préparation. 

Le déroulement et les modalités de cette épreuve, encore quelque peu « expérimentale » à l’heure où nous écrivons ces lignes, vont certainement être amenés à évoluer au fil des années qui suivent. Quoi qu’il en soit, pour bien s’y préparer, il faudra toujours du travail et de la rigueur, et ce dès la classe de première !

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Aisance à l’oral : un remède au malaise social ?

Dans le courant de l’année 2011, une publicité assez angoissante fut diffusée à la télévision. Les scènes se déroulent dans des endroits habituellement bondés : la galerie d’un centre commercial, une autoroute, des bureaux d’entreprise, une cantine…

Sauf que là, il n’y a personne. Tout est désert, ou presque. Vision d’une sorte d’univers post-apocalyptique avec, au centre, un homme, seul, absolument seul, qui dépérit.

L’image est forte : il s’agit de montrer que par-delà le monde, à travers la foule, certaines personnes peuvent demeurer seules, en ayant cette terrible sensation, tout le temps, d’être abandonnées à elles-mêmes.

Cette publicité était diffusée dans le cadre d’une campagne contre un mal invisible : la solitude – décrétée grande cause nationale 2011 par la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

En quoi la solitude est-elle un mal invisible ? Parce qu’elle est le fait – ou plutôt le non-fait – de ne pas communiquer, de ne pas pouvoir parler avec les autres. La parole est déjà en soi quelque chose d’insaisissable, immatérielle, évanescente… Un simple son qui s’envole à peine prononcé… Alors l’absence de parole se remarque d’autant moins…

C’est pourquoi la solitude est si difficile à repérer. On peut voir quelqu’un qui se fait agresser, tandis qu’un individu seul est quelqu’un qui disparaît de la société. Et pourtant, comme il est rappelé dans cette publicité, 1 personne sur 3 en souffre.

Le moyen pour combattre la solitude est pourtant si simple :

Ce qui compte, ce n’est pas d’être rassemblés en un seul endroit, dans un bar, une soirée, une manif, mais d’interagir les uns avec les autres. Le slogan de la campagne est d’ailleurs très bien trouvé, clair et percutant : « Contre la solitude, nous sommes tous la solution ». Un sourire ne coûte rien. Un regard ne coûte rien. Un mot gentil, une simple parole, une invitation à la discussion ne coûte rien. Et pourtant cela constitue l’essence même de la vie. Ça n’a pas de prix.

Pourquoi je vous parle de ça aujourd’hui ? Quel rapport avec l’éloquence ?

L’éloquence, c’est l’art de bien parler. C’est une forme d’aisance à l’oral clairement mondaine, donc caractéristique de personnes bien « intégrées » qui n’ont a priori pas à se sentir concernées par la solitude. Mais devient-on éloquent parce qu’on est mondain, ou peut-on devenir mondain parce qu’on est éloquent ?

En effet, pour « bien parler », encore faut-il parler tout court. Et les deux sont aussi liés dans le sens inverse : certaines personnes, pensant ne pas bien parler – ne pas s’exprimer comme il faut, ne pas maîtriser un certain vocabulaire, certaines références, ou encore souffrir d’un fort accent -, préfèrent ne pas parler du tout et redoutent même d’avoir à s’exprimer. Elles ne sont pas exclues parce que personne ne leur parle : elles s’auto-excluent en évitant de parler, de répondre, de s’engager dans une conversation libre et spontanée. Certaines pourraient même percevoir toute invitation à ce type d’échange comme une forme d’agression, et réagir violemment…

La France, pays de l’élégance, de l’éloquence et de la séduction, est devenue une société de timides, d’individus mal à l’aise qui peinent, ou craignent d’interagir trop spontanément, trop librement… La peur se diffuse dans toute la société, à travers les discours sur l’insécurité, le risque d’être abordé par un inconnu, de parler avec quelqu’un qu’on ne connaît pas… La France est malade de cette peur. Elle en meurt.

Preuve de cette timidité ? On entend parfois la rengaine selon laquelle « les hommes ne savent plus séduire »… Mais dans ce cas les femmes non plus ne savent plus « se laisser séduire »… Preuve du malaise social ? Les hommes politiques ne font plus rêver. Les professeurs ne savent plus réveiller leurs élèves. Plus personnes ne semble trouver les mots, pas même ceux que l’on désignent comme nos « orateurs » officiels… Les passagers des transports en public n’osent plus se saluer, ni même se regarder ; aucun n’osera réagir face à un gêneur, tous fermeront leur gueule…

La peur, la timidité, l’absence de pratique et d’entraînement à l’expression orale, la méconnaissance de certaines techniques de communication pourtant simples (communication non violente, écoute active, gestion des personnalités difficiles…) : voilà quelques unes des causes principales d’un mal-être général et invisible qui gangrène la société toute entière.

Face à cette situation : que faire ?

Le but est de réveiller, de libérer la parole. Réhabiliter l’expression orale comme une pratique à part entière, à laquelle s’exercer dès le plus jeune âge. Instaurer des classes de conversation à l’école, au collège et au lycée. Proposer à chacun d’acquérir des techniques de communication élémentaires. En faire un critère pour se former à la citoyenneté. Renouer des liens sociaux détruits par la peur, la timidité, l’inquiétude. Ne plus écouter les discours alarmistes des hommes politiques, mais chercher la solution en nous, dans notre capacité à aller vers les autres. En un mot : OSER. Osons briser les barrières, les distances, les codes. Unissons-nous dans un libre échange de paroles et d’idées.

Nous sommes tous la solution.

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