On demandait au célèbre orateur Démosthène ce qui comptait le plus dans un discours, quelles étaient les 3 choses les plus importantes selon lui. Tout le monde s’attendait à ce qu’il parle de la beauté des mots, de l’intelligence du propos, de la qualité de l’argumentation… Pourtant voici ce qu’il répondit :
« Rapprochez-vous mes amis, je vais vous dire quelles sont les 3 choses qui comptent vraiment pour être éloquent… La première chose la plus importante, c’est L’ACTION. La deuxième chose la plus importante… c’est L’ACTION. Et la troisième chose mes amis ? L’ACTION ! »
En art oratoire, l’action désigne le fait de joindre le geste à la parole (être « actif », tout simplement) : cela correspond à la gestuelle, au langage corporel, à l’aisance dans les mouvements et les déplacements.
C’est la première chose que l’on voit, et dont on se souvient le mieux. Voilà pourquoi l’action (ou langage du corps, ou Body Language, appelez cela comme vous voulez) était si important pour Démosthène, et l’est toujours autant aujourd’hui.
Les gestes avec l’index dressé sont généralement mal perçus. Si nous pointons un index accusateur vers notre interlocuteur, cela représente une attitude menaçante et arrogante à son égard, ou risque d’être interprété comme un geste très agressif ! Ce n’est pas un hasard si les personnalités politiques les plus polémiques sont souvent vues en train de pointer du doigt, de « désigner des coupables », d’accuser, de menacer… Comme Les Le Pen père et fille, toujours dans l’opposition, dans la contestation, quelle que soit la couleur du gouvernement… Mais parfois certains présidents adoptent aussi ce type d’attitude violente et piquante, comme Trump (voir plusieurs exemples évocateurs en photos plus bas), pour ne citer que lui…
Perçu comme particulièrement agressif, notamment par ceux qui se sentiraient pointer par le doigt tendu, ce geste est donc si possible à éviter, à moins de vouloir volontairement communiquer un message haineux, hargneux, vindicatif, violent ou belliqueux. C’est également le mouvement du prédicateur, du sermonneur, ou du professeur qui « donne la leçon » comme Mélenchon sur la photo ci-dessous :
Lors d’une intervention en public, ne vous agrippez pas à votre pupitre ! Tenir ainsi le support conduit à se voûter, à arrondir son dos, et à perdre en « verticalité », donc en impact visuel. Cette erreur de posture est fréquente chez tous les orateurs ou conférenciers se servant d’un pupitre : c’est pourquoi il faut apprendre à se détacher de celui-ci, autant physiquement que symboliquement, afin de déployer tout son corps et imposer sa stature…
Autre risque de mouvements disgracieux : en vous agrippant au pupitre comme un capitaine à sa roue de gouvernail (voir l’exemple de Xavier Bertrand sur la photo ci-dessous), vous risquez de tanguer d’un bord à l’autre (comme le capitaine sur son bateau…). En évitant de vous tenir au pupitre, ou de saisir à pleine les bords du bureau, vous éliminez ce type de point d’appui au niveau du buste, ce qui réduit considérablement le risque de balancier. Cela renforce votre verticalité, en plus de vous tenir bien droit.
Mais un nouveau problème apparait : quand on se tient au pupitre ou à son bureau, c’est aussi parce que l’on ne sait pas toujours quoi faire de ses mains… Se détacher du pupitre remet donc les mains en liberté, ce qui impose aussi de travailler un minimum sa gestuelle.
Lors d’une prise de parole en public, la plupart des gens ne savent pas quoi faire de leurs mains. Ils sont gênés, essayent de les cacher, ou les agitent dans tous les sens. Leurs mains trahissent directement leur état de stress.
Une manifestation fréquente du trac consiste, entre autres, à faire des ronds ou des « moulinets » en parlant. Des gestes de ponctuation marquent de façon agaçante chaque mot, chaque syllabe, sans rien signifier mais en attirant tous les regards. On peut également observer, en situation stressante, toute une gestuelle de contenance (se recoiffer, se gratter) : cela laisse apparaître une incapacité à réagir, à répondre… Fortement déconseillé !
A l’inverse, si vous apprenez à maîtriser ces mouvements, il est possible de développer une gestuelle adaptée qui appuiera vos propos, les illustrera… Et qui donnera du corps à votre parole. Ce sont des gestes significatifs car ils sont révélateurs de sens : ils amplifient le message ou facilitent la compréhension. (Lire l’article L’art de joindre le geste à la parole en 17 photos)
Mais comment faire quand on ne sait vraiment pas quoi faire ? C’est simple : ne rien faire ! Vous ne savez pas où mettre vos mains ? Laissez-les au bout de vos bras, ça ira très bien. N’essayez pas de les cacher, de les mettre dans vos poches ou de les nouer derrière le dos. Laissez vos bras se relâcher le long du corps, et vos mains en faire tout autant. C’est en apprenant d’abord à ne faire aucun geste qu’émerge ensuite spontanément une gestuelle mesurée et adaptée. Ce qui compte avant tout est d’éliminer les gestes parasites, puis, dans un second temps seulement, de produire des gestes significatifs. Point trop n’en faut, la sobriété gestuelle est de mise.
Toutefois, ne rien faire est paradoxalement plus facile à dire qu’à faire… Certes, vous devez avoir conscience des principaux gestes significatifs et les travailler suffisamment au préalable, chez vous devant un miroir ou avec un coach, idéalement en faisant du media training. Vous devez également repérer les postures anti-charismatiques les plus fréquentes, afin de ne pas les reproduire vous-même.
Entre les bonnes et les mauvaises postures, il existe bien sûr de nombreux degrés. Il existe donc une posture intermédiaire, qui convient très bien aux débutants stressés qui ont la bougeotte au bout des doigts. Voyons cette position en détail, exemple en photo :
Les mains détendues, posées l’une sur l’autre, expriment l’assurance et le calme. Elles montrent la vigilance et indiquent que nous sommes prêts à intervenir à tout moment dans la discussion. Cette position est la gestuelle basique que je vous conseille si vous ne savez vraiment pas quoi faire de vos mains. Vos deux mains jointes, dos de la main dans la paume, tapant par exemple pour appuyer un point important.
Faites également attention à la hauteur de vos mains : trop basses, et vous les placez en cache-sexe (geste de soumission…) ; trop haute et vous risquez dans le même élan de les mettre « en prière » (geste de prédication, voire de domination…) ! Le bon placement est à peu près au niveau du nombril, ce qui vous permet encore de relever un avant-bras jusqu’au coude pour souligner un point important. Ne tournez pas les paumes vers vous mais gardez-les le plus possible vers le haut, bien visibles : signe d’ouverture.
Attention cependant à ne pas garder les mains serrées (signe de stress) ou à croiser les doigts (si vous avez les mains moites à cause de trac, vous risquez même d’avoir du mal à vous « décoller » les doigts pour faire un geste soudain). Enfin, cette position permet une petite astuce pour surveiller l’heure sans avoir l’air de regarder constamment sa montre (idéal en réunion ou en entretien)…
Nous l’avons déjà dit, l’art oratoire est un art du corps et de l’esprit. C’est même bien souvent davantage un art du corps, une maîtrise du langage corporel, de la gestuelle (de « l’action »comme disait Démosthène) que de l’esprit pur (au sens du logos, de la logique et de l’argumentation…). Lorsqu’on débute dans cet art si passionnant, si important, et pourtant si difficile et si subtil, il faut se concentrer tout particulièrement sur notre impact visuel.
Et avant d’apprendre à faire les bons gestes, il est préférable d’apprendre à n’en faire aucun, et s’attacher à éliminer les gestes parasites et les mauvaises postures. Voici notamment plusieurs postures fréquentes que l’on peut observer chez de nombreux orateurs, qu’il est pourtant préférable d’éviter :
1. Mains en « prière » : éviter de garder les mains devant la bouche quand vous parlez !
2. Mains sur les hanches : position de défi. Cela peut être mal perçu selon les situations.
3. Mains dans le dos : posture du « fusillé » ! A éviter, car cela verrouille totalement votre gestuelle et renvoie une mauvaise image de vous, rigide ou écrasée.
4. Mains en cache-sexe : peu élégant… Il faut éviter de laisser totalement retomber les bras lorsque les deux mains sont jointes. De même, assis, ne pas laisser la main glisser entre les jambes.
Ces postures sont souvent instinctives, nous les prenons sans nous en rendre compte. C’est pourquoi il est toujours bon de s’entraîner avec quelqu’un qui pourra vous faire part de ses observations, idéalement un coach ou un formateur spécialisé qui sait ce qu’il faut regarder, qui sait identifier les points forts et les points faibles et corriger ces derniers. Mieux encore : faire du media training, afin de pouvoir observer vous-même votre propre image à l’écran. Cependant, la présence d’une personne qualifiée est souvent nécessaire, car vous ne saurez peut-être pas vous auto-évaluer avec clairvoyance. Vous vous rendrez peut-être compte que vous ne renvoyer pas l’image que vous souhaitez, mais sans comprendre précisément à quoi cela est dû, et sans connaître de méthode à mettre en oeuvre pour y remédier…
Il existe bon nombre d’ouvrages très didactiques sur le sujet, ce qui vous permettra de vous faire une idée plus précise et plus vaste à la fois. Le petit guide de poche Décoder ses gestes en 10 leçons vous offrira un bon premier panorama sur le sujet, rapide à lire et bourré d’exercices pratiques. Vous pourrez prolonger par les livres plus volumineux de l’auteur Jean-Claude Martin, notamment Le guide de la communication et sa Bible de la communication non verbale. Toujours du même auteur, vous pourrez également lire avec profit Comment avoir le dernier mot. Bonne lecture, et bons gestes !
Lorsque l’on parle, certains gestes amplifient le message ou facilitent la compréhension de ce que nous disons. Ce sont des gestes révélateurs de sens, c’est pourquoi nous parlons de gestes significatifs.
Afin de mettre en valeur vos gestes significatifs, vous pouvez jouer sur l’effet de contraste : moins vous ferez de gestes, et plus ils auront d’impact. Les rares que vous ferez se remarqueront d’autant plus. Chez vous, entraînez-vous régulièrement à associer un geste adapté à telle ou telle idée que vous exprimez : vous finirez par les faire spontanément avec d’autres personnes.
Il ne suffit pas de regarder les photos ci-dessous et de « comprendre » chaque geste en question : il faut se donner l’occasion d’exécuter soi-même ces gestes, régulièrement, et se mettre en situation pour les associer à votre parole au moment opportun, afin de les rendre parfaitement naturels et complémentaire de votre mode d’expression. Voici les gestes significatifs les plus fréquents et utiles :
1. Tourner une page
Deux mains, ouvertes, l’une comme balayant la page d’un livre (de préférence celle de droite sur celle de gauche). Cela permet de rendre très visuelle l’idée qu’on envisage un autre aspect du problème, qu’on cherche à changer de point de vue. Comme les deux plateaux d’une balance, il s’agit de peser le pour et le contre, évaluer les avantages et les inconvénients. Ce geste est adapté pour signifier : « d’un autre côté… ».
2. Mouvement d’ouverture
Main ouverte, geste vers l’avant, qui se déploie en complète supination. Comme nous l’avons vu, cela traduit un état d’esprit conciliant, accueillant, une bonne disposition au dialogue et à l’échange. Ce geste peut venir appuyer le propos de notre interlocuteur, c’est une façon de lui dire : « oui, voilà, tout à fait ».
3. Mouvement de clôture
A l’inverse du geste d’ouverture précédent, celui-ci consiste à effectuer le mouvement suivant : main plate tournée légèrement vers le haut, suivi d’un mouvement en avant vers le bas, comme si nous refermions quelque chose. Cela signifie : « silence, c’est clos ».
4. Brandir le poing fermé
Poing fermé en mouvement uniligne : impression de force, détermination. Ce geste peut accompagner l’expression de la colère, ou à l’inverse l’enthousiasme et le cri de la victoire. Il s’agit de transmettre une grande dose d’énergie, combinée à une forte émotion. C’est un geste que l’on retrouve fréquemment dans les discours motivationnels, qui ont pour but de pousser à l’action. C’est aussi le point levé comme signe de ralliement dans la symbolique communiste.
5. Trancher avec la main
Geste avec le tranchant de notre main : comme si nous coupions en deux quelque chose, nous fendons l’air d’un mouvement énergique. C’est le mouvement de l’arbitre, du directeur, du patron, qui vient rétablir l’ordre. C’est une façon d’exprimer clairement un refus ou une prise de décision : « c’est comme ça et pas autrement », « ça suffit ! », « voilà ce que nous ferons… ».
6. Pointer du doigt
Les gestes avec l’index dressé sont généralement mal perçus. Si nous pointons un index accusateur vers notre interlocuteur, cela représente une attitude menaçante et arrogante à son égard, ou risque d’être interprété comme un geste très agressif ! C’est également le mouvement du prédicateur, du sermoneur, ou du professeur qui « donne la leçon ». A éviter.
7. Les mains en coupe
Les deux mains en coupe donnent l’impression de tenir ou de protéger quelque chose.
8. Mouvement de refus
Les paumes vers l’avant signifient que nos mains éloignent, repoussent, font « bouclier »… Ce geste peut traduire le refus. (Remarque : si le geste est accompagné d’un haussement d’épaules, cela veut généralement dire « Je ne sais pas », « je ne suis pas coupable »).
9. Mouvement de repli
Bras croisés : attitude fermée. Toutefois, attention aux interprétations erronées. Les bras croisés n’expriment pas automatiquement le refus ou la critique. Selon la situation, ce geste peut signifier que notre interlocuteur hésite, ou prend simplement une position confortable pour nous écouter. Mais lorsqu’il est effectué volontairement, ce geste a pour but de marquer son désaccord, sa désapprobation. C’est une forme de repli, une façon de s’exclure du débat ou de la négociation…