Les petits noms des politiques – dont les affublent autant leurs pires ennemis que leurs si loyaux « amis » – sont souvent cruels et moqueurs. Et la métaphore alimentaire (plus particulièrement les produits laitiers) demeure un registre privilégié pour y puiser moult sobriquets.
On se souvient par exemple que nombre de militants de gauche avaient eux-mêmes surnommé François Hollande « Flamby » : substance gélatineuse qui s’étale quand on la démoule, qui tremble quand on la secoue… Par ce surnom, synonyme de « gauche molle », la radicalité comme la témérité de l’ancien Premier secrétaire du PS étaient clairement mises en cause, sa posture de chef des socialistes plus ou moins contestée.
Hollande n’est pas le seul a avoir recu ce genre de sobriquet, et le rayon frais est toujours en service pour tous les bords et partis. Hervé Morin qui s’y était lui aussi vu ranger lors de sa campagne en vue des élections présidentielles de 2012. Ses opposants eurent en effet l’idée de le surnommer « le yaourt »… parce qu’il était comme lui à 0% ! (d’intentions de vote dans les sondages)
Le yaourt n’est pas seulement un produit allégé, c’est surtout une pâte molle et blanche, sans couleur, sans saveur, inconsistante. C’est donc moins la position d’Hervé Morin dans les sondages qui est ici réellement visée, que son charisme et sa prestance. Alors, faisant fi des intentions de vote, reposons la question : Hervé Morin a-t-il la carrure d’un présidentiable, ou est-il un yaourt ?
Pour y répondre, revenons là où tout a commencé : sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle lors d’une conférence de presse le dimanche 27 novembre 2011 à Berville-sur-Mer dans l’Eure (voir la vidéo ci-dessous). Pas besoin de visionner le discours en entier, la 1ere minute suffira. Dans tout discours, les premières minutes sont fondamentales pour prendre en main le public. Si vous ratez votre entrée, il vous sera très difficile de revenir sur cette première mauvaise impression.
Hélas pour lui, dans l’extrait vidéo ci-dessus, Morin accumule dès le début plusieurs erreurs typiques d’un orateur débutant. Voici les 3 erreurs principales pourtant faciles à éviter :
– Hervé Morin s’agrippe à son pupitre comme un capitaine à sa roue de gouvernail. Seulement, ce n’est pas le navire qui tangue mais le capitaine lui-même, balançant son corps de droite à gauche. Il change sans cesse de jambe d’appui, il semble instable. A cela s’ajoute le fait que tenir ainsi son support le conduit à se voûter, à arrondir son dos, et à perdre en « verticalité », donc en impact. Cette erreur de posture est fréquente chez tous les orateurs ou conférenciers se servant d’un pupitre : c’est pourquoi il faut apprendre à se détacher de celui-ci, autant physiquement que symboliquement, afin de déployer tout son corps et imposer sa stature.
– Ses mains relâchent tout de même le pupitre de temps à autres, mais pour se perdre dans une gestuelle évanescente. L’ouverture des bras est un geste classique, qui exprime à la fois l’accueil et la prise en compte de tout l’auditoire – mais ici Morin est bien trop fugace, et contrecarre quasiment à chaque fois cet élan du haut du corps avec un mouvement de la tête vers le bas (voir par exemple à la 40e seconde)…
– Morin penche en effet fréquemment sa tête, car sa plus grosse erreur demeure son incapacité à se passer de ses notes ! Il les cherche constamment du regard, dès le début, alors que ses bons mots sur sa « Normandie natale » devraient lui venir naturellement – au moins pour sembler sincères… Moins suivre ses notes lui aurait conféré plus de spontanéité. Le comble est atteint lorsqu’il formule enfin sa déclaration officielle de candidature (les secondes autour de la 1ere minute) : il baisse les yeux au moment même où il prononce les mots « présidence de la république », et brise alors le contact visuel qu’il aurait absolument du maintenir avec son auditoire à ce moment crucial !
On peut encore rajouter de nombreux petits défauts et défaillances – tels sa langue qui fourche dès ses premiers mots (« mes sers_jamis » pour « mes chers amis », à la 8e seconde)…
Ce qui est sûr, c’est que Morin n’apparaît pas sous son meilleur jour, peu stable et peu éloquent, alors que cette conférence de déclaration de candidature, peut-être l’un des moments les plus importants dans un parcours politique, aurait du être la mise en scène de toute sa vigueur, de tout son courage et toute sa détermination.
Peu assuré au départ même de la course, il ne pouvait que difficilement se redresser par la suite et rattraper son retard. Normal qu’il soit à la traîne dans les sondages.