Jeudi 27 septembre 2012 le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahouprononçait un discours à l’ONU, appelant à stopper le programme nucléaire iranien :
Plus exactement, il demandait qu’une « ligne rouge » soit fixée, afin d’em- pêcher l’Iran de la dépasser.
Selon Netanyahou, « L’Iran est actuellement à 70% de son programme, la première phase est terminée et la seconde est déjà entamée. Au rythme actuel, l’Iran entrera à l’été prochain dans la phase finale ». Et si le programme nucléaire iranien dépasse les 90% de son achèvement, toujours selon Netanyahou, il ne sera plus possible d’y mettre un terme : « La question n’est pas de savoir quand l’Iran sera capable de construire une bombe, mais quand nous ne serons plus capables de l’arrêter. »
Il répète à plusieurs reprises l’expression « ligne rouge, claire » : « Il n’y a qu’une seule manière d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique, et c’est en fixant une ligne rouge, claire… Face à une ligne rouge claire, l’Iran cédera… Les lignes rouges ne conduisent pas à la guerre, les lignes rouges empêchent les guerres… Des lignes rouges auraient pu empêcher la première guerre du Golfe. Des lignes rouges auraient pu empêcher la Seconde Guerre mondiale… »
Mais il ne se contente pas de marteler ces mots. Pour se faire véritablement entendre et attirer tous les regards, il va « parler aux yeux »…
Parler aux yeux, cela consiste à quitter le registre purement verbal du discours, et introduire une véritable image, un schéma, un dessin, ou tout autre élément visuel permettant d’illustrer son propos.
Lors d’une prise de parole en public, un schéma permet de rendre visible et donc concret quelque chose d’abstrait. En cela, il rend le propos du discours plus facile à mémoriser : on retient plus facilement les images, que les mots qui y sont associés.
Ainsi, en sortant un large panneau sur lequel était dessinée une bombe avec une mèche allumée, Netanyahou était sûr de créer l’évènement et de faire parler.
La bombe est sur le point d’exploser, ce qui vise à alerter, à symboliser un danger imminent, à montrer l’urgence. La bombe représente également les différentes étapes de progression du programme nucléaire iranien, la première à 70%, la seconde à 90%. Quant à la ligne rouge, c’est le Premier ministre d’Israël lui-même qui la trace, dégainant un gros feutre et insistant sur cette limite fatidique avant le stade final, irréversible, appuyant le trait et repassant dessus plusieurs fois.
En dessinant la « ligne rouge », il la rend ainsi lui-même visible et claire, claire car visible. Il rend concrètes sa volonté et la possibilité d’agir.
L’effet de sa prestation tient donc a un impact visuel extrêmement fort.
Un dessin vaut mieux qu’un long discours. Son dessin, très simple, et même simpliste pour ne pas dire ridicule, se substitue aux habituels discours complexes et techniques sur le nucléaire. Et tandis que, selon l’adage, certaines paroles « s’envolent », son image au gros marqueur, elle, demeure indélébile…
Certes, c’est moins le contenu du schéma que la représentation même de la bombe qui a vraiment fait parler pour l’instant. Son côté « cartoon » a eu deux effets : c’était pour Netanyahou le risque d’être décrédibilisé, par les détour- nements* dont il a alors fait l’objet (des montages photos le montre en personnages de BD ou de dessins animés, en mario bros, etc.), mais c’est aussi ce qui, du coup, a créé un véritable buzz sur internet, lui offrant une large publicité.
L’image de Netanyahou a fait le tour de la planète, et donc, en même temps, son message. Au final, sa stratégie s’avère payante.
* Exemples de détournements qui ont circulé sur le web (cliquez pour agrandir) :