L’attaque ad personam vise la personne elle-même, tandis que l’attaque ad hominem concerne la cohérence de ses propos.
Condamner les attaques ad hominem est devenu commun sur internet. Le problème, ce n’est pas tant le côté pompeux (d’utiliser une telle expression plutôt que de simplement parler « d’insultes ») que le fait de confondre les deux, insultes et ad hominem.
Et cette erreur s’est généralisée sur tous les forums, sans que personne ne cherche à vérifier ce qu’il reproduisait…
Peut-être faut-il rappeler la distinction établie par Schopenhauer entre l’attaque ad hominem et l’attaque ad personam. Ce sont en effet ces deux attaques qui sont confondues, la première généralement prise pour la seconde :
Par ad hominem doivent être désignés les propos qui traitent de notre interlocuteur selon son titre, son statut, ses actions, ses engagements, ses déclarations… Tandis que l’ad personam consiste à traiter… ce même interlocuteur de tous les noms !
Ainsi, sur un forum internet par exemple, quasiment chaque fois qu’un intervenant insulté dénonce des attaques « ad hominem » à son encontre, il s’agit en réalité quasiment tout le temps d’attaques « ad personam ».
Dans L’art d’avoir toujours raison, Schopenhauer énonce différents stratagèmes rhétoriques visant à triompher de ses contradicteurs lors d’un débat. Concluant sur un « stratagème ultime » (à mettre en pratique uniquement quand tous les autres ont fait défaut), il écrit :
« Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est : on pourrait appeler cela argumentum ad personam pour faire la différence avec l’argumentum ad hominem.«
L’argument ad hominem constitue quant à lui le « stratagème n° 16 », associé à l’argument ex concessis :
« Quand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’ils soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. Si par exemple il prend parti en faveur du suicide, il faut s’écrier aussitôt : « Pourquoi ne te pends-tu pas ? » Ou bien s’il affirme par exemple que Berlin est une ville désagréable, on s’écrie aussitôt : « Pourquoi ne pars-tu pas par la première diligence ? »
L’attaque ad personam vise donc la personne elle-même, tandis que l’attaque ad hominem concerne la cohérence de ses propos.
Argumentum ad personam et ad hominem sont deux locutions latines signifiant respectivement, au sens littéral, « argument par rapport à la personne » et « par rapport à l’homme ». Les deux sont presque synonymes, d’où une confusion facile. Elles sont avant tout formées par souci d’univocité, afin de distinguer deux attitudes qui se ressemblent sans être identiques.
Précisons par ailleurs que l’une et l’autre de ces formules n’a d’argument que le nom : il s’agit de pure rhétorique et non de logique.
En effet : la valeur ou la véracité d’une idée ne dépend pas des contradictions propres aux personnes qui la défendent. Quand bien même une idée vraie serait soutenue pour de mauvaises raisons ou par de mauvaises personnes, elle n’en demeure pas moins vraie… Et vice-versa…
La valeur d’une idée ne dépend pas des contradictions propres aux personnes qui la défendent, mais de la validité de l’argumentation qui y conduit.