L’influenceur n’a pas spécialement besoin d’être un bon orateur. Au contraire, un orateur trop brillant ou éloquent peut écraser ses interlocuteurs, passer pour insupportable à leurs yeux, et n’obtenir d’eux qu’un accord formel temporaire le temps de la discussion.
La confiance, au cœur de la communication d’influence
Pour s’exercer convenablement, l’influence ne peut prendre pour cadre un débat contradictoire. L’influenceur n’est pas un contradicteur, ni même un véritable interlocuteur : c’est d’abord un écouteur. C’est par l’écoute que l’on fait venir l’autre à soi, tout en lui donnant le sentiment d’aller vers lui, C’est en buvant ses paroles qu’on le vide, pour mieux le remplir du fluide de nos propres idées.
L’influence ne fonctionne que si règne la confiance. Si la capacité à influencer d’un individu ou d’un groupe est utilisée dans le but de tromper ceux qui en sont la cible, elle finit bien vite par s’étioler.
La véritable influence est invisible
Plus important encore : l’influence fonctionne essentiellement lorsqu’elle n’est pas perçue comme telle. On ne peut véritablement parler d’influence que lorsque le sujet cible est persuadé d’agir sur la base de sa volonté propre. Une bonne communication d’influence est donc de fait une communication subtile, invisible, indétectable. Toute forme d’insistance risque de provoquer une résistance. Ce que l’on nomme réactance en psychologie correspond précisément au rejet d’une tentative d’influence, qui survient lorsque celle-ci est identifiée ou soupçonnée. Le meilleur vecteur d’influence demeure la relation interindividuelle directe, où l’émetteur ne trahit aucun motif quant à l’approbation du récepteur.
Storytelling et communication d’influence
La confection du contenu d’influence doit exploiter les principes de la communication narrative. Le principe du storytelling est de transformer le message en une histoire qui se raconte et circule de conteur en conteur. L’histoire est celle d’un personnage, soit à admirer, soit auquel il est possible de s’identifier. Le personnage principal a un nom. Il peut rencontrer d’autres personnages : le destinateur, qui lui confie une mission, les opposants, qui l’empêchent de mener à bien sa mission… L’histoire s’organise en étapes clefs : situation initiale, incident déclencheur, engagement dans une quête, succession d’épreuves, retour à la raison et appel à l’action. L’histoire doit avoir une morale, au moins implicite, sinon elle ne dit rien.
Cette histoire doit être racontée par un locuteur initial. L’histoire qu’il raconte peut être sa propre histoire : ce locuteur affirme de fait une position de leader. Les rouages de la matrice rhétorique sont enclenchés. La capacité à influencer dépend alors de la bonne gestion du rapport entre l’ethos, le logos, le pathos, et le topos. Tous ces éléments fondamentaux du discours se réorganisent et se redéfinissent réciproquement. Aucun ne doit être négligé au risque de manquer la possibilité même de communiquer.
Influencer, est-ce manipuler ?
Faut-il condamner la communication d’influence, n’y voir qu’une forme de manipulation sournoise ? Tout dépend l’usage que nous en faisons. Il y a manipulation lorsque l’influence est exercée pour tromper délibérément autrui, l’induire en erreur, abuser de son illusion de liberté pour mieux l’emprisonner. Mais l’influence peut tout autant servir de beaux projets, de nobles idées. A chacun d’évaluer dans quelle mesure ses opinions sont fondées, et dans quelle mesure il se trouve lui-même influencé.