Le mercredi 4 juin 2014, Poutine répondait aux questions de Jean-Pierre Elkabbach et Gilles Bouleau dans une interview diffusée simultanément sur TF1, dans le JT de 20h, et Europe 1. C’était la première fois depuis le début de la crise en Ukraine que Poutine s’exprimait dans les médias occidentaux.
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Comme le rapporte Jean-Pierre Elkabbach, cet entretien était « tout à fait libre » : « ni Poutine, ni son entourage n’ont cherché à connaître les thèmes » des questions à l’avance. Ce qui peut sembler « surprenant », ajoute-t-il, en comparaison des entrevues très cadrées et préparées de nos responsables politiques. Bien sûr, Poutine maîtrise ses sujets, mais il improvise : tout dérapage est donc possible. C’est en tout cas ce que guettent nombre de commentateurs dans cette entrevue sous haute tension.
Et ça tombe bien ! A la quatorzième minute de l’entretien, la traduction simultanée double la voix de Poutine en lui faisant dire :
« Il est préférable de ne pas débattre avec les femmes. »
Ce court extrait complètement sorti de son contexte commence alors à tourner en boucle sur BFMTV, et à animer plateaux télé et autres tables rondes où éditorialistes, chroniqueurs et analystes n’en peuvent plus de se mettre en émoi, de s’indigner, de fustiger cet affreux machisme, d’y voir là une nouvelle provocation éhontée…
Attendez. Qu’a dit Poutine exactement ? A propos de quoi ?
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Il s’agit d’une interview : à quelle question préalable ces paroles font-elles donc suite ? Poutine répond à Gilles Bouleau, qui rapporte les propos d’Hilary Clinton :
« Monsieur le Président, il est heureux d’une certaine manière que vous ayez à faire le 6 juin à Barak Obama. Si vous aviez à faire avec Hilary Clinton les choses tourneraient peut-être mal, elle a dit il y a quelques jours que ce que faisait la Russie en ce moment en Europe centrale ressemblait à ce qu’Hitler faisait dans les années 30. Vous avez pris ça comme une injure suprême, en tant que citoyen et Président Russe ? »
Bon. Que répondre à quelqu’un qui vous traite à demi-mot de nazi ? Pas grand-chose. Il est préférable d’éviter la discussion, tout simplement. Et pourtant… Qu’Hilary compare Poutine avec Hitler, ça passe. Mais que Poutine déclare ne pas vouloir discuter avec une femme qui l’insulte, ça ne passe pas. Premier couac.
Toutefois, nous réagissons-là à la traduction prêtée aux mots de Poutine. Que dit-il vraiment, dans sa propre langue ? Voici la retranscription de la phrase exacte prononcée par Poutine :
« С женщинами лучше не спорить и лучше не вступать с ними в пререкания. »
Traduction : le mot litigieux « спорить » (prononcez « Sporite ») signifie discuter, débattre, mais aussi disputer. Tandis que le premier sens semble s’imposer, certaines sources indiquent d’autres choix de traduction.
Pourtant, juste après ce terme équivoque, Poutine utilise l’expression « вступать … в пререкания » (prononcez « Vstoupate V Prepekania »), qui veut dire entrer dans un conflit, et bien synonyme de… se disputer. Pas d’ambiguïté. Deuxième couac.
La teneur de l’échange s’éclaircit : là où Poutine explique qu’il préfère éviter un conflit personnel, nous percevons une nouvelle provocation.
Si Poutine a accepté cette interview, c’est précisément pour reconstruire son image salement détériorée dans nos médias. Et tenter d’apaiser les tensions qui montent inévitablement. Mais nous avons tant de mal à concevoir un Poutine pacifique que nous cherchons dans ses propos ou son attitude tout élément confortant l’image belliciste que les médias nous ont amené à nous forger. Tandis qu’il s’efforce de ne pas mettre d’huile sur le feu, nous avons l’impression qu’il y déverse ses oléoducs. Troisième couac.
Loin d’être anecdotique, le fait de nous être focalisés sur cette petite phrase (sur 30mn d’interview…) révèle à quel point les médias façonnent l’image que nous nous faisons de certaines personnalités, conditionnant par-là l’opinion portée sur leurs actions. Bien souvent au détriment d’une réflexion plus profonde sur les fondements des dites actions. Couac couac couac.
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