Krystin Vesterälen aborde la littérature sous des facettes parfois peu connues. En tant que conteuse, elle fait (re)vivre les grands textes à travers une parole vivante. Elle nous entraîne dans des mondes magiques et féeriques par le seul pouvoir de la voix et des mots.
Krystin raconte par exemple les grands récits de la littérature gréco-latine et médiévale, et a publié un superbe et envoûtant livre-réflexion sur l’Odyssée d’après Homère. Nous avons eu le plaisir de réaliser avec elle une interview très inspirante, dans laquelle elle nous transmet sa passion du conte, de l’oralité, et nous en dit davantage sur l’Odyssée…
Pourquoi et comment devient-on conteur ?
Krystin Vesterälen : Les pourquoi et les comment sont toujours très difficiles comme questions. Car ces questions nous forcent à entrer en nous, à nous poser ces questions. Pour ma part, je ne pense pas que les réponses me conviendraient car je suis toujours à leur recherche. Dans l’absolu, je dirais par goût des histoires, de l’imaginaire, des autres. Mais il y a tellement d’autres réponses comme le choix de la transmission orale, du mot, de la parole. Il y a aussi le plaisir de voir les autres sourire et vivre l’histoire…
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Qu’est-ce qu’un conte ?
K.V. : Le conte est une histoire merveilleuse qui fait appel à notre imaginaire. Contrairement aux idées reçues, le conte n’est pas pour les enfants. Il raconte les histoires d’hommes et de femmes. Dans nos sociétés, il est considéré comme art populaire entrant dans le folklore, les us et coutumes d’une région, d’un pays, d’une culture.
Le conte a ses propres codes, son univers qui lui est propre, son langage, son temps (éphémère), sa monnaie (le sourire, les yeux écarquillés…). C’est un pays imaginaire où tous peuvent vivre, le temps du conte, s’ils s’y autorisent. Car le conte n’est pas autoritaire, despote. Il n’accueille en son sein que celles et ceux qui y viennent. Et cependant le conte, tout au cours de l’humanité à été manipulé, censuré, mis au banc de… mis « à la sauce de »… pour manipuler les esprits.
Pourtant combien d’entre nous n’ont pas trouvé une clé, une solution grâce à cette magie. Il est aussi considéré comme un art, mais alors là, on ne peut plus mineur, car ne demandant pas d’éléments techniques extérieurs (lumières, costumes, mises en scène…). Chacun fait son propre film dans sa tête. Il s’agit d’écoute. Mais là encore, est-on encore capable d’écouter !
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Quel est la place du conte aujourd’hui ?
K.V. : Les contes et toutes les histoires vivent aussi par d’autres médias. Et c’est une chance car cela permet une grande diversité de regards sur cette transmission, l’autorisation de laisser partir son imaginaire. Par cela tous les médias sont des transmetteurs aussi. Et tant pis si mes paroles choquent outrageusement les conteurs ! L’oralité existera toujours car elle fait partie de l’homme. Mais savoir que les contes, les récits, les légendes… continuent à faire leur œuvre dans d’autres modes d’expression (multimédia, peinture, sculpture, photo, bd, musique, opéra, comédie musicale, etc.) me réjouit car elles seront toujours la passerelle entre le traditionnel et le contemporain, entre les hommes quel que soit l’âge, la culture, la langue, le statut social…
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Ce mode de communication n’est donc pas dépassé par rapport à internet, au cinéma.. ?
K.V. : Le conte et toutes les histoires véhiculent les idées des hommes d’avant, du présent et du futur (quand le futur sera présent et ensuite passé). Le conte et les histoires nous permettent de vivre avec de temps en temps un sourire, un rire. Car cela nous est utile voire nécessaire ! Ce sont des références culturelles et personnelles. Cela nous est utile à la vie et à la création de notre histoire propre et à celle de l’humanité. Je ne parlerais donc pas de communication mais de lien, de passerelle entre tous quel que soit le mode d’expression utilisé. Bien entendu, j’aime aussi parler du respect de l’histoire, l’essence même.
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L’Odyssée est-elle un conte ?
K.V. : L’Odyssée est un récit épique, une épopée si vous voulez. L’Odyssée vient de « Odysseus », le nom grec du héros, que l’on connaît mieux sous son nom latin « Ulysse »… Odyssée, pour nous, signifie voyage. Et c’est un voyage. Tous les héros grecs, rentrant chez eux, avaient leur odyssée. Une seule nous est parvenue. Il y a aussi une autre odyssée : L’Enéide de Virgile qui raconte le départ d’Enée, prince troyen, avec son peuple, après la chute de la ville.
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Comment l’Odyssée se contait-elle ?
K.V. : Je pense qu’il fallait une énorme énergie. Car, n’oublions pas, que ce récit se déroulait aux temps des Dieux. Et une déité, une divinité, un immortel … n’est pas comme nous. Il n’est pas un pote, un copain. C’est un être à part qu’il faut chercher en soi. D’où l’acquisition, au fur à mesure, du souffle épique. Homère, l’aède ou le groupe d’aèdes, psalmodiait le récit, les phrases étaient modulées par le rythme des battements du cœur, par les mains qui touchaient la lyre.
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Une certaine dimension de l’Odyssée s’est-elle perdue avec le temps ?
K.V. : Quand je lis la BD de Lob et Pichard qui ont repris l’Odyssée où l’Olympe est dépeinte comme une assemblée d’extraterrestres munis de technologies modernes… je trouve cela extraordinaire et merveilleux ! Pour tous ceux qui trouvent le récit rébarbatif à la lecture, celui-ci est créatif et actuel. Comme quoi l’Odyssée se retrouve aussi dans la modernité. Je ne vous parle pas du « Ulysse de James Joyce », une odyssée contemporaine, irlandaise où vous retrouvez tous les épisodes et les ambiances du récit antique. Et que dire alors du «Des aventures de Télémaque de Fénélon » : un récit basé sur la vie du fils d’Ulysse. Louis Aragon, Jean Giono y ont aussi porté leur regard et leur imagination…