On entend souvent dire que « le savoir est la clef de la réussite ». C’est fondamentalement vrai. Mais il faudrait préciser de quel savoir on parle. En effet, la différence est souvent grande entre savoir et savoir-faire, et même savoir-être.
Le savoir correspond aux connaissances intellectuelles, à l’enseignement théorique que nous avons reçu pendant nos études. Le savoir-faire est l’ensemble des compétences pratiques que nous ne pouvons acquérir que par l’exercice et l’expérience. Quant au savoir-être, il s’agit de notre attitude, de notre comportement, de ce sens humain qui nous permet de nouer des relations et nous adapter à notre environnement.
Par exemple, un « petit jeune » fraîchement diplômé de HEC et aussitôt recruté à un niveau important dans une grande entreprise peut se heurter à des difficultés inattendues, jamais abordées lors des cours de son cursus de formation. Seule l’expérience lui apprendra à y faire face, ainsi qu’un certain sens relationnel qui lui permettra de s’assurer du soutien des « anciens » et profiter de leurs conseils. Dans ces circonstances, le « savoir pur » ne sert pas à grand chose : il est une base nécessaire, certes, mais non suffisante, loin de là…
La réussite est donc liée au savoir, mais ce savoir est triple, et il ne faut faire l’impasse sur aucun des trois. L’acquisition de chacun de ces savoirs se fait lors de périodes privilégiées de la vie, et il faut aussi savoir respecter ce timing, c’est une autre clef de la réussite liée au savoir.
Le savoir-faire peut s’acquérir à partir d’un très jeune âge, par la pratique assidue et la prise de bonnes habitudes selon le domaine concerné (pensez notamment à la musique, aux pianistes, aux violonistes…). Mais si on reste bloqué sur la pratique sans jamais developper son savoir intellectuel, il arrivera un moment, entre 20 et 30 ans, ou l’on risque de sentir les limites de son savoir-faire. D’autant que de nouvelles techniques et technologies se seront probablement développées entre temps, et si on ne les a pas anticipées ou intégrées à nos pratiques, on se retrouve sur le carreau. Il est donc nécessaire de commencer à developper un profond savoir intellectuel à partir de l’adolescence. Hélas… C’est précisément l’âge ou l’on se fout un peu des études, on n’en mesure pas les enjeux, on veut cultiver son style « cool » et « rebelle » et la plupart des individus manque souvent cette étape décisive.
Il n’est pas utile de chercher à developper trop tôt son savoir intellectuel, car le cerveau est rarement prêt avant 10 voire 15 ans pour la plupart des gens (à partir de 7 ans pour les plus précoces). Mais si on tarde trop, le cerveau vieillit et se « ramollit ». On se met à avoir la flemme, on a du mal à fournir des efforts intellectuels, on est de plus en plus paresseux, on se laisse aller… Bref, on devient « vieux » dans le mauvais sens du terme. Généralement, la plupart des gens décrochent après leurs études, environ deux ans après leur premier poste. Ils ont le sentiment d’avoir fait l’essentiel et veulent désormais profiter, s’amuser, participer pleinement à la grande mascarade de la vie sociale ou mondaine… Bref, si on n’entretient pas son acquisition de savoir jusqu’à 30 ans environ, on devient assez vite con d’ici ses 40 ans.
Et le savoir-être dans tout ça ? Eh bien, c’est le plus compliquée à acquérir. La plupart des gens n’y pense pas et laissent passer le temps, jusqu’au moment ou ils se rendent compte qu’ils n’obtiennent rien de ce qu’ils veulent dans la vie. Ils ont un déficit d’autorité, de charisme et de leadership, ils ont du mal à progresser dans leur entreprise, ils finissent par se replier sur leur famille et leur petit cercle d’amis, toujours plus petit, petit… L’aventure sociale est finie pour eux. Le problème est que si l’on se concentre trop sur le savoir pur, on ne peut que difficilement developper son savoir-être au contact des autres. Si on est trop concentré sur la pratique, on néglige le savoir-être au sein d’environnements que l’on connait moins bien. Alors comment faire ?
Tout en se mettant à la pratique très tôt, il faut « naviguer » de communautés en communautés, garder l’esprit ouvert et s’efforcer de s’intéresser à des domaines qui ne nous intéressent pas, juste par culture générale. Tout comme pour le savoir intellectuel, qui ne doit pas se developper dans une seule discipline, mais être transversal à plusieurs disciplines. Il faut se donner l’occasion d’aller discuter, débattre, par exemple en rejoignant des clubs de réflexion, des cafés philo, des evénements culturels – et tout autant des événement culturels et des rencontres qui a priori ne nous intéressent pas ! C’est au contact de cette diversité que l’on apprend à être plus tolérant, plus subtil face aux différences, plus habiles dans notre aptitude à négocier ou nouer un lien avec « l’autre ».
Le savoir-être peut se developper dès la plus jeune enfance, dès les premières interactions avec les autres enfants à la maternelle. Le rôle des parents et des instituteurs est crucial pour le bon développement de l’enfant, pour qu’il dépasse sa timidité, ses peurs, et qu’il ose aller vers l’autre. Mais ensuite, en grandissant, c’est à cet individu en formation qu’il incombe de prolonger ce développement, de surmonter lui-même ses complexes et de rechercher activement la diversité.
Vers l’âge de 30 ans, cet individu commencera alors seulement à entrevoir ce qu’il y a au-delà des apparences. Si ce développement se poursuit convenablement, il aura toutes les clefs pour manager efficacement vers 40 ans, et affirmer pleinement son leadership. Ce n’est un hasard si de nombreux succès se concrétisent vers cet âge-là, entre 40 et 50 ans. On pourra toujours trouver quelques exceptions, qui nous fascinent, comme le cas emblématique de Vitalik Buterin. Mais globalement, c’est le travail ardent de toute une vie qui permet, finalement, de réussir.