Education

La culture de l’écrit contre la parole : pourquoi les Français sont si nuls à l’oral, et 4 propositions pour y remédier

Parler et bien parler sont deux choses très différentes. Le langage est le propre de l’homme, mais tout le monde n’en manie pas pour autant toutes les subtilités avec la même facilité.

Dans sa forme vulgaire, la parole peut causer des torts, créer des conflits, être source des malentendus ; bien maniée, elle s’affirme à l’inverse comme le plus puissant des outils au service d’une idée ou d’un projet.

C’est pourquoi l’art de la parole est fondamental. C’est peut-être le plus important de tous les arts. Pourtant, c’est aussi le moins étudié, et le moins bien enseigné…

Le problème à l’oral semble être un problème typiquement français. Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. Il y a peu de dissertations, au pire quelques « QCM »…

Les élèves américain sont sollicités à l’oral dès leur plus jeune âge. A l’école primaire ils pratiquent régulièrement le « Show and tell », exercice typique qui consiste pour chacun à apporter en classe un objet, à le montrer aux autres et à leur en parler, tout simplement.

A l’inverse, en France, notre système éducatif repose essentiellement sur l’écrit. Depuis les rédactions à l’école et au collège jusqu’aux rapports de stage au lycée puis à l’université, nous sommes constamment évalués sur notre capacité à écrire, à noircir des pages, à produire des textes et des textes… (qui ne seront à leur tour même pas toujours vraiment lus…)

Les fois où certains professeurs proposent à leurs élèves de les noter sur un exposé, ceux-ci doivent encore en remettre une version par écrit, comme si ce qui était formulé à l’oral devait forcément correspondre à une dissertation préalable.

Nous sommes prisonniers de l’écrit, et préparer un discours consiste généralement pour nous à concocter une série de « fiches » desquelles nous décollerons difficilement les yeux lorsque nous passerons derrière le pupitre. Au mieux, celles-ci défileront à la verticale, sur un prompteur. Au pire, nous nous emmêlerons les pinceaux en mélangeant une pile de feuilles volantes gribouillées, ou un jeu de cartons bristol annotés. Variante possible et calamiteuse, le contenu des fiches apparaitra aussi au public, projeté au mur sous forme de document PowerPoint.

Hélas, tous ceux qui procèdent ainsi ne seront jamais que de petits écrivaillons doublés de simples lecteurs, et non de véritables orateurs :

Ainsi bloqués par l’écrit, scotchés à leurs notes, il leur devient difficile d’improviser, de parler librement. Ils risquent à chaque écart de perdre le fil, d’hésiter, bafouiller, enchaîner les blancs, et finalement désintéresser leur public, ce qui dans leur situation se révèle la pire des sanctions.

De là découle évidemment le trac, ancré en chacun de nous, dont l’intensité est inversement proportionnel à notre faible pratique de l’expression orale.

Nous sommes donc face à deux problèmes, intimement liés, et qui paralysent autant l’individu que la société :

Premier problème : l’écriture « fige » ce que nous avons à dire. Le culte du plan en deux ou trois parties – et autant de sous-parties – conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser.

Deuxième problème : durant toute notre éducation, l’expression orale n’étant jamais favorisée en tant que telle, rien ne permet une parole spontanée, et donc rien ne nous prépare aux débats et aux confrontations verbales. Normal que la majorité des Français devienne si timide ou si nulle à l’oral.

Pour y remédier, nous pouvons envisager les mesures suivantes :

1 – Instituer l’apprentissage de l’expression orale comme discipline à part entière dès le plus jeune âge, en mettant en place davantage de « classes de parole » dès la maternelle (des initiatives existent en ce sens, mais à titre expérimental pour la plupart, et restent marginales) ;

2 – Poursuivre cette formation tout au long du cursus scolaire puis universitaire, les « classes de parole » devenant « classes de discussion » et « classes de prise de parole en public », et les notes obtenues dans ce cadre intégrées à la moyenne générale ;

3 – Développer les classes d’Art oratoire complémentaires, pour entraîner toujours plus ceux qui se destinent à un métier pour lequel l’expression orale est centrale (professeur, avocat, officier, postes à responsabilité, etc.) ;

4 – Permettre de consolider et d’approfondir ce travail tout au long de la vie professionnelle et sociale, notamment par une plus grande implication des entreprises dans ce domaine : ne pas « réserver » les stages de communication à certaines fonctions, notamment cadres sup et direction, mais en faire un élément fondamental de formation et d’intégration à tous les échelons, quelle que soit la spécialité, et ce dès la première année d’embauche.

Partagez sur vos réseaux

Pourquoi les études ne sont pas faites pour les gens brillants

« Utiles pour les jeunes gens ordinaires, les études universitaires s’avèrent inutiles pour les plus brillants. Nuisibles même. L’université leur inculque le conformisme, bride leur élan créatif, les incite à rester dans les sentiers battus. » Ces propos sont résolument provocateurs, mais pas dénués de fondement. Ils sont rapportées dans un passionnant article paru dans Le Monde sur les initiatives des milliardaires pour concurrencer le système scolaire et universitaire.

Le titre de l’article du Monde est d’ailleurs tout un programme : Start-up : faut-il un diplôme pour réussir ? Et la réponse semble s’imposer comme une évidence : non, et les plus grands innovateurs en témoignent (Steve Jobs, pour ne citer que lui…).

Lire l’article sur le site du Monde.fr : Start-up : faut-il un diplôme pour réussir ?

Certes, ce n’est pas parce qu’on quitte l’université qu’on devient multimillionnaire. Et l’erreur serait de vouloir entreprendre pour entreprendre, quel que soit le projet, quel que soit le domaine, en refusant par principe tout bagage universitaire. En réalité le succès dépend aussi de l’idée, des circonstances, bref, de la chance. Les stars de la Silicon Valley peuvent donc difficilement donner l’exemple.

Mais il y a bien un juste milieu entre le discours anti-universitaire radical d’un Peter Thiel, et le culte du diplôme typiquement français. La créativité, la liberté de penser, la passion et plus encore le génie ne s’enseignent pas dans une salle de classe. Notre société est sclérosée. L’école nous a rendu timide, elle est à l’origine du malaise social qui s’est généralisé en France et dans la plupart des sociétés modernes. Trop de professeurs, si suffisants et imbus d’eux-mêmes, mauvais pédagogues protégés par leurs titres, ne sont plus dignes du pouvoir qu’ils détiennent sur le destin de leurs élèves. Le système universitaire basé sur la cooptation et le léchage de bottes court à sa perte. Un nouveau rapport à l’autorité (morale et intellectuelle) est à inventer. De nouveaux modes d’apprentissage et d’éducation sont à explorer. L’école ne doit plus être envisagée comme la seule voie de salut, l’unique sésame pour réussir.

Pour rédiger un bon CV, si les diplômes et brevets occupent encore une place prédominante dans la mise en forme, c’est surtout l’expérience qu’il convient de mettre en avant, les projets que l’on a menés, les réussites mais aussi les échecs – en mettant habilement en lumière les leçons que l’on a pu en retirer… L’idée que l’on se fait de la réussite évolue, le profil des gens brillants ne correspond plus seulement aux étudiants modèles bardés de diplômes, et c’est une bonne chose pour la société toute entière.

Partagez sur vos réseaux

La difficulté d’enseigner (plus que d’apprendre) une nouvelle langue…

La langue n’est pas une « matière » comme les autres, et ne devrait pas être traitée comme telle dans l’enseignement primaire et secondaire, puis universitaire. Une langue n’est pas constituée d’un ensemble figé de règles et principes immuables. Aucune matière me direz-vous — mais une langue encore moins, car une langue n’a ni début ni fin.

Acquérir la langue

Comment acquiert-on une langue ? Il est formidable d’observer que nous pouvons tous potentiellement parler toutes les langues du monde ! Handicap mis à part, n’importe quel individu est disposé à acquérir la langue du milieu dans lequel il va évoluer dès la naissance. Il n’y a pas de disposition physiologique initiale, selon nos origines ethniques, qui limiterait l’acquisition d’une langue ou d’une autre. La délimitation géographique de notre milieu d’évolution peut avoir une incidence acoustique à la marge (cf. les travaux du docteur Alfred Tomatis), qui réduit à la fois les sons que l’ouïe peut distinguer, et donc que la voix pourrait volontairement tenter de (re)produire. Mais c’est la pratique de la langue elle-même qui fixe les phonèmes élémentaires pour lesquels nous adapterons alors au fil du temps notre diction et notre articulation — et qui nous empêchera de prononcer correctement les phonèmes qui lui échappe. Pour reprendre une formule de la sémioticienne Joëlle Cordesse, « nous sommes tous des polyglottes contrariés » !

Face à cette égalité fondamentale dans notre aptitude initiale à acquérir n’importe quelle langue, comment expliquer cette inégalité apparemment insurmontable dans l’apprentissage et la maîtrise d’une seconde langue ? Dans son livre Apprendre et enseigner l’intelligence des langues, Joëlle Cordesse observe que les « sociétés qui ne bénéficient pas d’une école pour tous sont généralement multilingues, où les individus sont volontiers polyglottes ». Le problème, éminemment paradoxal, est donc l’enseignement. C’est la logique même de l’enseignement dans nos sociétés modernes qui distingue les élèves jugés aptes à s’exprimer dans une nouvelle langue, et les autres élèves, jugés de fait inaptes, découragés et même dégoûtés par l’apprentissage et la pratique d’une langue autre que maternelle. De façon pernicieuse, l’école contribue à nous rendre timide, et de génération en génération elle devient un vecteur du malaise social de nos sociétés modernes.

L’enseignement traditionnel

Car l’enseignement tel que nous le concevons traditionnellement consiste à évaluer ce qui est “correct” et à dénigrer voire à punir ce qui est “incorrect”. Parmi les trentenaires aujourd’hui, qui garde un bon souvenir des classes d’anglais quand il était petit ? Si c’est le cas pour vous, c’est que vous étiez jugé apte et encouragé — tant mieux. Les autres comme moi étaient sans cesse repris, brimés dans leur expression spontanée jusqu’à être sommés de se taire, récoltaient mauvaises notes et désapprobation du professeur, quand ce n’était pas railleries ou moqueries. Tant et si bien que l’on finit par ironiser sur ce qui est ressenti comme une incapacité fondamentale pour laquelle on ne peut de toute façon rien faire. On ne cherche même plus à faire l’effort de corriger son accent, on exagère volontairement certaines fautes grossières, et on finit par délaisser la “matière”. Résultat généralisé pour les Français : un niveau d’anglais jugé faible par rapport au reste du monde (enquête EF EPI 2015 : la France occupe la 37ème place sur 70 pays testés).

Les méthodes traditionnelles d’enseignement des langues étrangères sont trop formelles, rigides et peu soucieuses des besoins et motivations véritables des apprenants. Une langue s’apprend par-delà la langue. Pour faire envie, pour donner envie de l’apprendre, une langue doit se raconter, à travers une histoire qui entre en résonance avec nos envies, nos désirs et nos espoirs.

Les manuels scolaires nous ont habitué au contraire : la langue est utilisée pour raconter des histoires, souvent sans queue ni tête, et c’est rarement “l’histoire de la langue” (de ceux qui la parlent, du ou des pays où elle se parle…) qui est racontée. L’approche de la culture, quand elle existe, fait trop souvent référence à une culture “classique” et néglige les aspects plus contemporains, les modes et les tendances, les us et coutumes des jeunes, les aspects plus “underground” ou “branché” (et même ce terme “branché” est déjà trop ringard pour désigner ce qui intéresse et attire vraiment les jeunes…).

La seule obligation d’une bonne note à l’école ou d’une compétence professionnelle de plus à afficher sur un CV n’est pas suffisante. C’est d’abord tel héros ou telle star — parlant cette langue — que nous décidons parfois secrètement de suivre, c’est pour des individus, des cultures et des histoires que nous pouvons nous passionner, et rarement pour la langue en tant que telle (à moins d’être linguiste dans l’âme). Ce qui nous motive, plus ou moins consciemment, ce sont les aptitudes et possibilités offertes par la connaissance de la langue, que nous “mettons en récit” en imaginant et en (ré)écrivant notre scénario de vie. Subordonner ces rêves et ces espoirs à la seule obtention d’une “bonne note” revient à les annihiler.

L’étrangeté de la langue

L’apprentissage doit pouvoir se faire dans un grand bain d’essais où l’erreur n’est pas seulement tolérée mais encouragée, comme passage obligé de tâtonnements et d’expérimentations avant de pouvoir formuler des phrases “correctes” (ou du moins compréhensibles) dans une nouvelle langue. Dans cette perspective, les exercices — de découverte de “l’étrangeté” d’une langue étrangère — proposés par Joëlle Cordesse sont fabuleux (Cf. Apprendre et enseigner l’intelligence des langues). L’approche neurolinguistique — qui élude notamment le bachotage stérile des règles grammaticales — développée et portée entre autres par Claude Germain et Michel Paradis mérite aussi d’être davantage expérimentée par les institutions scolaires et universitaires (ce qui impliquerait en partie de revoir les impératifs des programmes habituels, jusqu’aux modalités des examens).

L’enseignement des langues gagnerait à s’appuyer davantage sur la narration, le récit, le scénario de vie, et plus généralement la communication. Il est surprenant d’observer à quel point les spécialistes des langues (et les enseignants en général…) peuvent se révéler de bien piètres communicants.

Le contrôle strict des connaissances par régurgitation de listes de vocabulaire indigestes, de structures grammaticales figées, à restituer principalement à l’écrit, plombe l’apprentissage des langues étrangères et explique pour une large part la faiblesse des Français dans ce domaine. Les « cours de langue » tels que nous les avons longtemps conçus n’ont plus lieu d’être. La notion même de note pour évaluer la maîtrise d’une langue est une absurdité totale. Il faut ré-introduire le plaisir et les désirs de l’apprenant au cœur de son apprentissage, et lui offrir la possibilité de prolonger et d’élargir sa propre histoire, en la mêlant avec celle de la langue avec laquelle il veut essayer de la raconter.

Finalement, quand on envisage d’apprendre une langue en étant totalement en dehors d’une « école » ou disons hors du système éducatif traditionnel, on se rend compte qu’il existe énormément de moyens et d’astuces très efficaces et ludiques ! Découvrir par exemple : 5 conseils décisifs pour progresser rapidement en anglais. Pensez à ces méthodes alternatives pour vous remettre à l’apprentissage d’une langue : c’est une si bonne chose de pouvoir indiquer la maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères pour valoriser votre CV. D’autant plus si vous envisagez un jour de devenir formateur ou conférencier international, qui sait ?

Partagez sur vos réseaux

Qu’est-ce que la glossophobie ?

Voici une publicité qui met en scène un écolier apeuré à l’idée de présenter un exposé devant toute sa classe : de quoi nous remémorer de tout aussi inquiétants souvenirs…

Le clip démarre par une définition : qu’est-ce que la glossophobie ?

l’élément « gloss(o)- » vient du grec glôssa qui signifie langue. On retrouve cette racine dans de nombreux termes en rapport avec la parole, le langage et les mots. Par exemple : glossaire (ensemble des mots d’une langue), gloser (commenter), glotte (orifice du larynx, qui joue un rôle essentiel dans l’émission de la voix), glossème (la plus petite des unités linguistiques signifiantes), glossolalie (trouble du langage chez certains malades mentaux qui croient inventer un nouveau langage)…

Et glossophobie ? On trouve l’élément « -phobie », du grec phobos qui signifie crainte. La glossophobie est donc un nom savant pour parler du trac, du stress, de la trouille de parler en public.

Comment s’y prend notre écolier pour surmonter cette crainte ? En se préparant, ardemment. Pour cela, étudier à fond son sujet. Recueillir des citations, organiser ses idées. Mais s’intéresser également à l’art oratoire et à la rhétorique, aux techniques de communication. Comment poser sa voix ? Comment joindre le geste à la parole ? Visionner des films mettant en scène la formation de l’orateur, comme le Discours d’un roi.

L’art oratoire est une culture. Ce n’est pas un don ni quelque chose d’inné. Plus des trois quarts de la population redoute l’idée d’avoir à prendre la parole en public. Cela est dû à un manque de pratique, à une méconnaissance des techniques élémentaires en matière de communication.

Cette pub a le mérite de mettre en lumière ce problème et de donner quelques clefs pour y faire face. La « glossophobie » n’est pas une fatalité ! Quelques techniques simples permettent d’y remédier. Pour apprivoiser son image, le media training est un outil idéal. Pour savoir quoi raconter et comment le raconter, les méthodes de storytelling sont parfaitement appropriées.

Le trac lui-même peut devenir votre allié. Ne cherchez pas à l’éliminer, mais à l’utiliser comme une forme d’énergie. Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ?

Réagissez à cette glose sur twitter ! (Que veut dire « glose » ? Il s’agit de l’explication d’un terme rare ou spécialisé en termes simples ou communs…)

Partagez sur vos réseaux

Malaise social en France : comment l’Ecole nous a rendu timides…

Nous observons de nos jours une véritable crise de la parole politique, à laquelle est d’ailleurs liée la timidité ambiante de la société : les citoyens perdent confiance en eux en même temps qu’ils n’ont plus confiance en leurs représentants.

Cela est en partie dû à la mauvaise formation de nos orateurs.

En effet, le trac n’est pas naturel : il dépend en réalité d’un apprentissage culturel. A l’école comme au lycée, les jeunes Français ne sont pas incités à participer ; peu sollicités à l’oral, exclusivement évalués à l’écrit, ils développent une forme de glossophobie, ils deviennent timides et redoutent de prendre la parole en public… Le trac serait-il une maladie française ?

La solitude est en tout cas un fléau sociétal typiquement français, directement lié au malaise social et à la timidité généralisée…

L’Education nationale et nos méthodes d’enseignement jouent donc un rôle déterminant dans ce grand problème social. L’Ecole est la première responsable du malaise de notre jeunesse, petit malaise des écoliers devenu génération après génération le grand malaise de tous les citoyens.

Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. En France, nous sommes prisonniers de l’écrit : le culte du plan en deux ou trois parties conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser… Un moyen de contrecarrer le malaise social et la crise de confiance qui en découle serait donc de renverser ce rapport typiquement français de l’écrit contre l’oral.

Comment remédier à ce problème ? Comment vivifier le débat démocratique contre le malaise social ambiant ?

Notre culture met en avant les « hommes de lettres ». Pourtant, la parole en public, et plus largement l’expression orale, est constitutive d’une certaine tradition européenne – une tradition qui remonte jusqu’aux grands penseurs de la Grèce antique, à commencer par Socrate, fondateur de la philosophie politique en Occident. Pour reconstruire la parole politique, il faut réhabiliter celle-ci en tant que tradition européenne et même française !

Il faudrait par exemple remettre en place des cours de rhétorique au collège et au lycée, qui se révéleront certainement bien plus efficace sur le plan social et citoyen que nos « cours d’éducation civique ». Il faudrait pourquoi pas aussi mettre en place une formation spécifique en art oratoire, dès l’école primaire et pourquoi pas dès la maternelle, qui consisterait dans un premier en une simple « classe de conversation », et qui deviendrait au collège un entraînement à la prise de parole en public, pour se transformer au lycée en entraînement au débat public et à la négociation.

Des pistes à explorer, à tester, à expérimenter et à ajuster ! Certes, ça ne se fera pas en un jour, et les résultats ne se feront pas voir avant des années… Mais sur le long terme, choisir de ne rien changer n’est jamais une solution satisfaisante. A nous de réfléchir à l’avenir que nous voulons vraiment bâtir, pour notre jeunesse – et avec notre jeunesse !

Partagez sur vos réseaux

« Notre système éducatif ne peut produire qu’une génération de robots »

« Le rôle de l’enfant, c’est de vivre sa propre vie – et non celle qu’envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme la meilleure. Une telle interférence ou orientation de la part de l’adulte ne peut que produire une génération de robots. On ne peut pas faire apprendre la musique, ni aucune autre chose d’ailleurs, à un enfant sans le transformer plus ou moins en un adulte privé de volonté. On forme alors un être qui accepte tout statu quo – une bonne chose pour une société qui a besoin de mornes bureaucrates, de boutiquiers et d’habitués des trains de banlieue –, une société qui, pour tout dire, repose sur les épaules rabougries du pauvre petit conformiste apeuré. »

Cette citation est tirée d’un ouvrage de référence en matière de pédagogie libertaire : Libres enfants de Summerhill, d’Alexander S. Neill. Elle nous invite à interroger en profondeur le sens de nos choix, notamment les choix dont les conséquences seront subies par d’autres, nos enfants…

Pourquoi voulons-nous à tout prix que nos enfants aient des « bonnes notes » à l’école ? Pourquoi les forçons-nous à aller à l’école d’ailleurs ? L’école est à la source du malaise social de nos sociétés modernes. Ce n’est pas à l’école que l’on apprend à gérer son trac et à cultiver son leadership, bien au contraire. L’école rend nos jeunes timides, tandis que la plupart des gens brillants s’en sont souvent affranchis. Ivan Illitch a pourtant démontré avec brio dans son ouvrage Une société sans école que l’éducation pouvait passer par d’autres pratiques que les institutions que nous connaissons – et encore plus maintenant qu’à son époque, à l’ère d’Internet et des MOOCs

Pourquoi tentons-nous malgré tout de les orienter vers telle ou telle filière, tel ou tel cursus universitaire ? Certes, cela part d’une bonne intention : nous voulons certainement qu’ils « réussissent », c’est-à-dire qu’ils trouvent sans trop de difficultés un travail correctement payé afin de pouvoir faire face aux problèmes matériels de la vie. Mais eux, que veulent-ils vraiment ? Que décideraient-ils pour eux-mêmes si nous les formions à la liberté, plutôt que leur imposer une vie toute tracée ? Que voulions-nous vraiment, nous-mêmes, quand nous étions enfants ? Sommes-nous pleinement satisfaits de notre vie aujourd’hui ?

Dans ce monde sordide où nos vies s’organisent de plus en plus de façon mécanique, robotique, les trop rares plaisirs auxquels nous nous raccrochons sont souvent le fait d’actions hors système, non conventionnelles, dérangeantes, déroutantes, créatives, inattendues. Nous aimons les œuvres des vrais artistes, ces personnes qui sont prêtes à consacrer leur vie à réaliser leurs idées folles, à penser autrement, à nous provoquer, nous choquer, nous amuser… Que ce soit dans le cinéma, la littérature, la danse ou toute autre forme d’expression… L’art, l’absurde et la couleur mettent de la vie dans nos vies, c’est ce qui les rend tenables, pour ne pas dire appréciables… Alors pourquoi nous dirigeons-nous dans la direction exactement opposée lorsqu’il s’agit de faire des choix d’orientation personnelle ou professionnelle ? Surtout, pourquoi imposons-nous cela à nos enfants, qui ont encore toute leur vie, toute leur créativité, toutes leurs envies ? Les brisons-nous ainsi par jalousie, consciente ou inconsciente ? Comment pourra-t-on encore profiter de la vie dans un monde de robots ?

Sur la photo en illustration de l’article : l’un des personnages de la série d’anticipation Real Humans, qui met en scène des robots humanoïdes exploités par les humains.

Partagez sur vos réseaux