La conférence de presse est un cas exemplaire d’une prise de parole à fort enjeu. C’est souvent dans ce cadre délimité que se noue ou se défait une réputation. Chaque mot doit être mesuré, car chaque mot pourra être amplifié par le caisson de résonance médiatique. Les journalistes présents peuvent réinterpréter à leur sauce les différents propos, les dé-contextualiser, les assortir d’une photo ou d’une illustration pour créer un effet de contraste amplificateur dans le sens qu’il souhaite.
La conférence de presse, bien qu’elle soit organisée par celui ou ceux qui s’y expriment, est pour eux un terrain miné. Il faut s’y aventurer en mesurant le plus précisément les risques que l’on prend, et en cherchant à les mesurer. D’autant plus dans le contexte d’une communication de crise.
Toutefois, il ne faut pas non plus surestimer les dangers d’une exposition médiatique. A priori, a priori je répète, les journalistes ne sont pas des ennemis. Ils cherchent des informations, c’est la matière brute qu’ils travailleront ensuite pour en faire du contenu éditorial. Leur présence est donc liée à une quête, non à une volonté d’en découdre. Mais la peur ou la méfiance envers ce corps de métier si particulier pousse parfois certains entrepreneurs ou représentants politiques à s’exprimer soit de manière trop agressive, soit trop rester sur la défensive. C’est leur attitude qui finit par générer une ambiance propice au conflit, qui peut finir par éclater et donc, forcément, se rencontrer contre eux…
Prenons l’exemple de Monsieur Romain (personnage fictif), Directeur général d’une société en plein développement. Mardi matin, 10h30, conférence de presse : il doit annoncer le lancement d’un nouveau produit. Il a écrit, réécrit et répété son speech pendant deux semaines : il le connait par cœur. Pourtant, une inconnue demeure : que va-t-on lui poser comme questions ? Quels pièges va-t-on lui tendre ? Qu’est-ce que les journalistes vont essayer de lui faire dire ?
Car Monsieur Romain en est certain : il y a des journalistes qui ne l’aiment pas, et même qui lui en veulent… Les journalistes, se dit-il, n’aiment pas les patrons. Il a besoin d’eux pour communiquer, mais il est sûr que ce sera à travers une image déformée…
Et l’idée de ces questions-pièges, posées exprès pour le faire tomber, l’inquiète de plus en plus. Tant et si bien qu’il arrive stressé à bloc mardi matin et… la suite on la devine bien… Son discours qu’il avait si bien répété tombe à plat, et plus il a l’impression d’être mauvais, plus il se sent jugé. Sur la défensive, il répond de façon maladroite, évasive et parfois agressive à chaque question…
Le lendemain, les échos dans la presse et sur internet sont désastreux : ce qui ne fait que confirmer les doutes qu’il avait… Et la boucle est bouclée. Ou plutôt : le cercle vicieux est bouclé. Car Monsieur Martin est en réalité victime d’un cercle vicieux : en s’attendant à des questions-pièges, et en réagissant soit de façon trop agressive, soit trop sur la défensive, il s’est lui-même tendu un piège en provocant les réactions négatives à son égard.
Le premier principe d’une conférence de presse réussie est donc le suivant : si c’est à votre initiative que vous convoquez les journalistes, ne les soupçonnez pas par avance de venir à votre rencontre pour vous piéger. Vous devez envisager la relation avec eux comme un échange gagnant-gagnant. Pour cela, vous devez bien comprendre ce que chacun à y gagner. Voyons cela plus précisément :
Ce que vous avez à y gagner, cela peut sembler évident : davantage de visibilité. Vous convoquez les journalistes en espérant qu’ils relayeront ce que vous avez à dire dans leurs journaux et autres médias. Eux, qu’ont-ils à y gagner ? En réalité, plusieurs choses. La première, la plus évidente, est ce que nous avons dit plus haut : ils cherchent la matière brute du contenu informatif qu’ils doivent produire, c’est leur métier. Ils recherchent des informations, des annonces, des scoops, des révélations… Cela nous amène au deuxième principe d’une conférence de presse réussie : vous devez réellement avoir quelque chose d’important à déclarer aux journalistes que vous avez convoqués !
Il arrive trop souvent que les organisateurs d’une conférence de presse n’ont en réalité rien de vraiment important à annoncer. Ils imaginent que les journalistes parleront d’eux, de leur société ou de leur parti, de leurs produits, de leurs annonces ou de leurs projets… Pourquoi pas, mais uniquement si cela constitue en soi une info suffisamment stimulante pour leur lectorat ! Il faut donc nécessairement penser « spectacle », histoire à raconter, à storyteller, qu’ils jugeront pertinente de relayer. Sinon, inutile de les convoquer.
L’autre raison qui peut pousser les journalistes à se rendre à votre conférence de presse est la suivante : elle se déroule pendant une heure creuse où ils n’ont rien à faire (c’est rare, mais ça arrive), et, surtout, vous avez annoncé dans l’invitation qu’il y aurait un apéritif offert. Voilà le meilleur moyen de rameuter tous les pique-assiettes. Il y en a aussi parmi les journalistes, si si… Ce genre d’invitation peut détourner le but initial d’une conférence de presse. Qu’il y ait une collation semble un minimum, de l’eau ou un café selon l’heure de la journée. Mais inutile de sortir le grand jeu et de chercher à séduire les journalistes en les régalant, en les gavant ou en les faisant boire. Ce n’est surtout pas sur cette axe que vous devez miser la réussite de votre événement !
Récapitulons donc les 3 points fondamentaux préalables à toute initiative d’organiser une conférence de presse :
- Tout d’abord, vous devez avoir une information suffisamment importante ou intéressante à communiquer, et vous devez réfléchir à l’avance à la meilleure façon de la présenter pour fournir aux journalistes des éléments « prêts à l’emploi » en vue de la rédaction d’articles et de capsules radio. Pour cela, il est pertinent d’utiliser des techniques de storytelling.
- Deuxièmement, si cette info est pertinente, elle suffit à justifier votre conférence de presse, elle est sa raison d’être ! Peu importe, donc, les fioritures qui pourraient agrémenter la qualité d’accueil des journalistes invités : non pas qu’il faille négliger un minimum de confort et d’hospitalité, mais ces éléments doivent être envisagés comme totalement secondaires. Ils ne doivent pas être mis en avant comme motif d’invitation (ainsi, seuls les journalistes a priori vraiment intéressés se déplaceront, et non les pique-assiettes).
- Enfin, et c’est le plus important : si sous avez du contenu informationnel pertinent à communiquer, les journalistes ne pourront que vous en être reconnaissants, quelles que soient vos désaccords sur d’autres plans (opinions politiques, conceptions économiques, etc.). Ne les regardez donc pas comme des ennemis, comme des individus œuvrant sournoisement pour votre perte. Ils veulent d’abord travailler à leur succès, et ce succès dépend donc dès lors aussi de votre « médiatibilité », pour ainsi dire, sinon ils ne seraient pas là. La boucle est bouclée.
Le respect de ces 3 piliers vous permettra de mettre toutes les chances de votre côté dès les préparatifs de vos prochaines conférences de presse et autres prises de parole en public à fort enjeu.