Dans quelle mesure sommes-nous « rationnels » ? Maurice Allais est un économiste et physicien français, qui vécu de 1911 à 2010, et qui fut prix Nobel d’économie en 1988. La d’une conférence à New York en 1953, il fit l’une de ses plus célèbres interventions en introduisant le fameux paradoxe qui porte désormais son nom : le paradoxe d’Allais.
Lors de cette conférence de 1953, Maurice Allais proposa à plusieurs participants de choisir entre deux loteries successives, organisées de la manière suivante :
Première loterie :
- Option A : un gain assuré de 1000 $,
- Ou, option B : 10% de chances de gagner 2500 $, 89 % de chances de gagner 1000 $, et 1% de chance de ne rien gagner.
Seconde loterie :
- Option A : 11% de chances de gagner 1000 $ et 89% de chances de ne rien gagner du tout,
- Ou, option B : 10% de chances d’obtenir 2500 $ et 90% de ne rien gagner.
Quel serait votre choix d’option pour la première loterie, puis pour la seconde ? Prenez le temps de relire tranquillement les différentes options et notez-les sur un papier. La majorité des participants sollicités pour ce petit jeu choisirent A pour la première loterie, puis B pour la seconde. Depuis cette intervention d’Allais, l’expérience a été reproduite un grand nombre de fois, et à chaque fois ce sont les mêmes résultats.
Et maintenant, la grande question : en quoi s’agit-il d’un paradoxe ? Pour y répondre, faisons un rapide calcul à partir des probabilités de gains des différentes options. Si l’on part du principe que nous sommes tous « rationnels » et que nous cherchons donc à maximiser nos gains, ou plus exactement si nous cherchons à maximiser l’espérance d’utilité de gain, les choix d’options A puis B ne sont pas cohérents. En effet :
Espérances de gain de la Première loterie :
- Option A : 1000 !
- Option B : 2500 x 0,10 (correspond aux 10%) + 1000 x 0,89 + ) x 0,01 = 1140
L’option B est donc, d’un point de vue probabiliste, plus avantageuse ! Si nous étions vraiment rationnels (et cap[ables de faire un tel calcul de tête…) c’est l’option B que nous prendrions, plutôt que l’option A.
Espérance de gain de la Seconde loterie :
- Option A : 1000 x 0,11 + 0 x 0,89 = 110
- Option B : 2500 x 0,10 + 0 x 0,90 = 250
Là encore, c’est l’option B qui se révèle statistiquement plus avantageuse. Une personne parfaitement rationnelle, dans le sens ou elle cherche purement à maximiser en toute circonstance son espérance de gain, devrait choisir B dans les deux cas. Or, vous avez certainement choisi l’option A dans le premier cas, comme l’immense majorité des individus qui ont fait cette petite expérience !
Faut-il en conclure que nous ne sommes pas vraiment « rationnels » ? Ce que Maurice Allais a surtout cherché à montrer, c’est qu’il faut prendre en compte l’aversion au risque ou à la perte dans les choix que font les humains. Par son paradoxe, Allais mit en cause la notion d’utilité espérée forgée par le mathématicien John von Neumann, ce qui permit notamment de nouveaux et profonds développement en économie comportementale.