Les Français sont déçus. Tous les sondages sur le moral des Français révèlent qu’ils n’ont plus confiance en la politique, ni confiance en eux. A vrai dire, crise politique et malaise social sont intimement liés. Les Français n’arrivent plus à communiquer entre eux.
Crise de la politique, ou crise de la communication ?
On parle de la crise politique en France, et plus largement en Europe. On se demande pourquoi les citoyens se méfient du pouvoir, cherchent à défier l’autorité. On se demande pourquoi plus personne ne croie ni n’écoute les politiques. On oublie que les politiques ne savent plus parler, ne savent plus faire rêver. Quitte à jouer un jeu de dupes, les politiques ne savent même plus comment duper…
Nombreux sont ceux qui suivent certaines personnalités parce qu’elles ont du charisme, avant même de bien comprendre tout ce qu’elles racontent. Pourquoi la communication de nos dirigeants est-elle si déplorable ? Parce qu’elle est négligée. La mode de la communication a attiré des charlatans de tout horizon, des coachs et des gourous qui pensent d’abord à se vendre au maximum plutôt qu’à réellement aider leurs clients. D’ailleurs, ils parlent bien de « clients » et non de leurs « élèves », ce qui est suffisamment révélateur de leur état d’esprit.
On parle du malaise social en occident. De la consommation grandissante d’anti-dépresseurs. De consultations chez toutes sortes de psy, de coachs, de gourous… On oublie que les principales aptitudes sociales se développent dès la plus tendre enfance, dès la maternelle, dès l’école, puis au cours des études. Et que ce sont ces aptitudes à la communication qui pourraient faire que les gens deviennent des citoyens impliqués, qui pourraient s’engager dans un véritable échange démocratique avec leurs dirigeants. Ainsi, une meilleure formation à la communication dès la maternelle permettrait de résoudre en partie la crise actuelle du politique…
La crise de l’éducation, et la crise sociale
On parle du déclin de l’université en France. On se demande si plus d’argent pour l’éducation serait la solution. On oublie que les profs ne sont pas seulement mal formés, ou peu motivés, mais que les méthodes d’enseignement elles-mêmes rendent les cours ennuyants et peu stimulants pour les étudiants.
Le malaise social que nous vivons depuis plus de vingt ans provient autant de la difficulté des citoyens à tisser de nouveaux liens que de leurs représentants et leur incapacité à communiquer efficacement. Les citoyens ne savent plus se parler, les hommes politiques ne savent plus leur parler. Il faut reconstruire la parole politique, il
Réhabiliter la figure du leader charismatique, développer une nouvelle rhétorique pour former les leaders de demain.
Notre génération est malade du numérique, des portables, d’Internet. Nous sommes tous malades de ces nouveaux moyens technologiques qui prétendent nous faire mieux communiquer les uns les autres mais qui appauvrissent le dialogue, nous enferment chacun dans notre bulle et finissent par nous diviser.
Pour une éducation à la communication
On parle à tout va de communication. Mais pas de l’art oratoire ou de la rhétorique dans ce qu’il y a de fondamental. On parle de communication numérique, de media training, de réseaux sociaux… Mais il nous faut revenir à la communication dans ce qu’elle a de profondément humain.
L’art oratoire est un art difficile, très important pour former de futurs citoyens à l’aise dans la discussion et le débat, à l’aise entre eux… Pourtant, l’art oratoire est aussi l’art le moins étudié, et le moins bien enseigné.
Le problème à l’oral semble être un problème typiquement français. Dans la plupart des pays européens, en Espagne ou en Grèce par exemple, ou dans la tradition anglo-saxonne, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. Il y a assez peu de dissertations, beaucoup moins qu’en France en tout cas. Tandis que notre système éducatif français repose majoritairement sur l’écrit.
Il faut mettre en place des cours d’expression orale, des programmes d’art oratoire à l’école et à l’université, voilà le moyen de reconstruire la parole politique par une meilleure éducation, tout en donnant à chaque citoyen les moyens de s’engager en politique, en tant que militant et peut-être un jour de représentant.
Les idées dirigent le monde, mais qui dirige les idées ?
Une idée juste ou bonne ne convainc pas le monde par la simple preuve de son bien-fondé. On n’adhère pas à une idée parce que la vérité en est démontrée, mais parce qu’on adhère d’abord à la façon dont cette idée est présentée. Nombreux sont ceux qui peuvent suivre certaines personnes parce qu’elles ont du charisme, avant même de bien comprendre tout ce qu’elles racontent.
Ce sont les idées qui dirigent le monde. Mais les idées n’existent pas toutes seules : encore faut-il les exprimer, les incarner, les communiquer au plus grand nombre de personnes possible. Et pour cela, rien ne remplacera les individus en chair et en os qui en parlent avec passion, qui font vibrer les cœurs et occupent les esprits.
Le monde de demain se construira par la force de la parole politique, et c’est par l’éducation à la parole que se reconstruira une forte parole politique.