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Vidéo : Quand Eva Joly s’en prend à son trombone

Lors d’un débat sur la question du nucléaire (diffusé sur sur iTélé le mercredi 30 novembre 2012, voir l’extrait ci-dessous sur youtube), Eva Joly s’en est davantage pris au malheureux trombone qui traînait sur sa table qu’à son contradicteur Eric Besson :

Était-ce le signe d’une grande nervosité ?

Les manifestations physiques incontrôlées révèlent généralement une forme de trac, de stress ou de tension, notamment :
– Se frotter les mains ;
– Se gratter le visage ou le bras ;
– Se coiffer, se recoiffer ;
– Épousseter le bureau ou le pupitre d’une main ;
– Réajuster ses lunettes, sa cravate, son bracelet de montre ;
– Triturer son alliance, un pendentif, un trombone ou un crayon…

Pour prévenir ces impénitentes et tentantes triturations, évitez le plus possible de vous servir de petits objets lors de vos démonstrations.

Préférez un bureau ou un plan de travail bien dégagé, et pensez à reposer ou ranger dans une trousse les craies, feutres ou stylos immédiatement après les avoir utilisés, par exemple après avoir noté ou dessiné quelque chose au tableau.

Sinon, vous risquerez de continuer à les manipuler dans tous les sens sans en avoir conscience tandis que le public, lui, se focalisera dessus – et ne retiendra peut-être que ça de votre intervention…

…Un peu comme l’histoire du « mec qui avait le ticket », je vous raconte :

J’ai le souvenir d’un conférencier, lors d’un séminaire dans une grande université parisienne, qui devait tout juste venir d’arriver de la station de métro la plus proche : il avait encore son ticket à la main ! Et sans s’en rendre compte, pendant tout son temps de parole, celui-ci l’a malaxé, plié, déplié, puis a fini par en faire des confettis, qu’il a certainement laissés sur le pupitre. Aucun étudiant ne se souvient de son nom ; mais tous en parlent encore comme du « mec qui avait le ticket » !

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Tant qu’il y aura des morts…

Une publicité qui marque les esprits. Le spot télé pour la sécurité routière de 2012 mêle au drame des images une subtile et troublante poésie. Le texte en voix off se construit sur plusieurs figures de style et formules rhétoriques, notamment basées sur la répétition : saurez-vous les identifier ? (toutes les réponses ci-dessous)

Tant qu’il y aura trop d’alcool dans le sang d’un conducteur, il y aura du sang sur les routes…
Tant qu’un conducteur ratera un virage parce qu’il n’a pas voulu rater un appel, on appellera une ambulance…
Tant qu’un véhicule de trois tonnes ignorera un scooter de cent kilos, il y aura des tonnes de dégâts…
Tant qu’on tournera sans faire attention à l’angle mort, il y aura des morts dans l’angle mort…
Tant que la vitesse inscrite sur les compteurs dépassera celle inscrite sur les panneaux, les accidents ne ralentiront pas…
Tant qu’on continuera à penser que ce sont les autres qui conduisent mal sans penser que les autres, c’est nous tous…
Tant qu’on ne comprendra pas que le code de la route n’est pas là pour nous faire perdre des points de permis mais pour nous faire gagner des années de vie…
Tant qu’il y aura des morts…
Il nous faudra agir pour une route plus sûre.

Voici quelques unes des figures utilisées :

  • Anaphore : répétition au début de plusieurs membres de phrase ou de plusieurs vers, d’un mot ou d’un groupe de mots (« Tant qu‘il y aura… », « tant que… », « tant qu‘on… »)
  • Antanaclase : répétition, dans une même phrase, d’un mot employé chaque fois avec une acception différente (« alcool dans le sang » / « sang sur les routes » ; « rater un virage » / « rater un appel »…)
  • Antinomie : ensemble de deux propositions contradictoires (« perdre des points de permis » / « gagner des années de vie »…)
  • Polyptote : répétition de plusieurs termes de même racine, ou encore d’un même verbe sous différentes formes (« rater un appel«  / « ratera un virage » / « appelera une ambulance »…)

Autres figures de style proches ou apparentées (que vous ne trouverez pas dans le texte de la pub, mais qui sont évoqués ici pour leur proximité avec les premières, afin de nourrir la réflexion et donner quelques idées de procédés similaires…)

  • Accumulation : énumération d’éléments appartenant à une même catégorie et qui crée un effet de profusion.
  • Conglobation : répétition rhétorique d’arguments semblables qui vise à prouver une argumentation ou à justifier une idée qui n’est exposée qu’à la fin du discours (proche de l’accumulation).
  • Epanaphore : répétition d’une même formule au début de phrases ou de segments de phrase successifs, dans la même structure syntaxique.
  • Prosonomasie : répétition dans une phrase ou une formule de deux groupes de mots à la sonorité similaire.

…Repérez-vous d’autres figures de style, de mots et d’idées ?

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La « bombe » du Premier ministre israélien, ou l’art de parler aux yeux avec un simple dessin

Jeudi 27 septembre 2012 le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahouprononçait un discours à l’ONU, appelant à stopper le programme nucléaire iranien :

Plus exactement, il demandait qu’une « ligne rouge » soit fixée, afin d’em- pêcher l’Iran de la dépasser.

Selon Netanyahou, « L’Iran est actuellement à 70% de son programme, la première phase est terminée et la seconde est déjà entamée. Au rythme actuel, l’Iran entrera à l’été prochain dans la phase finale ». Et si le programme nucléaire iranien dépasse les 90% de son achèvement, toujours selon Netanyahou, il ne sera plus possible d’y mettre un terme : « La question n’est pas de savoir quand l’Iran sera capable de construire une bombe, mais quand nous ne serons plus capables de l’arrêter. »

Il répète à plusieurs reprises l’expression « ligne rouge, claire » : « Il n’y a qu’une seule manière d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique, et c’est en fixant une ligne rouge, claire… Face à une ligne rouge claire, l’Iran cédera… Les lignes rouges ne conduisent pas à la guerre, les lignes rouges empêchent les guerres… Des lignes rouges auraient pu empêcher la première guerre du Golfe. Des lignes rouges auraient pu empêcher la Seconde Guerre mondiale… »

Mais il ne se contente pas de marteler ces mots. Pour se faire véritablement entendre et attirer tous les regards, il va « parler aux yeux »…

Parler aux yeux, cela consiste à quitter le registre purement verbal du discours, et introduire une véritable image, un schéma, un dessin, ou tout autre élément visuel permettant d’illustrer son propos.

Lors d’une prise de parole en public, un schéma permet de rendre visible et donc concret quelque chose d’abstrait. En cela, il rend le propos du discours plus facile à mémoriser : on retient plus facilement les images, que les mots qui y sont associés.

Ainsi, en sortant un large panneau sur lequel était dessinée une bombe avec une mèche allumée, Netanyahou était sûr de créer l’évènement et de faire parler.

La bombe est sur le point d’exploser, ce qui vise à alerter, à symboliser un danger imminent, à montrer l’urgence. La bombe représente également les différentes étapes de progression du programme nucléaire iranien, la première à 70%, la seconde à 90%. Quant à la ligne rouge, c’est le Premier ministre d’Israël lui-même qui la trace, dégainant un gros feutre et insistant sur cette limite fatidique avant le stade final, irréversible, appuyant le trait et repassant dessus plusieurs fois.

En dessinant la « ligne rouge », il la rend ainsi lui-même visible et claire, claire car visible. Il rend concrètes sa volonté et la possibilité d’agir.

L’effet de sa prestation tient donc a un impact visuel extrêmement fort.

Un dessin vaut mieux qu’un long discours. Son dessin, très simple, et même simpliste pour ne pas dire ridicule, se substitue aux habituels discours complexes et techniques sur le nucléaire. Et tandis que, selon l’adage, certaines paroles « s’envolent », son image au gros marqueur, elle, demeure indélébile

Certes, c’est moins le contenu du schéma que la représentation même de la bombe qui a vraiment fait parler pour l’instant. Son côté « cartoon » a eu deux effets : c’était pour Netanyahou le risque d’être décrédibilisé, par les détour- nements* dont il a alors fait l’objet (des montages photos le montre en personnages de BD ou de dessins animés, en mario bros, etc.), mais c’est aussi ce qui, du coup, a créé un véritable buzz sur internet, lui offrant une large publicité.

L’image de Netanyahou a fait le tour de la planète, et donc, en même temps, son message. Au final, sa stratégie s’avère payante.

* Exemples de détournements qui ont circulé sur le web (cliquez pour agrandir) :

Netanyahou bombe cartoon

Netanyahou bombe cartoon

Netanyahou bombe cartoon

Netanyahou bombe cartoon

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Jacques Cheminade victime d’attaques ad hominem

Les mercredi 11 et jeudi 12 avril 2012 au soir, France 2 a proposé deux émissions « Des Paroles et Des Actes (DPDA) – spécial ».

« Spécial » car en effet le format est plutôt inédit pour une émission politique :

Les dix candidats à la présidentielle ont participé à l’une ou l’autre des émissions, chacune d’entre elles comprenant cinq grands oraux d’environ un quart d’heure (16mn 34s exactement). A noter que Hollande et Sarkozy n’étaient pas invités le même jour…

Habituellement, les émissions politiques qui rassemblent plusieurs candidats sur un même plateau consistent en des débats, où se confrontent donc les représentants de partis opposés. Ici la formule est différente. Comme le souligne Thierry Thuillier, directeur de l’information de France Télévisions : « Il s’agit bien d’une émission qui va voir les candidats sur un même plateau, mais pas au même moment, donc sans débat ».

Sans débat… Sans débat, vraiment ? En réalité, si les candidats ne sont pas amenés à débattre entre eux, ils font face à un « jury » de deux à quatre journalistes qui les interrogent sans relâche… et qui se révèlent parfois bien plus agressifs et virulents que leurs opposants déclarés !

Plusieurs de ces « interviews-débats » ont carrément tourné à la confrontation. Certaines semblaient même construites autour d’une grosse, d’une énorme, d’une monstrueuse attaque ad hominem.

Petite parenthèse explicative. L’attaque ad hominem correspond au « stratagème n° 16 » dans L’art d’avoir toujours raison de Schopenhauer. Voici ce qu’en dit le philosophe allemand :

« Quand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’ils soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. »

Exemple : Jean-Luc Mélenchon, qui aime faire référence à Georges Marchais, est sommé de s’expliquer sur les propos jugés xénophobes de ce dernier (14:18 de cette vidéo, dans la même émission DPDA)… Est-ce vraiment loyal de la part des journalistes, et surtout pertinent d’attaquer Mélenchon en visant une contradiction (ou un accord sournois) entre ses propos et ceux tenus par un tout autre homme que lui plus de trente ans auparavant ?

Mais l’exemple le plus frappant de ce genre d’attaque au cours des deux émissions DPDA a lieu lors du passage de Jacques Cheminade. Visionnez la vidéo ci-dessus et soyez particulièrement attentif à partir de la quinzième minute :

Évoquant les sources d’inspiration du candidat, le journaliste Fabien Namias se met à brosser un inquiétant portrait de Lyndon LaRouche en complotiste fou furieux, repris de justice et ancien membre du Ku Klux Klan, rien que ça. Comment peut-on faire référence à un tel malade, et même revendiquer une forme d’affiliation ?

Cheminade recentre alors le débat, en limitant l’héritage qu’il doit à LaRouche, concernant notamment son analyse du système économique (15:54). Mais ces propos là n’intéressent pas les journalistes, qui préfèrent parler des théories du complot entourant le 11 septembre. Est alors cité Thierry Meyssan, connu pour ses théories fumeuses, et présenté en tant qu’ami de Cheminade (17:26). Puis, sans transition aucune : projection d’un montage photo confectionné par LaRouche représentant Barack Obama avec la petite moustache de Hitler (18:55) ! Et bam !

Comme le fait remarquer Cheminade, les journalistes ont vraiment « mis le paquet »

Pourtant, sa défense ne pouvait être plus claire, et ce dès le début. Cheminade reprend la formule de Laurent Fabius à propos de François Mitterrand : « Lui c’est lui, et moi c’est moi » (15:45).

En effet, peu importe les liens d’affiliation, les références ou l’admiration portée à un mentor. Une idée vraie n’en demeure pas moins vraie même si vous la défendez pour de mauvaises raisons, et encore moins si vous avez simplement de mauvaises fréquentations ! Pour le dire autrement (sous forme de théorème) : la valeur d’une idée ne dépend pas des contradictions propres aux personnes qui la défendent, et une idée défendue par l’une d’elles ne dépend pas des autres. LaRouche peut donc bien faire ou penser ce qu’il veut, cela n’altère en rien les idées de Cheminade, qui devraient être examinées indépendamment.

Les attaques ad hominem sont injustes et déloyales. Elles sont surtout inutiles car elles n’apportent rien de fondamental au débat. Elles sont même dangereuses car elles disqualifient certaines idées pour de mauvaises raisons. Que de telles attaques soient utilisées entre adversaires politiques, après tout, c’est le jeu ! Mais que les journalistes en fassent eux-mêmes le cœur de leur interview, c’est… nul.

Cette série d’émissions DPDA était vraiment… nulle.

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Mélenchon fait de l’anti-jeu sur France 2 !

Hier soir sur France 2 (jeudi 12 avril 2012), Jean-Luc Mélenchon répondait aux questions de plusieurs journalistes et chroniqueurs dans le cadre de l’émission Des Paroles et des Actes (DPDA).

Mélenchon est considéré par nombre d’analystes politiques comme le meilleur orateur de la campagne présidentielle. Il révèle ici une grande maîtrise tactique du débat, notamment en ce qui concerne sa gestion du temps :

En période électorale, le temps de parole de chaque candidat est limité et strictement contrôlé par le CSA. Mais si cela veut donc dire qu’un candidat ne peut s’exprimer à la télé aussi longtemps qu’il le voudrait, cela implique aussi, à l’inverse, que le journaliste ne peut lui non plus questionner le candidat comme il le voudrait, n’ayant le temps d’approfondir tel ou tel sujet lors d’une interview.

Ce double effet de la règle du temps de parole permet ainsi aux candidats les plus rusés de l’utiliser à leur avantage – en repoussant par exemple certaines questions !

Lors de leur passage dans l’émission DPDA, les candidats ont en effet sous les yeux un chronomètre qui décompte à la seconde près leur temps de parole (16mn 34s !). Pour la plupart, c’est une véritable course contre la montre qui s’engage afin de dire le plus de choses possible avant la fin du compte à rebours. Pour Mélenchon, c’est l’art de jouer avec les limites lorsqu’il pressant une question embarrassante…

Allez directement à la fin de la vidéo, c’est là que tout se joue. Alors que Pujadas rappelle qu’il reste seulement « 1 minute 45 » (vers la vingt-deuxième minute de la vidéo, 22:19), il annonce en suivant une, puis trois nouvelles questions. Oui, il invite Mélenchon à répondre à 3 questions en moins de 2 minutes ! Autant dire mission impossible quand on voit la tendance des hommes politiques à palabrer.

S’ensuit un échange plus ou moins intéressant sur la notion de richesse. Mélenchon est très à l’aise. Il prend même à parti Pujadas en l’interrogeant sur son salaire. Celui-ci, manifestement troublé – et peut-être un peu géné -, tente de faire diversion et de passer au sujet suivant en agitant subitement son épée de Damoclès temporelle : « 30 secondes ! » (24:30). Mélenchon réagit aussitôt par une nouvelle apostrophe : « Vous ne trouvez pas que c’est déjà beaucoup, 30 000 euros par mois ?! » Pujadas rappelle alors que « d’ordinaire, c’est [lui] qui pose les questions ». Sans effet. Peu importe que le chrono ne cesse de tourner, Mélenchon continue sur sa lancée ! Tant et si bien que lorsque Fabien Namias intervient, il ne reste que… 10 secondes.

Situation face à laquelle Mélenchon déclare, avant même que la question ne soit posée : « Je refuse de répondre en 10 secondes ». Il a toutefois pu entendre qu’il s’agissait d’une question de géopolitique portant sur Cuba, sujet sensible s’il en est…

Mélenchon a donc très bien utilisé son temps de parole en étirant autant que possible l’un des derniers sujets sur lequel il était interrogé, et sur lequel il était très à l’aise, tout en repoussant par là même d’éventuelles questions supplémentaires sur des sujets peut-être plus délicats. Autant rester accroché à ce que l’on connaît, plutôt que risquer de tomber sur ce que l’on ne connaît pas. En sport, cette tactique a un nom : anti-jeu. On parle d’anti-jeu lorsqu’une équipe, menant au score, ou un joueur tente de gagner du temps en ralentissant le jeu ou en faisant durer au maximum les séquences d’arrêt de jeu (voir la définition dans ce lexique du football).

Si Mélenchon avait pu prolonger son petit jeu avec Pujadas, cela lui aurait évité d’avoir à déclarer (même à juste titre) qu’il ne peut répondre à cette deuxième et dernière question, donnant alors l’impression qu’il est en train de se défiler… Toutefois, la troisième question que Pujadas avait annoncée, elle, est complètement zappée (et en même temps les difficultés qu’elle aurait pu présenter, on ne saura jamais).

…Mais, tour de force ultime de ce rhéteur de talent : il utilise tout de même ses 7 dernières secondes au chrono et conclut en menaçant les Etats-Unis d’Amérique, se plaçant ainsi face à plus puissant que lui dans une posture de défi héroïque !

Jean-Luc, chapeau bas.

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