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4 techniques de Radio Training : parler au micro, poser sa voix, trouver ses mots, répondre à un journaliste ou à des contradicteurs

La radio est un média particulier. A l’ère du tout visuel, où l’apparence physique tend le plus souvent à compter davantage que ce que l’on dit, la radio permet de se recentrer sur la voix, sur la parole, sur le langage.

C’est un média qui peut difficilement miser sur le spectaculaire. Contre le choc des images, on en revient au poids des mots. A la différence de la télévision, qui peut se contenter de divertir et surprendre, La radio doit intéresser son public.

Pour toutes ces raisons, préparer une intervention radio est à la fois délicat et stimulant. Voici 4 conseils si vous êtes amenés à intervenir sur les ondes :

1 – Posture et placement

La position et la posture du corps sont déterminantes lorsqu’on parle dans un micro, surtout s’il s’agit d’un micro fixe comme dans la plupart des studios d’enregistrement radio.

Pour avoir une voix forte et claire, se tenir bien droit afin de ne pas « casser » sa colonne d’air. Les pieds à plat sur le sol, légèrement écartés, les mains posées sur la table ou sur les cuisses, le buste et le port de tête à la verticale. Trouvez une position confortable sans vous affaler dans le siège (en arrière) ni vous étaler sur la table (en avant).

Se mettre bien en face du micro, et le maintenir à une distance raisonnable de la bouche, ni trop loin ni trop près. Si on se met à trop bouger, à se rapprocher puis s’éloigner brusquement ou encore tourner la tête alors qu’on est en train de parler, cela risque de créer des variations de volume importantes et des modulations non maîtrisées : désagréables à l’écoute, elles parasiteront votre message. Il est parfois préférable de parler exclusivement en direction du micro plutôt que vers les personnes auxquelles on est sensé s’adresser (journaliste, autres invités…).

Attention, même s’il s’agit d’une émission de radio, les petites caméras se multiplient et se glissent désormais partout. Vous devez donc aussi penser à votre image et au langage de votre corps. Par ailleurs, faites-vous à l’idée que l’on vous écoute et que l’on vous observe en permanence : ne vous relâchez pas, et soyez prudent avec les OFF !

2 – Ne pas se précipiter

En situation de stress, nous avons tendance à nous exciter, à nous précipiter, à parler plus vite que d’habitude. Il est d’autant plus important de poser sa voix à la radio. Pour cela, ne cherchez pas à en dire le plus possible le plus rapidement possible. N’essayez pas d’être exhaustif : concentrez-vous sur quelques messages clefs et prenez votre temps. Comme toujours, c’est la règle du KISS : il faut mieux dire moins mais dire mieux. Le but n’est pas de tout dire mais de donner envie d’en savoir plus. Les auditeurs intéressés pourront toujours aller sur un site internet que vous recommandez.

Voici une technique pour ceux qui ont tendance à bafouiller, à dire « heu » un peu tout le temps ou à trouver les « blancs » gênants : utilisez le silence comme une parole. Évitez de répondre du tac-au-tac mais donnez-vous toujours une petite seconde avant de réagir. De même, ponctuez vos interventions de quelques brefs silences. Ainsi, lorsque vous hésiterez vraiment, personne ne s’en rendra compte et tout le monde pensera que c’est votre « style » normal (tandis que si vous parlez très vite dès le début sans jamais vous arrêter, chaque arrêt qui se produira par la suite sera interprété comme la marque d’une hésitation ou d’un trou de mémoire…).

Ralentissez le débit mais ne négligez pas les modulations : pour mettre en valeur certains passages, mots ou formules, parlez tantôt avec une voix un peu plus grave, tantôt un peu plus aiguë ! Une voix monotone est l’une des pires choses à la radio… sauf peut-être pour s’endormir le soir…

Utile à faire pour s’échauffer : quelques exercices d’articulation. A l’écart, répétez une série de formules du type : « J’exige d’exquises excuses », « Un chasseur sachant chasser sans son chien », « Un banc peint blanc plein de pain blanc… », etc. Vous gagnerez en clarté dans la diction, et cela vous permettra d’éviter que votre langue ne fourche trop facilement.

3 – Être clair sur ses objectifs et la raison de sa présence

Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi est-ce vous qu’on a invité pour intervenir sur ce sujet ? En quoi êtes-vous légitime ? Quel message voulez-vous faire passer ?

Posez-vous les bonnes questions pour préparer au mieux votre intervention. Essayez avant tout de comprendre le rôle que l’on veut vous faire jouer : celui de l’expert, de la victime, du témoin, de l’institution… ? Refusez le mauvais rôle, et réagissez immédiatement si le journaliste essaye de vous faire dire ce que vous n’avez pas dit.

Cependant, ne vous trompez pas de cible : le journaliste n’est pas votre ennemi. Il ne cherche pas forcément à vous piéger. Ne vous mettez pas vous-même dans le rôle du persécuté, de la victime ou de l’incompris ! Ce n’est pas le journaliste que vous devez convaincre, ce n’est pas (seulement) à lui que vous devez transmettre votre message mais à tous les auditeurs que vous touchez à travers lui : évitez donc de vous braquer si l’interview ne se passe pas comme vous voulez, restez courtois, affable, et conservez ainsi la sympathie du public.

4 – S’exprimer avec aisance

La base d’une bonne intervention reste toujours la maîtrise du sujet abordé. Ne vous engagez pas sur ce que vous ne connaissez pas, n’essayez jamais de faire illusion. Dans le pire des cas, reconnaissez vos lacunes et préférez dire que vous ne savez pas, plutôt que de vous retrouver vous-même piégé…

Maîtriser un sujet ne veut pas dire être trop technique. Efforcez-vous au contraire de vulgariser au maximum : utilisez des comparaisons, des métaphores, des images et des exemples concrets. Faites appel à l’émotionnel, développez votre storytelling. Rappelez-vous que vous ne vous adressez pas forcément à un panel d’experts et de spécialistes, mais à un auditoire très large !

Préparer une intervention ne doit pas consister à la rédiger intégralement, à la virgule près ! Au contraire, évitez le plus possible de vous plonger dans vos notes. A moins qu’il ne s’agisse d’un communiqué ou d’une déclaration, ne lisez pas au micro. Il est préférable d’avoir une expression peut-être un peu hésitante mais naturelle et spontanée plutôt que d’entendre quelqu’un lire ou réciter par coeur son texte.

N’oubliez pas de vous présenter au début de votre intervention (si vous estimez que le journaliste ne l’a pas fait convenablement, ou de façon pas assez « objective »), de saluer les auditeurs, ainsi que remercier en début et fin d’émission. Terminez si possible par un appel à l’action : « rendez-vous sur tel site internet », « réunion/manifestation tel jour à telle heure », etc.

Bien sûr, ces conseils s’appliquent aussi bien pour tout type d’interview, d’entretien et de discussion. Mais ils sont d’autant plus décisif dans le cadre d’un passage radio. Les conseils sur la posture et la voix vous serviront aussi dans la réalisation d’un podcast, et plus généralement chaque fois qu’il vous faudra utiliser du matériel microphonique.

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Marquez les esprits grâce à la technique de la photo mentale

Je l’ai déjà dit plusieurs fois sur ce site, et je le répète à chaque fois que j’anime un séminaire de formation en communication :

Quel que soit le sujet dont vous devez parler, appuyez-vous sur du concret !

C’est un principe fondamental de la rhétorique et la base même du storytelling : si vous voulez captiver votre public, capter l’attention d’un interlocuteur, vous devez utiliser un langage imagé. Notre cerveau ne stocke pas les mots, mais les images qui y sont associées. Évitez donc les idées trop abstraites, et parlez plutôt de choses réelles, physiques, matérielles, « palpables »…

Je vais vous révéler une technique très efficace pour transformer vos idées abstraites en choses concrètes. Mais tout d’abord, pour bien montrer l’impact d’un langage imagé, voici un petit exercice que je fait souvent faire en formation. J’invite trois volontaires à me rejoindre sur scène, et je leur donne à chacun une consigne particulière :

  • Je demande au premier de nous parler d’un article qu’il a lu dans une revue ;
  • Au deuxième, de nous parler de son livre préféré ;
  • Au troisième, de parler d’une publicité récemment vue à la télé.

Chacun a 1 à 2 minutes pour s’exprimer, selon son inspiration. Puis les autres participants sont invités à voter pour l’intervention qui les a le plus marqués… Vous avez une petite idée du résultat ?

C’est quasiment la même chose à chaque fois. Celui qui parle de l’article se place d’emblée à un certain niveau d’abstraction et perd donc assez vite l’attention du public. En effet, les articles d’un grand nombre de revues traitent généralement d’idées abstraites, philosophiques ou politiques (essayez de transmettre un concept de « justice » sans donner aucun exemple, vous comprendrez mieux la difficulté).

Les livres qui nous plaisent, par contre, sont souvent des romans faisant appel à notre imagination (science fiction, polard, aventure…). Mais les grandes descriptions littéraires sont difficiles à retranscrire à l’oral de façon spontanée. Celui qui parle de son livre de chevet capte donc mieux l’attention du public, mais pas autant qu’il le pourrait…

Quant à la pub tv, c’est toujours elle qui a le plus de succès ! Car celui qui en parle peut décrire des images qu’il connait bien : il les a réellement vues, et se contente de dérouler le film dans sa tête. Il utilise alors des mots qui permettent au public de visualiser son message.

Voici donc un secret pour faire des interventions plus percutantes, capter l’attention et marquer les esprits :

Remplacez l’abstrait par le concret. Associez à chaque concept ou idée une image qui parle d’elle-même. Même les concepts les plus abstraits peuvent être matérialisés ou incarnés. C’est pourquoi les hommes ont créé les symboles, les emblèmes…

On retient plus facilement les images, que les mots qui y sont associés…

Et voici justement ma technique pour transformer facilement chaque abstraction en chose concrète : la technique de la photo mentale.

Choisissez un mot, quel qu’il soit, et essayez de le « prendre en photo ». Si le mot est « table », visualisez mentalement une table et appliquez-vous à la décrire dans les moindres détails. S’agit-il d’une table en bois, en plastique, en métal ? Qu’y a-t-il dessus ? De quelle couleur est la nappe ? Jouez avec cette image mentale comme avec un appareil photo : faites un zoom, dézoomez, mettez le flash ou passez en mode paysage, etc.

A vrai dire, à l’évocation de certains mots, tout le monde fait une photo en visualisant aussitôt. Si je vous dis « diamant », vous pouvez clairement voir apparaître dans votre esprit l’image d’un bijou, d’une pierre précieuse… Mais que se passe-t-il pour d’autres mots plus abstraits (tels que le mot « justice » évoqué plus haut) ?

Comment prendre en photo des mots tels que « bonheur », « richesse », « douleur », « vie », « éternité » ? La technique consiste précisément à les remplacer par des choses que vous pouvez photographier : objets, personnes, animaux, lieux ou monuments… Et n’ayez pas peur des clichés ! Exemples : un coffre rempli de pièces d’or pour la richesse, des visages d’enfants heureux pour le bonheur, la main fripée d’un bébé pour la vie

Si vous devez intervenir sur un sujet, notez sur une feuille tous les mots qui vous viennent à l’esprit (en rapport avec le sujet) puis faites une « photo mentale » pour chacun. Lorsque vous aborderez le sujet, visualisez ces photos et décrivez-les :
« Imaginez un nouveau-né dans son landau, si fragile et pourtant si confiant, apaisé, et souriant… »
« Imaginez une pile de dix lingots d’or de plusieurs kilos chacun, brillant de mille feux comme tout autant de petits soleils… »

Détaillez la description, faites des comparaisons. Cela donnera immédiatement plus de sens à vos paroles, plus de corps, vous capterez mieux l’attention de vos interlocuteurs et ils retiendront plus facilement ce que vous avez voulu leur dire.

Si vous devez défendre une idée, promouvoir un projet ou vendre un produit, allez plus loin et imaginez carrément un clip publicitaire en entier. Non seulement vous aurez les images, mais en plus vous les assemblerez de manière à construire un petit scénario – et cela captivera d’autant plus votre public qu’il voudra savoir la fin de l’histoire (un autre principe du storytelling).

En pratiquant régulièrement cette technique de la photo mentale, vous développerez votre imagination, vous améliorerez votre communication et augmenterez votre pouvoir de persuasion. Vous rendrez vos interventions plus vivantes et on se souviendra longtemps de vous !

Et maintenant, un petit exercice : quelles sont vos photos mentales pour représenter… L’éternité ? L’espoir ? La force ? La beauté ?

C.C. Crédits photo : Parker Knight

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O-BA-MA ou la magie du rythme ternaire

Le chiffre 3 est un chiffre magique… Toutes les formules marquantes respectent la règle de trois. Pensez aux slogans, aux devises : « Liberté Egalité Fraternité » ! « Du pain, du vin, du boursin » ! « Veni, Vidi, Vici » (paroles célèbres de César : je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu) !

Pensez également aux noms de marques célèbres : Oréo, Nutella, Activia… Dans l’alimentaire ou dans d’autres domaines, les marques les plus connues ont trois syllabes à chaque fois. Regardez les logos : la plupart ont trois couleurs, ou sont composés à partir de trois éléments graphiques.

Le rythme ternaire résonne en nous d’une façon toute particulière. L’adjectif « ternaire » signifie simplement que ce dont on parle est composé de trois éléments, de trois unités. En musique, une mesure ou un rythme ternaire désigne un rythme à trois temps et correspond plus globalement à tous les rythmes basés sur des multiples de 3 (3, 6, 9). Le rythme ternaire est très souvent pour ne pas dire quasiment tout le temps utilisé dans le Blues ou dans le Jazz…

La plupart des chansons et comptines de notre enfance étaient basées sur ce rythme : « 1, 2, 3, nous irons au bois, 4, 5, 6, cueillir des cerises… » Le rythme ternaire a donc une dimension mélodique. Un nom ou un slogan basé sur la règle de trois à quelque chose de « chantant ». En cela il est bien mieux retenu, et pénètre profondément dans l’esprit du public.

C’est aussi un repère structurant. Vous vous souvenez de nos leçons de géométrie quand nous étions petits ? Il faut au moins trois points pour déterminer un plan fixe. Imaginez une table : elle tient généralement sur quatre pieds. Vous pouvez en enlever un, elle tiendra encore très bien. Mais s’il n’en reste plus que deux, elle tombera d’un côté ou de l’autre. Et un seul, elle est totalement instable.

Dans un discours, c’est la même chose. Il faut au moins trois arguments ou « idées-force » pour convaincre efficacement. Un ou deux, c’est trop peu. Plus de cinq, et c’est trop – c’est même contre-productif, car en bombardant le public d’informations, celui-ci risque de saturer et, au final, ne rien retenir du tout…

Tous les grands orateurs maîtrisent la règle de trois. L’immense majorité des présentations de Steve Jobs, par exemple, sont structurées en trois temps. Obama applique cette règle à la perfection dans nombre de ses discours, en annonçant successivement trois propositions avant de les développer. Son fameux slogan lors de sa campagne de 2008 était construit sur ce principe : « YES-WE-CAN » ! Son nom même se divise en trois syllabes claires et distinctes, comme une marque à succès, O-BA-MA !

Pour vos exposés, préférez un plan en trois parties. Si vous voulez faire des listes, faites des listes de trois points. Pour raconter une histoire, organisez-la en trois moments clefs : situation initiale – intrigue – dénouement !

L’auteur londonien David Crystal, spécialiste du langage, explique bien le principe et l’usage de cette fameuse « règle de trois » dans cet extrait du documentaire Le Pouvoir des mots, (diffusé le 29 mars 2012 sur TV5) que je vous invite à visionner ci-dessous :

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Technique de déstabilisation : la triple négation

La triple négation est une technique que Benjamin Lancar maîtrise si bien qu’il faudrait dire de ceux qui l’ont subi qu’ils se sont fait « lancariser »…

Je vais vous expliquer cette technique en détail. C’est à l’occasion d’une grande conférence-débat organisée il y a bientôt deux ans par l’association GEM En Débat que j’ai pu en voir la meilleure application :

Le 21 avril 2010, GEM En Débat recevait les représentants des mouvements jeunes des principaux partis politiques, à savoir Laurianne Deniaud (Présidente du Mouvement des Jeunes Socialistes, PS), Franck Faveur (Président des Jeunes Démocrates, MoDem), et Benjamin Lancar (Président des Jeunes Populaires, UMP).

Le débat s’est vite polarisé entre la militante de gauche et celui de droite – le centriste se retrouvant de fait pris en étau, peinant à affirmer une « troisième voix ». Laurianne Deniaud semblait en bonne position, laissant peu parler son adversaire direct Banjamin Lancar, quand celui-ci lui balança en pleine face, accrochez-vous :

« C’est pas parce qu’on est jeune qu’on n’a pas le droit de pas dire n’importe quoi ! »

Ouch ! Voilà le genre de phrase qu’on a besoin de relire une ou deux fois pour être sûr de bien comprendre. Qu’a-t-il voulu dire exactement ? En mathématique, multiplier deux nombres négatifs = un nombre positif. En français, la double négation présente autrement plus d’ambiguïté… Mais là, il s’agit carrément d’une triple négation !

Traduction possible par l’affirmative : « bien qu’étant jeunes, nous pouvons nous efforcer de formuler des idées sensées ». C’est déjà plus clair. Et ça n’a bien évidemment pas le même impact…

Car le but recherché, en lâchant une formule aussi tarabiscotée, est bien de déstabiliser son adversaire. Troublé, celui-ci essaiera de décoder ce qui vient d’être dit, d’en trouver le sens : autant de millisecondes d’hésitation qui suffisent pour le casser dans son élan et reprendre la main. Benjamin Lancar a su profiter de ce léger temps d’arrêt provoqué chez sa rivale pour aussitôt embrayer sur ses idées et ses projets. Et au final, de l’avis de l’immense majorité du public, c’est lui qui sortit vainqueur du débat.

Un débat public entre deux personnalités politiques n’est pas un débat comme les autres. Il ne s’agit pas de convaincre son interlocuteur, ni même de négocier avec lui un quelconque accord, mais de lui tenir tête. C’est un jeu de postures où chacun s’efforce de maintenir sa position coûte que coûte, et tente d’affaiblir celle de l’autre par tous les moyens (sans en venir aux mains).

Chaque débatteur a donc intérêt à occuper le plus grand temps de parole possible, et cela tant pour avancer ses propres arguments que pour empêcher l’adversaire de développer complètement les siens. D’où l’importance des techniques de déstabilisation, pour interrompre l’autre et reprendre la parole

Il est toujours difficile et délicat de couper la parole d’un interlocuteur quand celui-ci est vraiment lancé. Si son rythme est fluide et son débit rapide, cela sera mal perçu et pourra se retourner contre le malotru. C’est pourquoi il est préférable, pour couper la parole, de guetter le moindre silence, la moindre hésitation, comme une faille dans laquelle s’engouffrer. Mais ce n’est pas assez. Car il ne s’agit pas seulement d’obliger l’autre à s’arrêter… Encore faut-il briser le fil de ses idées.

Quand vous coupez votre adversaire, évitez donc de vous lancer immédiatement dans une grande tirade en réaction directe à ce qu’il vient de dire. Préférez une première formule troublante et percutante qui obligera vraiment votre adversaire à désarmer, en le plongeant dans un abîme de réflexion. La triple négation de Lancar ou « lancarisation » ;-) peut bien sûr être déclinée à l’infini :

« C’est pas parce qu’on est démocrate qu’on a pas le droit de pas dire n’importe quoi ! »

« C’est pas parce qu’on est en France qu’on a pas le droit de pas dire n’importe quoi ! »

Vous pouvez même tenter une quadruple négation :

« C’est pas parce qu’on n’est pas de droite / de gauche qu’on n’a pas le droit de pas dire n’importe quoi ! »

…Complexifiez à loisir :

« Ce n’est pas parce qu’on n’a pas dit qu’on n’était pas de gauche / de droite / centriste / martien / … qu’on n’a pas le droit de ne pas défendre n’importe quelle ineptie… » (5 nég’ !)

D’ici que votre adversaire comprenne ce que vous avez voulu dire, ou ne pas dire, ou ne pas dire de dire de ne pas dire… Vous aurez largement développé vos idées et repris la main !

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La peur d’être jugé en tant que personne

Parmi les différentes causes du trac, la peur d’être jugé en tant que personne dépend directement de l’image que l’on a de soi. Elle ressemble à la peur de l’incompétence mais concerne davantage ce que l’on est, et non ce que l’on représente.

C’est la peur d’entendre les gens se moquer de vous, vous huer, déclarer que « vous êtes nul », qu’ils « ne vous aiment pas »…

Ce sont des attaques directes et violentes que tout le monde redoute. Le paradoxe est qu’elles ne sont bien souvent dirigées qu’envers ceux qui semblent incapables de les encaisser : laisser entrevoir la moindre faille incite n’importe qui à s’y engouffrer…

Le problème n’est donc pas entre soi et le public, entre soi et les autres, mais entre soi et soi-même.

Vous devez vous accepter tel que vous êtes, et comprendre que si vous devez faire une intervention à l’oral, ce qui compte par-dessus tout est votre façon de présenter le sujet, et non votre physique, votre apparence ou votre image, ni même vos titres ou votre statut social. C’est votre véritable personnalité qui se révélera à travers votre intervention, et qui plaira au public autant que le sujet vous plait. (c’est pourquoi vous devez toujours intervenir sur un sujet qui vous passionne ; si le sujet ne vous plait vraiment pas, n’y allez pas !)

Vous n’avez aucune raison d’avoir peur.

Les autres, dont le regard vous trouble, seront en réalité pour la plupart admiratifs de vous voir oser librement vous exprimer. Dans une situation similaire, ils éprouveraient le même trac que vous, si ce n’est plus. Les tentatives de certains pour vous gêner ou vous intimider ne sont donc bien souvent que la marque de leur jalousie, leur vaine façon d’exister publiquement eux-aussi…

Prenez-le avec ironie, et savourez le plaisir de parler de ce que vous aimez !

Avant une intervention, rappelez-vous pourquoi ce que vous faites est si important à vos yeux, quel est le sens profond de vos passions, et pourquoi vous devez en parler. Cette conviction, cette volonté, cette force qui semble relever de la nécessité vous fera franchir tous les obstacles, à commencer par vos peurs, absurdes et irraisonnées.

N’oubliez jamais que vous êtes vous-même la clef de votre propre succès.

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Qu’est-ce que le Media Training ? Pour qui, et pour quoi ?

Quiconque s’intéresse à la communication, à la notion d’image publique et au coaching de dirigeants (entreprise, politique…) a probablement déjà entendu parler de media training. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Est-ce uniquement réservé aux « dirigeants » ? Qui peut faire du media training, et dans quel but ?

Le media training, ou « formation aux médias », se résume souvent à s’entraîner à parler devant une caméra… Le fait d’être filmé pendant vos interventions vous permet de découvrir en suivant votre image à l’écran. Il est ainsi possible d’analyser votre comportement et de tester vos réactions face à l’objectif – afin d’identifier les signes de trac et de nervosité, de développer les bons réflexes, de mieux maîtriser votre image et contrôler votre communication dans tout type de contexte (à ce sujet, lire l’article : Soigner le trac).

A vrai dire, nous avons déjà tous l’habitude d’être filmés ou photographiés lors d’événements entre amis ou en famille. Nous sommes habitués à une certaine image de nous-mêmes, que nous pouvons donner volontairement ou involontairement. Mais il s’agit toujours d’un contexte favorable, plutôt cordial, détendu voire carrément décontracté. Quelle image donnons-nous lorsque nous devons intervenir pour défendre une cause, diffuser un message spécifique ou répondre à des attaques ? Faire face à des journalistes, passer à la télé ? C’est à ce type de situations que s’intéresse plus particulièrement le media training.

Le media training a donc pour but de vous mettre dans une situation où vous devez faire autorité : bien souvent vous n’intervenez pas en votre nom propre mais en tant que représentant d’un mouvement, d’un organisme, d’une institution ou d’une fonction… Vous parlez au nom d’autres personnes. Vous vous engagez. C’est pourquoi l’image que vous devez renvoyer doit être la plus nette possible, à la fois professionnelle et sympathique, adaptée à ce qu’attend votre public, sans fausse note.

En retour, lors d’une intervention médiatique, vous devrez bien souvent faire face à un journaliste, qui lui aussi fait figure d’autorité. Dans notre société les médias représentent une forme de « quatrième pouvoir », et beaucoup s’affirment comme de véritables prescripteurs de la pensée. Les présentateurs TV ont un pouvoir disproportionné, essentiellement basé sur leur notoriété : ils s’invitent chaque soir dans tous les foyers et sont connus de tout le monde ! C’est pourquoi répondre aux questions d’un journaliste peut se révéler très intimidant pour qui n’y est pas préparé, et ce quel que soit le titre, le statut ou la position sociale de la personne interviewée…

D’une certaine façon, le media training est évidemment très utile pour les personnes amenées de par leur métier à s’exprimer à la télé (toutefois, pensez aussi au radio training), et donc concerne en priorité les dirigeants d’entreprise, les responsables d’associations, les personnalités politiques… Toutefois, tout le monde peut en bénéficier, pour apprendre à mieux se connaître et améliorer sa communication. C’est un outil très puissant pour obtenir des progrès rapidement, en se confrontant directement avec l’image que l’on renvoie.

Plusieurs organismes offrent des formations de qualité en media training. On ne présente plus Cegos, Publicis ou Comundi. Il y a également les formations du CFPJ, le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes. Face a ces mastodontes de la formation professionnelle, mentionnons le label confidentiel Othello qui révolutionne le media training avec sa technologie de pointe HEXAGONE, un logiciel permettant une analyse détaillée a la micro-seconde des expressions faciales et des intonations vocales.

En fonction de la personne coachée, de ses besoins et des événements auxquelles elle doit se préparer, le media training peut prendre plusieurs formes. S’agit-il d’une interview, d’un débat contradictoire, ou d’une intervention libre ? Des invités pourront-ils réagir ? Le contexte est-il plutôt favorable ou défavorable ? Parle-t-on de communication de crise ou d’influence ? Etc. On peut recenser 4 grandes formes générales de media training : a vous d’identifier laquelle vous convient le mieux en vue de vos objectifs spécifiques ! Lire l’article suivant : Les 4 grands formats de media training

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La culture de l’écrit contre la parole : pourquoi les Français sont si nuls à l’oral, et 4 propositions pour y remédier

Parler et bien parler sont deux choses très différentes. Le langage est le propre de l’homme, mais tout le monde n’en manie pas pour autant toutes les subtilités avec la même facilité.

Dans sa forme vulgaire, la parole peut causer des torts, créer des conflits, être source des malentendus ; bien maniée, elle s’affirme à l’inverse comme le plus puissant des outils au service d’une idée ou d’un projet.

C’est pourquoi l’art de la parole est fondamental. C’est peut-être le plus important de tous les arts. Pourtant, c’est aussi le moins étudié, et le moins bien enseigné…

Le problème à l’oral semble être un problème typiquement français. Dans la tradition anglo-saxonne, ou dans quelques pays européens comme l’Espagne par exemple, l’exposé oral est le mode principal de contrôle des connaissances. Il y a peu de dissertations, au pire quelques « QCM »…

Les élèves américain sont sollicités à l’oral dès leur plus jeune âge. A l’école primaire ils pratiquent régulièrement le « Show and tell », exercice typique qui consiste pour chacun à apporter en classe un objet, à le montrer aux autres et à leur en parler, tout simplement.

A l’inverse, en France, notre système éducatif repose essentiellement sur l’écrit. Depuis les rédactions à l’école et au collège jusqu’aux rapports de stage au lycée puis à l’université, nous sommes constamment évalués sur notre capacité à écrire, à noircir des pages, à produire des textes et des textes… (qui ne seront à leur tour même pas toujours vraiment lus…)

Les fois où certains professeurs proposent à leurs élèves de les noter sur un exposé, ceux-ci doivent encore en remettre une version par écrit, comme si ce qui était formulé à l’oral devait forcément correspondre à une dissertation préalable.

Nous sommes prisonniers de l’écrit, et préparer un discours consiste généralement pour nous à concocter une série de « fiches » desquelles nous décollerons difficilement les yeux lorsque nous passerons derrière le pupitre. Au mieux, celles-ci défileront à la verticale, sur un prompteur. Au pire, nous nous emmêlerons les pinceaux en mélangeant une pile de feuilles volantes gribouillées, ou un jeu de cartons bristol annotés. Variante possible et calamiteuse, le contenu des fiches apparaitra aussi au public, projeté au mur sous forme de document PowerPoint.

Hélas, tous ceux qui procèdent ainsi ne seront jamais que de petits écrivaillons doublés de simples lecteurs, et non de véritables orateurs :

Ainsi bloqués par l’écrit, scotchés à leurs notes, il leur devient difficile d’improviser, de parler librement. Ils risquent à chaque écart de perdre le fil, d’hésiter, bafouiller, enchaîner les blancs, et finalement désintéresser leur public, ce qui dans leur situation se révèle la pire des sanctions.

De là découle évidemment le trac, ancré en chacun de nous, dont l’intensité est inversement proportionnel à notre faible pratique de l’expression orale.

Nous sommes donc face à deux problèmes, intimement liés, et qui paralysent autant l’individu que la société :

Premier problème : l’écriture « fige » ce que nous avons à dire. Le culte du plan en deux ou trois parties – et autant de sous-parties – conditionne notre façon de présenter nos idées, jusqu’à limiter notre façon de penser.

Deuxième problème : durant toute notre éducation, l’expression orale n’étant jamais favorisée en tant que telle, rien ne permet une parole spontanée, et donc rien ne nous prépare aux débats et aux confrontations verbales. Normal que la majorité des Français devienne si timide ou si nulle à l’oral.

Pour y remédier, nous pouvons envisager les mesures suivantes :

1 – Instituer l’apprentissage de l’expression orale comme discipline à part entière dès le plus jeune âge, en mettant en place davantage de « classes de parole » dès la maternelle (des initiatives existent en ce sens, mais à titre expérimental pour la plupart, et restent marginales) ;

2 – Poursuivre cette formation tout au long du cursus scolaire puis universitaire, les « classes de parole » devenant « classes de discussion » et « classes de prise de parole en public », et les notes obtenues dans ce cadre intégrées à la moyenne générale ;

3 – Développer les classes d’Art oratoire complémentaires, pour entraîner toujours plus ceux qui se destinent à un métier pour lequel l’expression orale est centrale (professeur, avocat, officier, postes à responsabilité, etc.) ;

4 – Permettre de consolider et d’approfondir ce travail tout au long de la vie professionnelle et sociale, notamment par une plus grande implication des entreprises dans ce domaine : ne pas « réserver » les stages de communication à certaines fonctions, notamment cadres sup et direction, mais en faire un élément fondamental de formation et d’intégration à tous les échelons, quelle que soit la spécialité, et ce dès la première année d’embauche.

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Gestuelle et langage corporel : l’art oratoire doit être un art du « Corps » et de « l’Esprit »

Le général de Gaulle les bras levés, ou le V vivant de la Victoire ! (Lire notre article sur l’éloquence du général de Gaulle, notamment lors de son célèbre discours du 4 juin 1958).

Tout orateur devrait faire sienne la devise Mens sana in corpore sano, ou « Un esprit sain dans un corps sain » :

Une bonne formation en art oratoire se doit d’être à la fois intellectuelle (un esprit sain…) et physique (…dans un corps sain). L’art de la parole est en effet un art complet : du moindre mouvement du corps et du visage jusqu’aux ressources infinies du langage, toutes les capacités de l’orateur sont sollicitées.

Pourtant, dans la rhétorique classique notamment, « l’esprit » est clairement privilégié par rapport au « corps », quand ce dernier n’est pas tout simplement dénigré…

Certes, l’intelligence et la culture sont toujours les meilleures bases pour produire de bons discours, et le respect des règles de la logique dans l’argumentation demeure la marque première d’un exposé de qualité. Mais maîtriser son sujet ou avoir de bonnes idées ne suffit pas à captiver un auditoire. Encore faut-il trouver le bon geste pour appuyer son propos, savoir jouer de son regard, sourire ou grimacer, s’adapter aux réactions du public, occuper l’espace, manier des objets, s’exprimer avec force et clarté sans s’essouffler, tenir dans la durée…

Parler face à une assemblée devient vite un sport de réflexes et d’endurance. Les plus grands orateurs ne sont pas que de purs esprits, ils ont aussi une aptitude particulière à mettre en scène leur corps tout entier et l’animent pour donner vie à leur pensée.

Un De Gaulle, un Martin Luther King ou un Winston Churchill ont certes connu le succès par la haute âme qu’ils révélaient dans leurs discours ; ils étaient surtout capables de transmettre des émotions par leurs mouvements, comme des vibrations maîtrisées, et faisaient trembler la foule par répercussion, comme une onde de choc.

La parole doit être un procédé d’action totale. Pour être combatif dans ses propos, il faut être soi-même actif.

Quand vous préparez un discours, ne vous concentrez pas uniquement sur le texte de ce discours ! Ne vous concentrez pas uniquement sur la cohérence des idées, de l’argumentation, mais travaillez également votre habilité, votre aisance à vous mouvoir, à bouger. Ne vous concentrez pas uniquement sur les mots à employer, mais efforcez-vous d’en illustrer, d’en accompagner, d’en dessiner certains avec un geste adapté.

Communiquez avec votre corps. Avec votre visage, vos bras, vos mains. Essayez d’associer chaque idée à une émotion, et cherchez à les vivre !

Les gestes qui vont vers le haut sont généralement perçus comme positifs (lever les bras au ciel comme un vainqueur, tel de Gaulle sur la photo ci-dessus par exemple !). A l’inverse, les gestes vers le bas sont perçus comme négatifs, une façon de s’écraser ou d’écraser l’autre… Lors d’un discours ou d’un débat politique, utilisez donc les gestes qui vont vers le bas uniquement pour parler du camp adverse, de vos opposants ou concurrents…

Cela dit, avant de chercher le bon geste, apprenez à n’en faire aucun :

En position debout, laissez tomber vos bras, détendus le long du corps (si vous êtes assis : laissez-les posés ouverts sur la table). C’est en commençant par avoir les bras détendus que vous aurez ensuite des gestes spontanés.

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Rhétorique du politiquement correct : de l’art de la périphrase au lissage du langage…

Souvent dénoncé comme synonyme de « bien-pensance », de conformisme voire de langue de bois, le « politiquement correct » désigne la manière de parler pour ne déplaire à personne.

Cette attitude est le propre des politiques et des médias, qui visent soit le plus large électorat, soit le plus vaste audimat.

Il s’agit d’adoucir les formulations, termes ou expressions qui pourraient heurter un public catégoriel. Autrement dit : désigner de façon non discriminante les catégories ou groupes d’individus identifiés par leur origine ethnique, leur culture, leur profession, leur handicap, leur sexe, leur orientation sexuelle… Par exemple :

  • Un aveugle devient « une personne non voyante » ;
  • Un handicapé devient « une personne à mobilité réduite » ;
  • Un noir devient « un homme de couleur » ;
  • Un balayeur ou nettoyeur devient « technicien de surface » ;
  • Une prostituée devient « travailleuse du sexe »…

Comment se construit le langage politiquement correct ? En réalité c’est assez simple : il suffit de remplacer chaque mot devenu gênant ou trop connoté… par d’autres mots moins évocateurs…

En rhétorique, on parle de périphrase. La périphrase est une figure de style qui consiste précisément à remplacer un mot par un groupe de mots signifiant approximativement la même chose (par exemple, déménager devient « procéder à une réorganisation de l’espace » ; jardinier devient « animateur d’espaces verts »).

La périphrase facilite le recours à l’euphémisme, une autre figure de style consistant à atténuer ou modérer une idée déplaisante. Par exemple, le chômage devient « l’évolution du nombre de demandes d’emplois non satisfaites » !

C’est un peu le principe dont j’ai parlé dans un précédent article, la pratique de l’A-Nommeur :

A-nommer une chose, c’est « faire disparaître du langage le mot qui la désigne, et donc s’obliger à la décrire d’une façon inhabituelle. » En changeant la façon dont nous en parlons, nous pouvons alors modifier la façon dont nous les percevons…

Et qu’est-ce que la poésie si ce n’est une certaine description du quotidien, mais sans utiliser les mots de ce même quotidien ?

En maquillant leurs pensées, en usant de formules sophistiquées pour parler de choses souvent banales, en refusant d’appeler un chat « un chat » – en a-nomant chaque élément de la réalité qu’ils prétendent décrire -, les politiciens feraient-ils donc de la poésie sans le savoir ?

Hélas, un problème apparaît bien vite…

Car une simple traduction ne redéfinit pas le terme initial, et transforme encore moins la réalité. Le signifiant change, mais pas le signifié. Or, le problème réel ou supposé porte bien sur le signifié, c’est-à-dire la chose existante, et non le signifiant, c’est-à-dire tel ou tel mot.

Cela revient, en somme, à ne pas nommer directement le mal que l’on désigne. Ce qui estompe ainsi l’effet désagréable d’en parler…

Mais pas le mal en lui-même, ou le fait de le subir.

Parler du cancer comme d’une « longue maladie » ne changera malheureusement rien pour celui qui en est atteint… Annoncer à un employé qu’il est désormais « en cessation d’activité » ou « mis en disponibilité » ne résoudra pas les difficultés d’être viré.

A vrai dire, dans ces cas extrêmes, ces expressions risquent même de provoquer l’effet inverse d’un euphémisme ou d’une périphrase. Elles n’atténuent pas la douleur, mais l’exacerbent. Loin de prévenir toute forme de discrimination, de stigmatisation ou de péjoration, les traductions « politiquement correctes » sont carrément révoltantes pour quiconque voit ainsi son mal minoré, voire renié.

Le langage est la base de la pensée. En ce sens, le « politiquement correct » devient un véritable carcan intellectuel. Il limite, réduit, écrase la pensée. Il lisse le langage en gommant les aspérités d’une réalité qui le dérange.

Or, c’est précisément en considérant la réalité telle qu’elle est que l’on peut espérer en corriger certains maux, problèmes ou défauts. En évitant d’en parler, ou en contournant ces problèmes par d’étranges jeux de langage, on se dédouane également de toute responsabilité vis-à-vis d’eux.

Comme la poésie, les traductions « politiquement correctes » n’ont aucun effet direct sur le monde qui nous entoure – seulement dans la tête de ceux qui veulent voir les choses différemment. Mais l’expression poétique et le discours politique ont des visées diamétralement opposées : la contemplation… et l’action.

La poésie du poète devient donc… hypocrisie du politique…

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