« Le gag nous surprend, non pas en nous exposant une réalité inconnue, mais en nous présentant quelque chose de connu d’un point de vue inattendu… » Ce point de vue aussi sérieux sur un sujet aussi gaguesque, ça vous fait rire ? Moi, oui ! Et devinez-vous qui a écrit cela ? Un homme très sérieux justement, un Président figurez-vous ! L’ancien Président de la République tchèque Vaclav Havel… Le genre d’homme que l’on imagine pas forcement s’intéresser aux mécanismes du rire et des gags. Et pourtant…
Václav Havel est né en 1936 à Prague et mort le 18 décembre 2011 à Hrádeček. Il fut dramaturge, essayiste, avant de devenir homme d’État tchécoslovaque puis tchèque (lors de la séparation de la Slovaquie et la république Tchèque). Il est d’abord inspiré par le théâtre de l’absurde et l’héritage kafkaïen, puis sa parole dissidente prend le dessus. Le grand nom qu’il s’est fait dans les années 1960, grâce à son œuvre dramatique d’une part, et d’autre part en raison de la censure que lui impose le régime politique, font que, dans les années 1970, Havel entre résolument dans la dissidence, pour rédiger un vibrant plaidoyer politique en faveur des droits de l’homme. C’est cela qui a fait, comme on peut le lire sur sa notice Wikipedia, qu’il s’est clairement positionné comme l’une des figures de l’opposition à la République socialiste tchécoslovaque pendant la période communiste. En 1989, il est une des figures de proue de la « révolution de Velours » qui met un terme au régime communiste (et oui, à cette époque les jeunes se rebellaient contre le communisme, à la différence d’aujourd’hui…).
Vaclav Havel est ensuite président de la République fédérale tchèque et slovaque de 1989 à 1992, puis président de la République tchèque de 1993 à 2003. Politicien atypique, généralement estimé comme une « personnalité extraordinaire » dans son pays, souvent appelé « président-philosophe ». Bref, une personnalité à part, extraordinaire, dont l’oeuvre artistique est encore relativement méconnue hors de son pays. Il a de quoi nous inspirer, et nous allons voir comment maitriser le gag et l’absurde à notre avantage pour… gagner en éloquence !
1. L’humour n’est pas incompatible avec l’éloquence
La plupart des gens chiants ne sont pas drôles parce qu’ils considèrent que l’humour est vulgaire, facile, trop « populaire »… Bref, ils craignent de passer pour des ploucs en faisant des blagues. Lorsqu’ils discutent, ils cherchent à avoir l’air « pro », sérieux, ils préféreraient presque passer pour des grincheux que des amuseurs publics… Pourtant, rire et être drôle ne sont pas des actions dévalorisantes, bien au contraire ! Les gens qui ont le rire facile sont souvent plus sociables, se font facilement des amis, parlent plus facilement à tout le monde, bref… Etre drôle est clairement l’une des caractéristiques des meilleurs communicants.
Bien sur, il y a différents types d’humour. Pour être à la fois marrant et éloquent, respectez donc cette petite règle toute simple : ne jamais être vulgaire ni graveleux. En d’autres termes : n’utilisez ni ne prononcez jamais de gros mots… Et ne parlez jamais trop directement de sexe (n’y faites même pas allusion !), réservez ce sujet pour des échanges extrêmement confidentiels ou intimes.
Si vous vous demandez comment on peut faire rire sans être vulgos ni parler de cul, c’est donc que votre conception de ce qui est drôle doit évoluer ! L’humour, ce ne sont pas les blagues carambars ou de l’Echos des Savanes. C’est d’abord un contexte, ainsi qu’une attitude. Le contexte se définit par notre façon de le percevoir. Le quotidien peut rester banal et morne, sauf si nous décidons de porter sur notre quotidien un regard different : en relevant par exemple des détails auxquels plus personne ne fait attention, etc. De même, pour observer ce quotidien différemment, il faut soi-même se comporter différemment, adopter une attitude inhabituelle… Et ce sont ces frictions qui vont créer un climat comique.
2. La dérision est souvent un bon moyen de faire rire
Utilisez la dérision, voire le sarcasme, pour faire rire. Comment cela ? Le sarcasme consiste ici à présenter une évidence d’une manière un peu taquine ou même carrément moqueuse. Attention cependant, servez-vous du sarcasme avec un minimum de tact et de sensibilité, car on peut facilement blesser quelqu’un si la personne n’est pas sur notre longueur d’onde et ne capte pas notre ton sarcastique…
Être sarcastique signifie donner une réponse à l’opposé de ce qui est attendu. « Tu aimes le dessert que j’ai préparé ? » « Non ! C’est vraiment horrible ! » Vous faites rire en mettant l’accent sur une évidence manifeste. Vous pouvez aussi faire des remarques sarcastiques pour relever une remarque absurde : « Ma voiture est toujours devant la porte ? » « Non, la dernière fois que je l’ai vue, elle était au fond du lac. » Vous retrouvez ici les principes du gag formulés par Vaclav Havel.
Dans la même logique, les sarcasmes ou la dérision peuvent porter sur vous-même ! Vous n’êtes pas obligé de vous moquer de quelqu’un d’autre ou de votre interlocuteur pour faire rire… Au contraire, osez vous moquer de vous-même ! Racontez des blagues ou faites des remarques sur vous-même, amusez-vous de vos propres défauts flagrants. Par exemple, si vous êtes très grand, n’hésitez pas à faire des blagues à ce sujet pour que les personnes qui vous entourent se sentent moins intimidées par votre taille. Si vous êtes petit, vous pouvez à l’inverse déclarer : « Je sais que je vous intimide par ma grande taille, mais rassurez-vous, je suis très doux ! »
Faites des blagues sur vos malheurs. Si vous avez des dettes, blaguez sur votre incapacité à vous empêcher d’acheter la 200e paire de chaussures par exemple… Plaisantez sur vos obsessions, sur vos lubies, sur vos petits délires ou vos phobies : si vous avez peur des escargots et que vous savez que c’est irrationnel, faites-en une blague. Les gens aiment rire des choses qui semblent absurdes ou ridicules, particulièrement quand vous êtes le premier à rire de vos propres absurdités !
3. Jouer avec les mots est souvent plus délicat qu’on ne le croit…
Ce 3e point est certainement le plus en phase avec l’idée que l’on se fait de l’éloquence : il repose sur la maitrise des mots, du verbe, de l’art de manier le langage ! Les jeux de mots forcent nos interlocuteurs à réfléchir à deux fois pour comprendre le sens d’un mot ou d’une phrase.
Par exemple, imaginez quelqu’un qui vous dit lors d’une conversation : « Il m’est arrivé de prêter l’oreille à un sourd. Il n’entendait pas mieux. » (je suis sur que vous avez relu la phrase au moins deux fois pour bien en comprendre la subtilité !), ou encore : « Vous avez noté qu’on dit un steak de bœuf, une côte de bœuf, un rôti de bœuf… Mais dès que le bestiau semble suspect, c’est la vache qui devient folle ! » Allez, un petit dernier pour la route : « Si j’en ai l’occasion, j’aimerais mieux mourir de mon vivant ! »
Notez les formules qui vous amusent lorsque vous les lisez ou que vous les entendez, dans des discussions ou même en regardant des films. Ayez ainsi un petit memo de phrases et de jeux de mots prêts à être utilisés (de la même manière qu’il est très efficace de noter les bonnes idées pour améliorer son sens de la repartie). Avec l’habitude et l’expérience, vous les sortirez au bon moment, quand la discussion s’y prêtera le mieux. Vous verrez alors l’effet que ces simples jeux de mot peuvent produire !
Pour être capable de produire de bons jeux de mots, enrichissez votre vocabulaire. Vous serez alors capables d’utiliser les mots comme des armes, pour pulvériser vos ennemis ou faire rire vos amis.