« Un homme avait le numéro de loterie 60 015. Le 60 016 sortit. Cet homme crut avoir été « près » de gagner. Tout le monde en toute occasion pense de même. J’ai « failli » tomber, mourir, faire fortune. L’histoire est pleine de ces raisonnements. Ces proximités sont imaginaires. Il n’y a de degrés que dans le SI… »
Une citation de Nietzsche, qui nous rappelle à quel point nous sommes victimes de nos illusions quand nous pensons mériter notre chance… Et plus encore lorsque nous avons le sentiment de frôler cette chance, en réalité insaisissable !
Une chance sur 19 millions de gagner au loto… Une boutade de mathématiciens (et de fiscalistes) consiste à dire que le loto est un impôt sur l’incompréhension des statistiques. En effet : dire qu’il y a 1 chance 19.000.000, c’est presque comme dire qu’il n’y a aucune chance. Plus exactement : il n’y a aucune « raison » que vous gagniez au loto. Cela ne dépend ni des chiffres que vous cocherez sur votre grille, ni du jour où vous jouez, ni même des tirages précédents.
Pourtant, nous voulons tous y croire. De la même façon que l’on veut croire au Pére Noël quand on est petit. De la même façon que l’on veut croire que les sentiments sont réciproques lorsque nous sommes charmés par une personne. Nous voulons croire que nous pouvons gagner au loto, que nous avons nos chances, ou plus exactement : qu’il y une raison pour que nous remportions le gros lot. Douce illusion…
Dans le même temps, nous prétendons ne pas être naïfs. Nous prétendons savoir à quoi nous en tenir. Mais. Parce qu’il y a un gros « mais »… Lorsque nous achetons un ticket, c’est bien que nous croyons en notre chance. Si nous étions persuadés à l’avance que nous n’avons aucune chance de gagner ? Nous n’achèterions pas le ticket, tout simplement ! L’acte d’achat d’un billet de loterie, tout comme l’acte du joueur de casino, révèle donc bien qu’il croit à l’avance être gagnant. Le paradoxe est là. Soit nous croyons que nous allons gagner, et c’est une bêtise – soit nous prétendons être lucides et ne pas trop y croire, et c’est une forme d’incohérence…
Plus absurde encore est de croire que l’on a « faillit avoir de la chance » : cette expression est tout simplement un non sens ! Or c’est celle qui nous obsède et nous piège le plus souvent. Il faut se libérer des illusions sur la « chance ». En quelques mots, nous pourrions dire que la chance est ce qui n’a aucune raison d’arriver. Et la malchance, ce qui arrive sans raison.
Chercher des explications, des justifications ou tenter de rationaliser l’une ou l’autre, est précisément le piège mental qu’il faut éviter. Car c’est un piège qui peut nous faire tomber très profond, dans la folie, dans l’obsession, dans la dépression… Cessons de croire que nous avons « rater » des occasions. Arrêtons de ressasser ces moments où l’on se dit « si j’avais fait ceci… », « si j’avais répondu cela… ». Le si doit concerner le futur. Le si associé au passé est une maladie de l’esprit.