L’image que vous donnez et les valeurs que vous communiquez font de vous une personne digne d’être écoutée. Tout n’est qu’apparence ! Il ne vous reste plus qu’à montrer de l’abnégation et de la sagesse pratique, et vous serez déjà largement au-dessus du lot. Ce n’est pas sorcier mais il faut y penser. Mais comment faire ? Je vous explique :
Cet article s’inscrit dans la voie de la rhétorique classique et montre de quelle manière vous pouvez convaincre un auditoire en vous basant sur votre personnalité. Pour être séduit, l’auditoire doit penser que vous possédez les attributs nobles de l’ethos, une chose qui ne signifie pas que vous les possédiez effectivement. En revanche si elles sont en vous mais que le public ne les remarque pas, c’est encore pire.
Comme vous pouvez le lire sur wikipedia, l’ethos (ou êthos, du grec ancien ễthos) est un mot grec qui signifie « le caractère habituel, la manière d’être, les habitudes d’une personne ». Pour l’art rhétorique, l’ethos correspond à l’image que le locuteur donne de lui-même à travers son discours. Il s’agit essentiellement pour lui d’établir sa crédibilité par la mise en scène explicite ou implicite (avec des marqueurs discursifs, métaphores) de qualités morales comme la vertu, la bienveillance ou la magnanimité. Par extension, tout acte (discursif ou non) qui contribue à rendre manifeste un tempérament ou des traits de caractère participe de l’ethos.
Rappelons que l’ethos est constitué du decorum (lire a ce sujet l’article : Leadership, pourquoi le « decorum » est indispensable à l’ethos), des valeurs, de la sagesse pratique et de l’abnégation. Si vous semblez hésiter au moment d’agir, vous ne serez pas suivi par votre public bien que vous partagiez leurs valeurs. Si vous ne montrez pas d’abnégation, vous prenez le risque de paraître malhonnête.
Qu’est-ce que la sagesse pratique ?
Vous possédez de la sagesse pratique lorsque votre auditoire a l’impression que vous savez comment prendre en main chaque problème, que vous avez les connaissances nécessaires pour parer l’imprévu. Mieux vaut être Sebastien Loeb qu’un moniteur d’auto-école, mieux vaut être Edison qu’Einstein, mieux vaut être Han Solo que Yoda. Vous suivez strictement les règles et les protocoles ? Félicitations, vous semblez ainsi manquer de sagesse pratique et cela peut vous faire paraître inintéressant.
Comment montrer de la sagesse pratique :
Exhibez vos expériences et vos qualifications : donnez des exemples de lieux où vous avez été, de comment c’était, des problèmes auxquels vous avez été confronté, des solutions que vous avez proposé et qui constituent une preuve de vos capacités. Parler d’expériences est plus efficace que de parler de vous.
Lors d’un débat sur les catastrophes naturelles :
– Agent d’assurance : nos études nous montrent qu’en cas de catastrophe, il faut faire confiance aux conseils des sociétés d’assurances
– Vous : ma maison a été détruite pendant la tempête Xynthia, je sais ce que c’est que faire face à l’imprévu quand vous n’avez plus rien
Sachez contourner les règles: si les règles ne s’appliquent pas, ne les appliquez pas non plus, à moins que cela ne soit contre les valeurs de votre auditoire. En d’autres termes si un protocole strict existe mais que la situation exige de prendre d’autres mesures le temps de résoudre le problème, montrez que vous osez le faire. Au moment où Indiana Jones fait face à un guerrier qui exhibe sa maîtrise du sabre, le héros sort un revolver et l’abat. Pas très fairplay, mais efficace. L’inconsistance est par ailleurs un bon outil de leadership, puisqu’il touche l’amateur de règles la garde baissée.
Empruntez la voix du milieu: dans toute décision, plusieurs positions peuvent être prises. En règle générale, la sagesse pratique demande de vous que vous soyez modéré, ni d’un extrême ni de l’autre ; trouvez une solution au milieu. C’est pourquoi les vice-présidents ou premiers ministres sont souvent bien plus modérés que les chefs d’Etat.
Qu’est-ce que l’abnégation ?
« Sûr de l’appui des Anciens Combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. » Philippe Pétain, 17 juin 1940.
Le 3e et dernier élément classique de l’ethos est l’abnégation, le sacrifice de son propre intérêt. Autrement dit c’est le fait d’être désintéressé tout en se faisant apprécier de l’auditoire. L’objectif est ici de faire croire que vous n’avez aucun intérêt en jeu dans la situation pour laquelle vous prenez la parole. Vous pouvez donc au choix montrer que vous êtes entièrement objectif ou montrer votre sacrifice personnel tout en noblesse.
Comment montrer de l’abnégation :
Soyez réticent dans la conclusion : agissez comme si vous vous sentiez obligé de parvenir à cette conclusion malgré vos propres désirs. On doit penser de vous que vous avez cette opinion uniquement car vous avez été confronté à des preuves accablantes. Par exemple, montrez qu’il fut un temps pendant lequel vous partagiez l’autre opinion, mais que face aux faits et par pure logique, vous avez changé d’opinion. Vous pouvez ainsi changer le débat, partant des idées de principe pour arriver à des questions pratiques comme dans cet exemple :
– Je suis contre la peine de mort, le gouvernement ne devrait pas être dans le service mortuaire.
– Oui, moi aussi je suis contre la peine de mort, car il y a un risque d’exécuter une personne innocente. Mais maintenant que les tests ADN fiables sont extrêmement répandus, je suis convaincu que nous pourrions éviter ce problème.
Agissez comme si le choix que vous soutenez constitue une forme de sacrifice personnel :
Mon patron ne va sans doute pas me donner une promotion pour vous dire cela, mais j’ai toujours envie de faire des heures supplémentaires afin de terminer ce projet dont nous avons discuté. Il a simplement trop de potentiel pour le mettre au placard.
Ne tendez pas le bâton pour vous faire battre : si d’aventure vous êtes accusé de dire quelque chose que vous n’avez pas dit, il serait bon que votre ethos ne fasse pas croire au public que c’est tout à fait plausible. Puisqu’il était de notoriété publique que Marie-Antoinette vivait la vie de château et dilapidait les fonds publics, la rumeur selon laquelle elle aurait dit « Ils n’ont plus de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! » n’a eu aucune difficulté à être crue et répandue, car la reine elle souffrait d’un manque criant d’abnégation. Lorsque Hamlet suit le fantôme du roi, il manque de toute sagesse pratique. A l’inverse lorsque Bill Clinton mentit à propos de Monica Lewinsky, il a eu la chance de n’avoir pas de précédent. C’est pourquoi l’ethos est important, car il permet à votre auditoire de se laisser persuader.
Faites croire que vous n’utilisez aucune astuce : ne montrez pas trop d’assurance, donnez l’impression de douter de ce que vous avez à dire. Par exemple si vous êtes nerveux pendant une prise de parole, utilisez-le à votre profit en montrant cette faille au début puis au fur et à mesure de l’intervention, améliorez-vous et finissez avec panache. Bien-sûr certains d’entre vous penseront que le plus important c’est d’être soi-même et d’être naturel. C’est en effet un conseil que je pourrais donner, si nous étions tous naturellement parfaits à l’oral.
Utilisez un langage simple et clair : vos parents vous ont dit autrefois que les jeunes d’aujourd’hui manquent de plus en plus de vocabulaire et c’est certainement ce que vous direz à vos propres enfants. Mais dans l’intérêt de votre persuasion, retenez qu’un public fait plus confiance à une personne qui s’exprime simplement qu’à des personnes dont les envolées lyriques faites de mots savants sont incompréhensibles. Mais si vous souffrez de défauts de langage (langage trop courant pour une prise de parole en public), ne soyez pas vous-même pour autant.
Ne vous contentez pas de personnalité et de réputation, agissez : vous pouvez commencer à montrer votre ethos à tout moment grâce à ces moyens. Utilisez l’ethos à bon escient et vous verrez que vous serez récompensé par votre auditoire.