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Steve Denning et la « Zambia Story », ou l’art du storytelling par le maître du genre

Steve Denning est né en 1944 en Australie. Il a étudié le droit et la psychologie à Sydney, puis à Oxford où il obtint sa maîtrise.

Pendant une dizaine d’années, il occupa divers postes à haute responsabilité au sein de la Banque Mondiale. Responsable du département Afrique du sud de 1990 à 1994, et ensuite de toute la région Afrique de 94 à 96, Steve Denning fût notamment Directeur de l’information (« Knowledge Management ») de 1996 à 2000.

Après avoir quitté la Banque mondiale, il publie de nombreux ouvrages sur le storytelling et s’affirme bien vite comme un auteur de référence dans ce domaine. Ses théories ont redéfini les stratégies de communication contemporaines.

Selon Steve Denning, la méthode de communication traditionnelle se basait sur trois étapes fondamentales :

  1. Symptôme / constat / reconnaissance d’un problème ;
  2. Diagnostic / analyse / étude de ce problème ;
  3. Remède / solution / dépassement du problème.

Mais ce mode classique de communication convainc de moins en moins le public moderne, habitué au spectaculaire, adepte du sensationnel… Désormais, la première étape doit donc être de capter l’attention.

Et le secret, pour capter l’attention du public, est de réveiller sa part d’enfance en lui racontant une histoire

Les façons de prouver ou démontrer une idée sont souvent formelles et ennuyeuses. Tandis que raconter une histoire permet de faire appel à l’imaginaire du public, de susciter en lui des émotions, de le faire rêver… Le message, ou la « morale » implicite de l’histoire, passe alors beaucoup mieux.

Les domaines d’application du storytelling sont très variés. De plus en plus utilisé en entreprise, notamment dans le management et le marketing, le storytelling connait également un succès naturel en politique, en communication publique et institutionnelle… Dès que le public ou l’interlocuteur est « capté », qu’il est guidé par ses émotions, il faut le pousser à l’action : acheter tel ou tel produit, voter pour tel ou tel candidat, soutenir tel ou tel projet, etc.

…C’est seulement lorsque l’action est engagée – ou effectuée – qu’elle peut alors être justifiée : ce n’est que dans un troisième et dernier temps qu’il s’agit d’emporter véritablement l’adhésion de son public (consommateurs, électeurs ou autres) par l’utilisation d’arguments rationnels.

Les 3 étapes de la communication traditionnelle sont ainsi remplacées par ce nouveau triptyque :

  1. Capter l’attention : raconter une histoire et jouer sur la palette des émotions positives ou négatives – joie, tristesse, dégoût, surprise…
  2. Inciter à l’action : stimuler le désir de changement, pousser à l’achat ou au vote…
  3. Faire appel à la raison : utiliser les arguments raisonnés dans un dernier temps seulement !

Par exemple, si vous voulez vendre quelque chose, quoi que ce soit (même des idées), ne vous concentrez pas seulement sur les propriétés, particularités ou intérêts de la chose en question…

Ne vous contentez pas de décrire le produit uniquement, ses qualités intrinsèques, ses fonctionnalités…

Ne vous limitez pas aux propositions de votre programme (politique ou autre), à leur articulation logique, aux détails de leur argumentation…

Prenez le temps de définir précisément l’action à laquelle vous souhaitez amener le public visé, puis intégrez cette chose ou cette action dans un scénario qui raconte comment vous en êtes arrivé là. Racontez ce qui vous amène à promouvoir votre projet, votre produit ou vos idées, plus que faire directement la promotion du projet ou produit en question. Décrivez les changements qui pourraient alors être apportés à certains aspects du quotidien.

Les procédés narratifs sont multiples, mais reposent essentiellement sur la capacité à rendre concret, visuel ou imagé le sujet que l’on veut traiter.

Le mieux est encore de s’appuyer sur une expérience vécue, quitte à la romancer quelque peu. Et justement… Steve Denning, en parfait storyteller, a lui-même réécrit sa propre histoire, pour ne pas dire sa propre légende. Et celle-ci, comme toute histoire, a un titre : la Zambia Story… La voici :

« En 1996, après un parcours réussi dans la hiérarchie de la Banque mondiale, j’ai été nommé au poste de responsable directeur du programme de Knwoledge Management. Mais cette prétendu promotion fût en réalité une mise au placard, et j’avais alors presque moins de pouvoir d’action que le responsable de la cafeteria… J’ai tenté de convaincre les cadres de la Banque mondiale de l’importance du Knowledge Management, mais mes collègues comme les dirigeants restaient sourds à mes arguments. Après avoir tout essayé, j’ai donc fini, un peu en désespoir de cause, à recourir à l’histoire d’un agent de santé de Zambie qui trouva les réponses à ses questions sur le traitement du paludisme sur le site internet des CDC (« Centers for Disease Control and Prevention ») du ministère américain de la santé : c’est en utilisant cette anecdote que j’ai réussi à montrer l’importance du programme de Knowledge Management et à faire valoir le rôle que pourrait jouer la Banque mondiale dans ce domaine ! »

En somme, conclut S. Denning, la « Zambia Story » fut le moteur d’une prise de conscience et le point de départ d’un nouveau rôle pour l’organisation.

Mais la « Zambia Story » est-elle l’histoire de cet agent de santé de Zambie, ou l’histoire de Steve Denning reprenant l’histoire de l’agent de santé Zambien ? En réalité, le seul héros de l’histoire est bien S. Denning, d’abord placé en situation de victime, puis retrouvant tout son pouvoir d’influence et sa capacité d’action grâce à sa compréhension du storytelling.

D’ailleurs, le poste de « Directeur de l’information » de la Banque Mondiale, a priori très valorisant, est déprécié par Steve Denning lui-même pour accentuer le contraste entre sa situation initiale et le changement opéré, et faire ainsi apparaître son parcours comme véritablement héroïque.

Steve Denning fait donc du storytelling pour vendre ses compétences en storytelling, c’est carrément du « méta-storytelling » ! Il s’affirme décidément comme un storyteller de très haut vol…

Mais dans tout ça, il y a quand même une sacrée ironie : si Steve Denning sait si bien écrire des histoires, il n’est pas forcément le plus habile pour les conter lui-même de vive voix. Figurez-vous que sa propre femme se plaint d’être marié à un individu à la voix monocorde, ne lui racontant jamais d’histoire ! Comme quoi, si un bon orateur se doit d’être bon storyteller, un bon storyteller n’est pas forcément bon orateur : il faut donc travailler les deux conjointement…

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Qu’est-ce que la glossophobie ?

Voici une publicité qui met en scène un écolier apeuré à l’idée de présenter un exposé devant toute sa classe : de quoi nous remémorer de tout aussi inquiétants souvenirs…

Le clip démarre par une définition : qu’est-ce que la glossophobie ?

l’élément « gloss(o)- » vient du grec glôssa qui signifie langue. On retrouve cette racine dans de nombreux termes en rapport avec la parole, le langage et les mots. Par exemple : glossaire (ensemble des mots d’une langue), gloser (commenter), glotte (orifice du larynx, qui joue un rôle essentiel dans l’émission de la voix), glossème (la plus petite des unités linguistiques signifiantes), glossolalie (trouble du langage chez certains malades mentaux qui croient inventer un nouveau langage)…

Et glossophobie ? On trouve l’élément « -phobie », du grec phobos qui signifie crainte. La glossophobie est donc un nom savant pour parler du trac, du stress, de la trouille de parler en public.

Comment s’y prend notre écolier pour surmonter cette crainte ? En se préparant, ardemment. Pour cela, étudier à fond son sujet. Recueillir des citations, organiser ses idées. Mais s’intéresser également à l’art oratoire et à la rhétorique, aux techniques de communication. Comment poser sa voix ? Comment joindre le geste à la parole ? Visionner des films mettant en scène la formation de l’orateur, comme le Discours d’un roi.

L’art oratoire est une culture. Ce n’est pas un don ni quelque chose d’inné. Plus des trois quarts de la population redoute l’idée d’avoir à prendre la parole en public. Cela est dû à un manque de pratique, à une méconnaissance des techniques élémentaires en matière de communication.

Cette pub a le mérite de mettre en lumière ce problème et de donner quelques clefs pour y faire face. La « glossophobie » n’est pas une fatalité ! Quelques techniques simples permettent d’y remédier. Pour apprivoiser son image, le media training est un outil idéal. Pour savoir quoi raconter et comment le raconter, les méthodes de storytelling sont parfaitement appropriées.

Le trac lui-même peut devenir votre allié. Ne cherchez pas à l’éliminer, mais à l’utiliser comme une forme d’énergie. Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ?

Réagissez à cette glose sur twitter ! (Que veut dire « glose » ? Il s’agit de l’explication d’un terme rare ou spécialisé en termes simples ou communs…)

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Storytelling, un cas d’école : la publicité Quezac

Dans un article sur « Qu’est-ce que le storytelling ? », je disais en introduction : « pour vendre un produit, ne parlez pas du produit » ! La pub dont je veux vous parler aujourd’hui illustre ce principe à la perfection…

L’un des exemples les plus fameux de storytelling dans le domaine du marketing français est la publicité pour l’eau Quezac (diffusée à la télé en 1995) :

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On dirait la bande-annonce d’un film médiéval à la limite du fantastique. Rien n’est dit sur la qualité de l’eau, de ses minéraux, ou sur la pureté de sa source. Les origines sont floues, datées approximativement (« il y a très longtemps, peut-être plus de mille ans… »), tout est basé sur des « on dit » (« on dit que les eaux de cet orage… », « on dit que quand l’eau rejaillirait… »), etc.

Et pourtant, du fait même de ces imprécisions, les bulles deviennent « miraculeuses »… L’eau apporte désormais « gaîté et longue vie »… Et Quézac n’est plus seulement le nom d’une marque d’eau en bouteille, mais devient le titre d’une légende.

A la différence des autres grandes marques d’eau minérale, cette publicité ne se concentre pas sur les caractéristiques ou les qualités intrinsèques du produit qu’elle cherche à vendre : elle l’associe à un imaginaire qui lui donne une profondeur, une « âme », marque les esprits et offre bien plus qu’une simple eau pétillante.

Avec les techniques de storytelling, en mettant en récit leurs produits, les marques jouent avec l’imaginaire du public pour capter son attention et lui transmettre des émotions

De même, si vous voulez vendre quelque chose, ne vous concentrez pas seulement sur les propriétés, particularités ou caractéristiques de la chose en question… Enrobez-la dans une belle histoire !

Notons toutefois une évolution assez surprenante des publicités Quezac. En 2005, soit 10 ans après ce premier spot, voici la nouvelle pub qui fut diffusée à la télé :

http://player.ina.fr/player/embed/PUB2918919148/1/1b0bd203fbcd702f9bc9b10ac3d0fc21/620/349/1/148db8

Après avoir créé un univers et un imaginaire pour faire rêver, Quezac a donc décidé de recentrer sa communication sur un élément beaucoup plus terre-à-terre de son produit : le prix !

Il y a deux aspects qui surprennent vraiment dans cette pub :

  • Tout d’abord, le fait qu’en 2005, sur le marché de l’eau en bouteille, les différentes marques – du moins les « grandes » marques comme Quezac – ne cherchent pas à se différencier du point de vue du prix. L’imaginaire créé par le storytelling leur servait justement à se distinguer, par rapport aux autres marques génériques ou premier prix.
  • Ensuite, Quezac fait de son prix le point unique de sa communication. Rien n’est dit, encore une fois, sur la qualité de l’eau ou la richesse de ses minéraux. La seule info, c’est : « Petit prix » ! C’est la seule mention inscrite à l’écran, en plus du nom Quezac sur l’étiquette de la bouteille (voir à la fin).

Le tour de force de Quezac est cependant de faire resurgir son héroïne, la petite fille qui contait sa légende dans la première publicité de 1995.

Tout en centrant son message sur le prix, Quezac mobilise donc habilement l’imaginaire déjà présent autour de son produit, par un simple rappel d’un visage fortement ancré dans le souvenir des consommateurs.

On peut réfléchir sur la stratégie de Quezac, qui s’est peut-être aperçu qu’en teintant d’une légende trop spectaculaire son eau pétillante, a donné à celle-ci l’apparence d’un produit de luxe, rare et précieux, quasi-magique, en tout cas moins accessible qu’une autre eau gazeuse de base. Il fallait donc en quelque sorte circonscrire le mythe, pour remettre l’eau Quezac « à niveau » par rapport aux autres…

Mais ce qui est intéressant ici, c’est la dimension d’un storytelling particulier qui se déploie alors sur dix années à travers plusieurs publicités.

L’histoire, ce n’est plus la légende d’un « orage qui, dit-on, gronda il y a peut-être plus de mille ans… » : c’est la vie d’une vraie personne que nous voyons grandir sous nos yeux, passant de petite fille à jeune femme, et qui, de fait, joue sur un type d’émotions très puissant lié à un authentique souvenir.

La charge affective de cette publicité est donc extrêmement forte, et dépend d’une durée incompressible qui sépare effectivement la diffusion des deux spots publicitaires.

Par ailleurs, un subtil jeu est instauré entre le personnage de la petite fille, et la jeune femme qui semble alors quitter son rôle. Par ce décalage, un pont paradoxal est jeté entre la légende et la réalité, inaugurant une forme de storytelling « réflexif ».

On a coutume de dire que « les meilleures histoires sont les plus courtes »… A l’inverse, un bon storytelling s’inscrit dans la durée, dans le temps – jusqu’à faire coïncider, dans le meilleur des cas, l’histoire qu’il véhicule et l’Histoire avec un grand H…

Au risque de mélanger fiction et réalité…

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Vidéo : Regardez comment ce coach sportif motive son équipe !

Regardez la vidéo ci-dessus : un coach sportif motive son équipe !

La vidéo est sobrement intitulée « The greatest speech ever » par celui qui l’a postée. Le meilleur speech du monde ? Qu’en pensez-vous ? Même sans comprendre l’anglais, on peut se laisser porter par le rythme et apprécier.

Il faut en effet reconnaître à ce coach une certaine forme d’éloquence, de l’aisance et une véritable énergie dans son body langage, une force dans son eye contact et ses intonations…

De mon point de vue, le défaut majeur de ce speech vient cependant…de ce qui ne vient pas du speech en lui-même, mais s’y superpose maladroitement… Je veux parler de la musique ! Beaucoup trop présente, et peu originale, fréquemment utilisée dans ce genre de situation pour amplifier volontairement la vibration et l’émotion (il s’agit de la bande son du film Le dernier des Mohicans).

Un bon orateur ne devrait pas avoir pas besoin de ce subterfuge pour capter son public, la musique doit venir de sa voix elle-même, les vibrations de son corps tout entier. Le rythme peut être aléatoire, le phrasé moins construit, mais l’intervention d’autant plus vraie et directe.

Ne cherchez pas à vous « cacher » derrière une musique, ni même un support visuel, un costume ou un décor : parler en public, c’est un peu se mettre à nu face aux autres. Il faut assumer cette « nudité », s’habiller de sa plus belle voix et de gestes habiles. Il faut travailler l’aisance de son expression corporelle, la façon de mouvoir et de bouger son corps avant de réfléchir à la façon de le vêtir. Il faut s’efforcer de posséder son sujet intérieurement, intimement, plutôt que vouloir à tout prix le présenter sur des supports externes, par exemple sous forme de PowerPoint.

L’art de parole, c’est cette capacité à transmettre une vision, à construire un monde simplement grâce au pouvoir des mots, c’est une façon de stimuler l’imagination du public avec le moins d’artifice possible. L’orateur n’a besoin d’aucun autre instrument que lui-même, son corps, sa voix et son esprit ; et c’est là en réalité un orchestre tout entier qu’il lui faut diriger, et qui peut emplir les coeurs et faire tressaillir les âmes bien plus que n’importe quel spectacle !

Toutefois l’utilisation d’un fond sonore est un excellent moyen de s’entraîner, voici par exemple 4 usages possibles :

1Adapter la durée de l’intervention à la durée d’un morceau, en vue de respecter un timing très précis. Dans sa version pro, c’est par exemple le fameux compte à rebours sonore que l’on entend lors d’un flash info à la radio. Choisissez un jingle, une musique courte (1 minute), écoutez-le attentivement, puis réécoutez-le en réfléchissant au placement de vos paroles par-dessus. Vous devez suffisamment bien connaître cette musique pour vous caler sur le rythme et anticiper la phase finale, indiquant le moment de conclure. Lorsque la musique s’arrête, vous savez que vous devez impérativement conclure par une dernière et ultime phrase.

2Se calquer sur le rythme d’un morceau particulier, pour les crescendo et decrescendo, phases d’accélération du débit et ralentissement… Choisissez un morceau qui correspond à l’état d’esprit que vous voulez transmettre lors de votre intervention (plutôt rock, plutôt mélancolique…). La durée doit elle aussi coïncider. Puis travaillez votre discours en vous basant sur le rythme et les phases musicales de ce morceau : parlez plus vite quand la musique accélère, plus fort quand le son augmente, ralentissez et parlez plus doucement sur les passages plus calmes… Une excellente façon de travailler les modulations (voix grave/aiguë, rythme lent/rapide) et les variations (volume faible/fort) vocales.

3S’entraîner à rester concentré sur ce que l’on a à dire malgré les perturbations sonores (typiques lorsqu’on intervient dans un bar ou autres lieux bruyants). L’idéal dans ce cas est d’enclencher plusieurs sources sonores : allumez la radio, la télé, et l’ordinateur en même temps..!! Vous pouvez même mettre un casque sur vos oreilles, pour augmenter la confusion. Variez le volume et les sources afin de vous sensibiliser progressivement à ces différentes perturbations, et habituez-vous à rester concentré dans ce brouhaha. Ainsi, lorsque vous devrez intervenir dans un lieu bruyant comme un café, vous serez d’autant moins troublé ou déstabilisé !

4Enfin, proche de l’exercice précédent, mettre la musique très fort, monter le volume au maximum (tout en respectant vos oreilles bien sûr…et celles de vos voisins…) pour s’entraîner à parler par-dessus et travailler ainsi la force et la portée de la voix. Ce dernier exercice correspond à celui que pratiquait Démosthène en 300 av. JC, en parlant face à la mer, jouant de sa voix face au grondement des vagues…

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Hervé Morin est-il un yaourt ?

Les petits noms des politiques – dont les affublent autant leurs pires ennemis que leurs si loyaux « amis » – sont souvent cruels et moqueurs. Et la métaphore alimentaire (plus particulièrement les produits laitiers) demeure un registre privilégié pour y puiser moult sobriquets.

On se souvient par exemple que nombre de militants de gauche avaient eux-mêmes surnommé François Hollande « Flamby » : substance gélatineuse qui s’étale quand on la démoule, qui tremble quand on la secoue… Par ce surnom, synonyme de « gauche molle », la radicalité comme la témérité de l’ancien Premier secrétaire du PS étaient clairement mises en cause, sa posture de chef des socialistes plus ou moins contestée.

Hollande n’est pas le seul a avoir recu ce genre de sobriquet, et le rayon frais est toujours en service pour tous les bords et partis. Hervé Morin qui s’y était lui aussi vu ranger lors de sa campagne en vue des élections présidentielles de 2012. Ses opposants eurent en effet l’idée de le surnommer « le yaourt »… parce qu’il était comme lui à 0% ! (d’intentions de vote dans les sondages)

Le yaourt n’est pas seulement un produit allégé, c’est surtout une pâte molle et blanche, sans couleur, sans saveur, inconsistante. C’est donc moins la position d’Hervé Morin dans les sondages qui est ici réellement visée, que son charisme et sa prestance. Alors, faisant fi des intentions de vote, reposons la question : Hervé Morin a-t-il la carrure d’un présidentiable, ou est-il un yaourt ?

Pour y répondre, revenons là où tout a commencé : sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle lors d’une conférence de presse le dimanche 27 novembre 2011 à Berville-sur-Mer dans l’Eure (voir la vidéo ci-dessous). Pas besoin de visionner le discours en entier, la 1ere minute suffira. Dans tout discours, les premières minutes sont fondamentales pour prendre en main le public. Si vous ratez votre entrée, il vous sera très difficile de revenir sur cette première mauvaise impression.

Hélas pour lui, dans l’extrait vidéo ci-dessus, Morin accumule dès le début plusieurs erreurs typiques d’un orateur débutant. Voici les 3 erreurs principales pourtant faciles à éviter :

– Hervé Morin s’agrippe à son pupitre comme un capitaine à sa roue de gouvernail. Seulement, ce n’est pas le navire qui tangue mais le capitaine lui-même, balançant son corps de droite à gauche. Il change sans cesse de jambe d’appui, il semble instable. A cela s’ajoute le fait que tenir ainsi son support le conduit à se voûter, à arrondir son dos, et à perdre en « verticalité », donc en impact. Cette erreur de posture est fréquente chez tous les orateurs ou conférenciers se servant d’un pupitre : c’est pourquoi il faut apprendre à se détacher de celui-ci, autant physiquement que symboliquement, afin de déployer tout son corps et imposer sa stature.

– Ses mains relâchent tout de même le pupitre de temps à autres, mais pour se perdre dans une gestuelle évanescente. L’ouverture des bras est un geste classique, qui exprime à la fois l’accueil et la prise en compte de tout l’auditoire – mais ici Morin est bien trop fugace, et contrecarre quasiment à chaque fois cet élan du haut du corps avec un mouvement de la tête vers le bas (voir par exemple à la 40e seconde)…

– Morin penche en effet fréquemment sa tête, car sa plus grosse erreur demeure son incapacité à se passer de ses notes ! Il les cherche constamment du regard, dès le début, alors que ses bons mots sur sa « Normandie natale » devraient lui venir naturellement – au moins pour sembler sincères… Moins suivre ses notes lui aurait conféré plus de spontanéité. Le comble est atteint lorsqu’il formule enfin sa déclaration officielle de candidature (les secondes autour de la 1ere minute) : il baisse les yeux au moment même où il prononce les mots « présidence de la république », et brise alors le contact visuel qu’il aurait absolument du maintenir avec son auditoire à ce moment crucial !

On peut encore rajouter de nombreux petits défauts et défaillances – tels sa langue qui fourche dès ses premiers mots (« mes sers_jamis » pour « mes chers amis », à la 8e seconde)…

Ce qui est sûr, c’est que Morin n’apparaît pas sous son meilleur jour, peu stable et peu éloquent, alors que cette conférence de déclaration de candidature, peut-être l’un des moments les plus importants dans un parcours politique, aurait du être la mise en scène de toute sa vigueur, de tout son courage et toute sa détermination.

Peu assuré au départ même de la course, il ne pouvait que difficilement se redresser par la suite et rattraper son retard. Normal qu’il soit à la traîne dans les sondages.

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L’art oratoire au service de la rupture numérique

Un véritable orateur n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne la réplique. Et Oussama Ammar le prouve une fois de plus dans ses réponses aux questions du public à la suite de l’un de ses conférences sur la rupture numérique :

Oussama Ammar mérite définitivement son statut de grand gourou du startupship en France. Fondateur de l’incubateur de startups à succès The Family, il comprends mieux que quiconque les enjeux et les bouleversements du numérique dans notre société. Cela transparaît dans chacune de ses interventions : il est pénétré d’une vision, il parle au présent d’un futur qui est déjà en train de se construire mais que la plupart des gens ne voient pas ou refusent de voir.

Vous pouvez suivre son programme de formation à l’entrepreneuriat « Koudetat« . Mais vous pouvez surtout visionner ses conférences en ligne sur youtube, et préter une attention toute particulière aux séquences de questions/réponses avec le public. Notamment lorsqu’il s’adresse à un auditoire de prétendus « spécialistes », de personnes qui veulent mettre en place des « politiques de l’innovation », mais qui raisonnent à travers des paradigmes d’un monde révolu.

Dans cette conférence donnée le 11 juillet 2016, Oussama Ammar s’attaque aux « pôles de compétitivité » et autres politiques territoriales prétendant favoriser l’innovation et la création de startups. Ecoutez cette conférence en entier, et surtout : faites-la écouter ! Il parle de notre futur, de notre présent, il parle du monde qui est en train de se construire sous nos yeux pendants que nous nous accrochons aux ruines d’un monde dépassé.

Cette conférence est un régal, notamment les échanges avec le public. Et on en retient des phrases déjà cultes :

« Si on ne gène personne c’est qu’on ne fait rien d’intéressant. »

« Le monde des startups est à l’entrepreneuriat ce que la physique quantique est à la physique classique. »

« Les modèles économiques ne se décrètent pas, ils se découvrent. C’est un point très important avec lequel on a beaucoup de mal en France. On pourrait replanter l’Amazonie avec le nombre de business plan qu’on imprime en France. Sérieusement, faut arrêter. »

« L’ambition ne doit pas passer par 30.000 balles de subventions. » (à tous ceux qui se focalisent sur le financement et les mythiques levées de fonds…)

« Est-ce que c’était légitime qu’une profession qui faisait mal son service arrive à gagner autant d’argent au black ? Est-ce qu’en tant que citoyen c’était quelque chose qu’on devait accepter ? » (sur les taxis, VS Uber…)

« Le label Frenchtech a été créé pour donner aux gens le sentiment que leur startup valait quelque chose même quand elle ne valait rien. Quand on met les mauvais juges, on a les mauvais élèves. Vous prenez toutes les startups qui gagnent le label Frenchtech dans ce pays, les unes après les autres : elles sont toutes plus ridicules les unes que les autres. »

« Le développement économique passera par les entrepreneurs. Il ne passera jamais par des organisations territoriales ou des organisations d’Etat qui ne font rien d’autre qu’un boulot d’infrastructure. »

Ecoutez Oussamma Ammar ! Faites connaître Oussama Ammar ! Et préparez-vous au futur.

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Je vous ai compris ! Le discours du général de Gaulle le 4 juin 1958 à Alger : un modèle d’éloquence

Le discours du général de Gaulle le 4 juin 1958 à Alger, l’un des plus importants du XXe siècle, est remarquable à plus d’un titre. Outre sa portée historique, il offre un excellent exemple des techniques de base de l’art oratoire, notamment en ce qui concerne la gestuelle, la posture et le rythme.

Contrairement à ce que l’on croit, une bonne gestuelle n’est pas une gestuelle trop sophistiquée, excessive ou expansive. A part sa célèbre posture les bras en V, par laquelle il ouvre et clôt son discours, le général de Gaulle bouge très peu. Ses bras sont allongés le long du corps. Il marque discrètement quelques points importants en levant l’avant-bras à hauteur du coude, pas plus haut, et insiste sur les points décisifs en levant les deux, parfois un peu plus haut, mais quasiment jamais au-dessus des épaules ! Trois passages notables :

  • Vers la deuxième minute de son discours, « …et c’est pourquoi vous voilà » : il ouvre les deux bras de façon accueillante ;
  • Vers la quatrième minute, « Cela signifie qu’il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait » : l’importance de ce passage est marqué par un mouvement énergique de la main droite sur le premier segment de la phrase, puis par le poing gauche fermé ;
  • Vers la sixième minutes, « …elle a su endiguer le torrent pour en capter l’énergie » : il illustre cette image en mettant ses deux avant-bras en parallèle.

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Une bonne gestuelle est une gestuelle minimaliste. De trop larges « effets de manches » risquent généralement de faire passer l’orateur pour un comédien, peu naturel et peu crédible.

A cela s’ajoute le maintien d’une posture parfaitement droite (bassin stabilisé, dos droit, épaules basses, cou droit et dégagé…), permettant à de Gaulle de déployer et d’affirmer son personnage dans toute sa classe.

Le maintien de cette posture droite est aussi ce qu’on appelle, en art oratoire, la « verticalité ». Observez les grands orateurs : leur charisme est directement fonction de leur verticalité. Ils n’ont pas le dos vouté, ils ne rentrent pas la tête dans les épaules, ils évitent généralement les postures ou appuis asymétriques… Ils n’ont pas d’attitude de recul ou de rejet, ne sont pas trop « en avancée », ni même « en extension » : ils sont juste bien droits.

De même, appliquez-vous à vous tenir bien droit et à limiter votre gestuelle.

Vous vous demandez peut-être si le fait de réduire votre gestuelle ne rendra pas vos discours moins vivants ? Généralement, on bouge trop, et nos mouvements sont souvent le reflet d’une certaine nervosité (mouvements parasites, etc.). Vous gagnerez en charisme et en autorité en limitant vos gestes, en les réservant pour marquer les moments importants, et en évitant de lever les bras ou les mains trop haut (veillez à ne pas les gardez trop bas non plus, au risque de sembler vous effacer – le niveau du coude est un bon repère).

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Un autre aspect des grandes capacités oratoires du général de Gaulle est la gestion du rythme du discours, notamment par sa maîtrise des silences :

Comptez les secondes entre chaque phrase, entre certains mots, à chaque point, à chaque virgule… Presque 10 secondes entre « Je vous ai compris » et la phrase suivante ! De Gaulle sait laisser la foule acclamer. Il sait attendre qu’elle s’apaise. Et il sait aussi assumer de longs silences, ne rien dire sans que rien ne se passe. Ces silences donnent une force et une profondeur aux mots qui viennent d’être prononcés, et à ceux qui suivent. Ils ajoutent à l’intensité « dramatique » du moment historique qui est en train de se jouer…

Je dis qu’il « assume » ses silences, car il s’agit bien de « prendre sur soi », d’oser rester silencieux et tenir bon sans rien dire.

Généralement, nous n’assumons pas de trop longs silences, nous sommes gênés, nous cherchons à « meubler »… Dans le pire des cas on meuble avec des « heu » hésitants ou stressés, dans d’autres cas on se contente d’enchaîner et on débite son discours à toute vitesse… Et dans tous les cas on ne marque aucun moment fort, on ne laisse pas au public la possibilité de bien assimiler toutes les informations qu’on lui transmet, et on noie notre message-clef dans notre propre flot de paroles…

De même que de Gaulle : prenez votre temps ! Ne vous précipitez pas, et sachez vous retenir de parler quelques secondes durant. Cela créera ainsi une sorte de suspens, qui capativera d’autant plus votre public, tout en lui donnant le temps d’assimiler correctement tout ce que vous avez à dire. Votre message passera mieux, et aura plus de force.

Verticalité + gestes adaptés + silences assumés = impact à l’oral décuplé !

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