Psychologie

Technique d’influence : l’effet de contraste

Pour prendre la pleine mesure de l’impact du contexte sur la perception du message, voici un exercice révélateur que j’aime beaucoup faire en formation. Je répartis les participants en deux groupes et donne à chacun une listes de faits (par exemple : « Ne pas composter son ticket dans le bus », « Faire interner un proche contre son gré pour capter un héritage »…), faits qu’ils doivent noter en fonction de leur « degré d’immoralité » ou gravité. Les notes vont de 1 à 5 ; 1 désignant un fait anodin ; 2 un fait anormal ; 3 répréhensible ; 4, condamnable ; et 5 carrément odieux. Les faits listés sont différents d’un groupe à l’autre, sauf une poignée d’entre eux, exactement les mêmes à la virgule près aux mêmes positions dans les deux listes. La liste donnée au premier groupe présente des faits globalement anodins ou anormaux, tandis que la liste donnée au second groupe rassemble des faits odieux et condamnables.

Une fois les notes attribuées à chaque fait de chaque liste dans chacun des groupes, j’invite les participants à m’indiquer seulement les notes des faits communs au deux listes. Exemple de fait commun : « Emprunter régulièrement à des amis de petites sommes et ne jamais les rembourser »… Qu’observe-t-on ? Le groupe ayant reçu la liste de faits particulièrement odieux va juger chaque fait commun de façon très clémente. Celui ayant par contre reçu la liste de faits plutôt anodins se montrera très sévère. Le même fait peut se voir attribuer la note de 1 à 2 pour un groupe, et jusqu’à 4 voire 5 pour l’autre groupe ! Nous voyons donc comment l’influence du contexte peut se révéler déterminante pour le jugement.

Un fait grave, par rapport à d’autres faits très graves, le semblera aussitôt un peu moins. C’est ce que nous nommons : l’effet de contraste. Nous « relativisons ». Expérience simple : remplir un bol d’eau chaude, un autre d’eau froide, et enfin un d’eau tiède. Plongez la main gauche dans l’eau froide, la droite dans l’eau chaude, patientez quelques secondes, puis mettez les deux mains dans le troisième bol. Étrange sensation, l’eau parait plus chaude pour la main gauche et plus froide pour la main droite, alors que la température est forcément la même. C’est sensiblement la même chose avec les mots, les idées et les faits d’actualité.

Cet effet trouve bien entendu des applications en marketing, dont les résultats se révèlent parfois contre-intuitifs à bien des égards. D’après les travaux du chercheur Itamar Simonson, quand les consommateurs comparent différentes versions d’un même produit, ils ont davantage tendance à opter pour celui qui est en quelque sorte un « compromis », c’est-à-dire un produit qui répond au moins à leurs besoins et dont le prix est inférieur au montant maximum qu’ils peuvent y consacrer. C’est le choix par défaut généralement désigné par l’expression quelque peu trompeuse de « meilleur rapport qualité/prix ». Lorsqu’il s’agit de se décider entre deux produits, l’acheteur moyen aboutit donc le plus souvent à choisir le moins cher des deux. Si un troisième produit plus cher que les deux lui est proposé, alors il en vient à acheter le produit au prix moyen – celui qu’il avait délaissé dans le premier cas ! Si vous sentez que l’une de vos propositions est refusée parce que trop engageante par rapport à une autre, formulez-en une troisième plus extrême que les deux autres – ou faites-la tenir par un troisième homme, qui endossera plus ou moins volontairement le rôle d’épouvantail. Certains politiques peuvent s’estimer heureux de l’existence d’« extrémistes utiles », pour mieux s’en démarquer et passer pour des modérés.

On retrouve ici en filigrane la technique dite de la « porte-au-nez », qui consiste à faire une demande inacceptable dans un premier temps, pour mieux faire accepter la demande qui vient en suivant, beaucoup plus acceptable en comparaison, et la seule qui comptait vraiment. Le pouvoir persuasif de cette technique a été mis en évidence par les recherches en psychologie sociale de Robert Cialdini. Son expérience consistait à demander à des étudiants de parrainer un adolescent d’un centre de détention pour jeunes délinquants, deux heures par semaine et ce, pendant deux ans. Une fois cette requête refusée – deux heures hebdomadaires pendant deux ans ! -, les auteurs proposaient alors aux étudiants d’accepter au moins une sortie unique de deux heures durant laquelle ils parraineraient un des garçons du centre de détention. En demandant directement d’accepter cette sortie unique sans demande exorbitante au préalable, le taux d’acceptation était divisé par trois…

Autrement dit, pour avoir trois fois plus de chances d’obtenir ce que vous réclamez, commencez par demander n’importe quoi ! Au fond, n’est-ce pas la technique utilisée par Nicolas Sarkozy lorsqu’il chercha à placer son fils à la tête de l’EPAD ? Face aux levées de boucliers de toute part, Jean Sarkozy eut beau jeu de renoncer à briguer la présidence de l’EPAD, pour finalement siéger à un « moindre » niveau, au sein de son conseil d’administration. Si ce poste d’administrateur était en réalité celui initialement visé, il ne pouvait mieux s’y prendre pour y parvenir et le faire accepter plus facilement par l’opinion.

Illustration technique influence

Sur le plan graphique, l’effet de contraste est particulièrement utilisé pour produire des illusions d’optique. Le but est soit de donner l’impression que deux choses ont la même taille alors que ce n’est pas le cas, ou l’inverse – donner l’impression que deux choses ont des tailles très différentes alors qu’elles ont une taille similaire. Voir par exemple ces deux photos (et l’explication de la première en vidéo ci-dessous) :

Technique influence

Un effet amusant si vous faites des photos : mettez au premier plan vos petits éléments, personnages ou même voitures miniatures pour fausser la perspective !

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Comment utiliser au mieux la technique du YES SET pour convaincre

7 principes de base pour utiliser au mieux la redoutable technique du « YES SET ». Comme nous l’avons déjà expliqué sur ce blog, le « YES SET » est une technique qui consiste a poser une série de questions ayant chacune pour but de susciter l’approbation des personnes à qui vous vous adressez.

Lire (ou relire) l’article : Oui ? Non ? Décuplez votre pouvoir de conviction grâce à la technique du YES SET

D’ou le nom « YES SET », car il s’agit de poser des questions afin de générer une « série de OUI » ! C’est une technique puissante car elle conditionne vos interlocuteurs a prolonger leur série de « OUI »… Ainsi, lorsque vous leur formulez votre véritable demande, ils auront davantage tendance a approuver, et dire NON sera d’autant plus difficile.

Comme nous l’avions expliquee dans un autre article, la technique du « YES SET » se base sur le principe du désamorçage de la négativité de la cible. Dans un echange, le fait de répondre par OUI à plusieurs questions au début facilite une réponse positive pour les questions suivantes. Mais cela fonctionne aussi dans le cadre d’un discours, si l’orateur utilise un YES SET en introduction : car il prepare ainsi mentalement l’esprit de ses auditeurs a recevoir plus favorablement la suite !

Lire (ou relire) l’article : Manipuler avec la technique du « Yes Set », ou comment utiliser l’esprit de facilité…

Dans tous les cas, pour utiliser efficacement la technique du YES SET quelle que soit le contexte (prise de parole en public, négociation, séduction, ou simple discussion), rappelez-vous de ces quelques principes de base :

  • Le YES SET est idéal en introduction ;
  • Le YES SET peut être utilisé aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, face à 1 personne ou 1 millier ;
  • 2 ou 3 questions suffisent largement, 4 à 5 grand maximum (après ça commence à faire lourd à l’oral) ;
  • Les réponses peuvent être données à voix haute ou en silence ;
  • Laissez un temps de réponse après chaque question, même si le public reste silencieux ;
  • Les questions peuvent être anodines (influence sournoise) ou engageantes par rapport au sujet ;
  • Chaque fois que vous sentez une résistance, revenez sur une question du YES SET…

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Je vous déconseille de lire ce qui suit…

Qu’êtes-vous en train de faire ? Mes conseils ne servent donc à rien ?! Si je vous dis de NE PAS LIRE cet article, c’est pourtant pour une bonne raison…

C’est pour vous montrer… la puissance de la sollicitation paradoxale

Je vous explique :

En vous « déconseillant » de lire cet article, je décuple votre envie de le lire quand même ! Et vous le faites avec d’autant plus d’attention et d’intérêt que vous avez peut-être le sentiment de braver un « interdit », d’accéder à ce qui vous est refusé, de percer un secret… De contredire un « ordre », de dire « non » quand on dit « oui » et de dire « oui » quand on dit « non » !

C’est l’application d’un principe très simple : jouer avec l’esprit de contradiction pour le retourner contre lui-même.

La sollicitation paradoxale, c’est le fait de demander l’inverse de ce que l’on souhaite, en s’attendant précisément à provoquer la réaction contraire.

On raconte que le psychologue et psychiatre américain Milton Erickson aurait fait la découverte de ce principe étant tout jeune :

A l’âge de 7 ans, le petit Erickson était avec son père et tous deux devaient faire rentrer un veau dans une étable. Le père tirait sur la corde, mais plus il tirait, plus le veau se cabrait et refusait d’y aller. Erickson eut alors l’idée, plutôt que de continuer à tirer sur la corde, de faire le tour du veau et de tirer sur sa queue, dans le sens opposé. Aussitôt, par réaction, le veau poussa en avant et rentra dans l’étable.

Regardez la vidéo ci-dessous – ou plutôt : ne la regardez surtout pas !

Vous allez voir comment un jeune père manipule son fils… exactement comme le petit Erickson avait manipulé le veau…

Que faut-il en retenir ? Eh bien, que vous pouvez vous aussi utiliser ce principe dans tous vos échanges, avec qui que ce soit, et plus particulièrement avec les personnalités rebelles et les contradicteurs patentés. Vous pouvez également en faire usage lors de vos discours et interventions en public.

Imaginez un professeur face à une classe d’étudiants prenant conscien- cieusement des notes à chaque mot qu’il prononce. Il suffit qu’il aborde un nouveau point, tout en déclarant : « Laissez tomber vos stylos, ce n’est pas la peine de noter ce que je vais vous dire là… » Il suscitera paradoxalement un regain d’intérêt, et il peut être certain que cette anecdote ou ce point sera l’un des passages les plus marquants et les mieux retenus de tout son cours.

Un bon moyen de capter l’attention et d’augmenter la valeur des informations que vous voulez transmettre est en effet de les présenter sous le signe du secret ou de la confidentialité. Avant un passage important, lâchez innocemment :

  • « Je ne devrais pas vous révéler cela, mais… »
  • « Je ne voulais pas aborder ce point aujourd’hui, je le réservais pour un moment spécial… »
  • « D’habitude un orateur veut capter l’attention du public, mais là ce n’est pas grave si vous n’êtes pas très attentif, en fait j’espère même que vous allez vite oublier ce que je vais vous dire… »
  • « Alors là, bouchez-vous les oreilles, je vais dire quelque chose que je ne devrais pas vous dire… »
  • « Arrêtez de prendre des notes pour ce que je vais vous dire, je ne veux surtout pas qu’il y ait de traces écrites… »
  • « Ce que je vais vous dire ne doit pas sortir d’ici… »
  • « Promettez-moi de ne pas répéter que… »

Faites monter le suspens en gardant le silence un petit moment, puis dites ce que vous avez à dire. Vous pouvez baissez le ton, ou regarder fixement quelqu’un pendant tout le passage, pour augmenter l’intensité de cette « révélation »… Vous serez sûr de faire mouche, de captiver votre public, et donc de diffuser au mieux votre message !

C.C. Crédit photo : Viewminder

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Les mécanismes de la communication d’influence : le mythe d’O’Gilvy

Regardez ce petit film d’un mendiant aveugle… Émouvant, n’est-ce pas ? Il met en scène une anecdote rapportée par le publiciste O’Gilvy :

« Sur le pont de Brooklyn, un matin de printemps, un aveugle mendie. Sur ses genoux, une pancarte : ‘aveugle de naissance’. Devant lui la foule passe, indifférente. S’arrête un inconnu. Il prend la pancarte, la retourne, y griffonne quelques mots et s’en va. Aussitôt, miracle. Chacun tourne la tête et beaucoup, attendris, s’arrêtent et jettent une pièce dans la sébile. Quelques mots avaient suffi. Ils disaient tout simplement : ‘C’est le printemps, je ne le vois pas ‘. »

O’Gilvy utilise cette histoire pour montrer que « motiver, c’est une certaine manière de dire la vérité qui touche les individus. »

Les différentes façons de formuler un même message peuvent avoir des impacts très divers. C’est tout le pouvoir des mots. Trouvez la bonne façon de demander ce que vous voulez, et vous l’obtiendrez : voilà en substance le principe de la communication d’influence

L’analyse classique « émetteur-récepteur »

L’histoire de l’aveugle sur le pont de Brooklyn a probablement été inventée de toute pièce par son auteur dans le seul but d’appuyer son propos. C’est en tout cas l’une des critiques que lui adresse Alex Mucchielli dans son ouvrage L’art d’influencer *. Mais les reproches de Mucchielli portent surtout sur les présupposés du modèle explicatif d’O’Gilvy. Quasiment toutes les analyses classiques de cas d’influence de ce genre reposent implicitement sur un même modèle : la théorie de « l’émetteur-récepteur ». Or, selon Mucchielli, ce modèle ne permet pas de rendre compte du véritable mécanisme à l’oeuvre dans la communication d’influence.

Pour comprendre comment fonctionne la communication d’influence, il faut comprendre pourquoi, dans un premier temps, les passants ne donnent rien au mendiant, puis, une fois les mots de la pancarte changés, ces mêmes passants se précipitent pour lui jeter quelques pièces.

L’analyse classique explique l’influence par une sorte de manipulation des états affectifs de l’individu récepteur d’un message (ici chaque passant – l’émetteur étant l’aveugle et sa pancarte). Pour influencer, il faudrait d’abord mettre le « récepteur » de la communication dans un certain état, état qui est donc obtenu en manipulant ses émotions. Dans le cas de l’aveugle, son message initial ne touche pas les passants, tandis que le nouveau message active leur compassion. Encore faut-il que cette émotion soit la bonne pour provoquer l’effet attendu…

Cette analyse repose sur plusieurs postulats, à savoir :

  1. Le contenu d’un message a un effet ;
  2. En changeant les messages on change les effets ;
  3. L’effet sur la conduite humaine est une affaire de contenu de message ;
  4. Le contenu agit sur une disposition interne au psychisme (motivation, besoin, désir…) ;
  5. Le message doit toucher cette disposition interne qui va déclencher une action ;
  6. C’est donc le dispositif psychique interne sollicité qui déclenche finalement l’action.

Mais pour Mucchielli, cette explication n’explique rien ! C’est une explication « après coup » qui est obligée de postuler l’existence, dans le cas de l’aveugle, d’une « motivation de compassion » chez les passants. L’analyse classique ne permet pas non plus d’expliquer pourquoi, si une telle motivation est touchée, elle provoque chez les passants l’action de donner de l’argent (pourquoi ne déclencherait-elle pas des soupirs, des pleurs, ou de simples paroles réconfortantes ?). Face à la théorie dépassée de l’émetteur-récepteur, Mucchielli propose donc un nouveau modèle :

L’approche situationnelle

Pour Mucchielli, si une action est réalisée, c’est parce qu’elle a du sens pour celui qui la fait. Les passants ne donnent rien à l’aveugle dans le premier cas car leur action n’a a priori pas de signification positive. Pourquoi donc ? Car dans cette première situation, la mendicité est banalisée. Elle apparaît même comme une gêne : le mendiant, en mettant en avant son handicap (de naissance), amène les passants à culpabiliser alors qu’ils ne peuvent a priori rien changer à son sort (ce n’est pas en lui donnant une pièce ou deux qu’il retrouvera la vue…). Le message de sa pancarte le positionne donc à distance des personnes qu’il essaye de toucher, son but est manqué.

En modifiant les mots de la pancarte : « C’est le printemps, je ne le vois pas », le mendiant est alors positionné autrement. Ce n’est d’ailleurs plus un « mendiant », mais un homme face à d’autres hommes. Il ne mendie plus en tant qu’aveugle de naissance, mais comme membre à part entière de la communauté humaine portée par un sentiment d’allégresse face à l’arrivée du printemps en cette douce matinée. Si ce n’est la mention de son infirmité qui le met partiellement en marge… tout en signifiant par là même son grand courage.

Tandis que dans le premier cas, les passants se disaient que le mendiant « ne pouvait de toute façon pas » profiter du printemps, dans le second cas, il « pourrait en être ». Ainsi les mots sur la pancarte ont redéfini la situation. De nouveaux éléments significatifs, porteurs de sens, sont apparus. Ce n’est pas tant l’émotion des passants qui est modifiée, que la situation ou contexte d’interprétation d’un certain message en fonction de certaines normes sociales.

La communication n’est donc pas uniquement une affaire de transmission de message. Elle doit être envisagée comme la modification de certains contextes composant une situation.

La conception d’une stratégie de communication qui serait implicitement basée sur le modèle « émetteur-récepteur » risquerait de manquer son véritable objectif. Le travail ne doit pas seulement porter sur les mots ou le message, mais prendre en compte le contexte d’interprétation de ce message (et notamment tous les éléments cachés comme les normes culturelles, les habitudes individuelles et sociales, etc.). C’est ce à quoi nous invite l’approche situationnelle. Mucchielli en résume ainsi les 5 grandes règles :

  • Faire une communication indirecte : le message ne doit pas être rationalisé ou « intellectualisé », il doit parler à l’imaginaire et amener les personnes visées à en tirer les conclusions par elles-mêmes ;
  • Travailler le positionnement : pour être entendu, il est préférable d’établir une relation positive avec son interlocuteur, souvent en laissant à celui-ci le sentiment d’être dans la position dominante ;
  • Faire intervenir de nouvelles normes dans la situation : ce qui suppose dans un premier temps de repérer les normes présentes et activées, sans chercher à les attaquer ;
  • Modifier les perceptions négatives des enjeux : c’est-à-dire, par le positionnement et l’introduction de nouvelles normes, leur donner une signification positive ;
  • Raisonner à partir de la situation de l’interlocuteur à influencer : il faut non seulement parler son langage (ce qui revient à tenir compte de ses enjeux), mais également partager son point de vue (lui parler comme si nous étions dans son monde et qu’on lui révélait par petites touches certains éléments de ce monde qu’il n’avait pas vu).

Une bonne communication d’influence s’effectue tout en finesse, de façon non directive, non en expliquant ou en montrant à la personne visée ce qu’elle doit faire, mais en lui suggérant des éléments nouveaux, en la laissant les découvrir et décider d’agir autrement…

* Alex Mucchielli, L’art d’influencer et Communication & Influence, Approche situationnelle

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Technique de manipulation : la « porte-au-nez »

Il existe une technique de manipulation redoutable, tellement simple et tellement commune qu’on en vient souvent à l’oublier. On l’utilise parfois sans vraiment s’en rendre compte, et surtout on est souvent manipulé sans le voir. Cette technique de manipulation s’avère pourtant diablement efficace, et est par exemple régulièrement utilisée par les associations qui font appel à la générosité publique pour des causes solidaires ou humanitaires… Cette technique de manipulation s’appelle « la porte au nez ». C’est ainsi qu’on la nomme dans le domaine de la psychologie sociale et de la manipulation mentale.

J’ai déjà parlé de la technique du pied dans la porte dans un précédent article. Le « pied dans la porte » consiste à faire une demande peu coûteuse qui sera vraisemblablement acceptée, suivie d’une demande plus coûteuse : la seconde demande aura alors davantage de chance d’être acceptée si elle a été précédée de l’acceptation de la première, qui crée une sorte de palier en s’appuyant sur ce qu’on nomme le « principe d’engagement ».

A l’inverse, la technique de la « porte au nez » consiste à faire d’abord une demande très coûteuse qui sera vraisemblablement refusée. Elle sera ensuite suivie d’une seconde demande moins coûteuse qui aura alors plus de chance d’être acceptée. En effet, l’interlocuteur sera probablement content de pouvoir faire cette sorte de concession pour la deuxième proposition, afin de s’alléger d’un certain sentiment de culpabilité du fait d’avoir refusé la première demande… C’est le célèbre psychologue Robert Cialdini qui a formalisé, dans les années 70, cette technique de manipulation redoutable. Vous devriez lire son livre sur l’influence et la manipulation.

Lors d’une expérimentation, Robert Cialdini a demandé à des étudiants s’ils étaient d’accord pour parrainer un adolescent d’un centre de détention pour jeunes délinquants, deux heures par semaine et ce, pendant deux ans. Auriez-vous accepté ? Probablement non, et en effet l’immense majorité des étudiants a refusé. Une fois cette requête fort coûteuse refusée, Robert Cialdini proposait alors à ces mêmes étudiants de bien vouloir effectuer une sortie unique de deux heures durant laquelle ils parraineraient un des garçons du centre de détention. Le fait de précéder cette demande de l’autre demande (demande très coûteuse d’abord, puis demande moins coûteuse) a permis de tripler littéralement le nombre d’acceptations de parrainage pour la sortie unique, par rapport à un groupe contrôle d’étudiants auxquels seule cette sortie unique était proposée.

Cette technique est d’autant plus efficace lorsque les éléments suivants sont rassemblés :

  • Noblesse de la cause des demandes. Plus la cause est noble, plus la culpabilité issue de la première demande sera intense, et plus la seconde demande aura de chance d’être acceptée ;
  • Même demandeur pour les deux demandes, faite en face-à-face ;
  • Fort différentiel de coût entre les deux demandes ;
  • Cohérence entre les deux demandes. Plus leur objectif semble convergent, plus la seconde a de chance d’être acceptée ;
  • Proximité temporelle. Le seconde demande a plus de chance d’être acceptée si elle est formulée rapidement après la première.

Sachez donc repérer la prochaine « porte au nez » qu’on essaie d’utiliser à vos dépends… et sachez l’utiliser de manière éthique. Vous trouverez de nombreuses autres techniques pour manipuler et influencer dans son livre sur la persuasion. Si vous souhaitez aller plus loin et découvrir d’autres techniques de ce type, je vous recommande sans hésiter le très pratique et tout aussi ludique Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens des célèbres psychologues Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois. Vous allez adorer ! Mais attention… Livre strictement réservé aux honnêtes gens !

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Comment manipuler les autres avec la technique de « l’étiquetage »

Si vous êtes en train de lire cet article, c’est que vous êtes un vrai passionné de psychologie, n’est-ce pas ? Et en disant cela, je suis justement en train de mettre en oeuvre une technique psychologique de manipulation redoutable : l’étiquetage

L’étiquetage est une méthode puissante de manipulation que nous utilisons bien souvent sans même nous en apercevoir, et parfois d’ailleurs de manière assez mauvaise. Par exemple, quand un adulte gronde un enfant et qu’il lui dit « tu es méchant », on pense lui faire prendre conscience du mauvais de son attitude… Mais en réalité on naturalise son mauvais comportement – on le renforce dans la croyance qu’il est vraiment mauvais, et donc qu’il n’y a probablement rien à changer à cet état de fait. Il faudrait mieux lui dire « Ce que tu viens de faire est méchant, cela ne te ressemble vraiment pas, toi qui est si gentil« . Et là nous utilisons correctement l’étiquetage, dans la mesure où nous pouvons avoir une véritable influence sur son comportement.

Cette technique est abordée dans le livre de Robert-Vincent Joule Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, où il explique le pouvoir et les applications positives de l’étiquetage comme méthode de manipulation. Robert-Vincent Joule est chercheur en psychologie sociale, son livre est à posséder absolument ! Je vous recommande également son livre La soumission librement consentie, à la fois terrifiant et instructif…

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